La police américaine a trouvé un outil bien pratique pour géolocaliser de nombreux suspects sur son territoire : une base de données qui comprend des centaines de milliards d'enregistrements de localisation de 250 millions de smartphones. Fournie par une société nommée Fog Reveal, cette base de données a servi et sert encore aux forces de l'ordre à retracer les déplacements d'individus lors d'enquêtes réalisées parfois sans mandat, révèle l'agence de presse AP.
En saisissant les coordonnées d'une scène de crime sur un portail web, les enquêteurs obtiennent tous les identifiants de Fog Reveal, les « Fog ID », qui étaient présents sur les lieux au moment fatidique. Ces Fog ID sont basés sur les identifiants publicitaires uniques des iPhone (IDFA) et des téléphones Android.
La base de données de Fog Reveal ne contient pas les noms qui se cachent derrière ces identifiants, mais cette information peut être obtenue en croisant d'autres données. La société créée par deux anciens responsables du département de la Sécurité intérieure conseille d'ailleurs à ses clients un « partenaire de données », Venntel, pour mettre des noms sur les identifiants. C'est une mine d'or pour la police, d'autant plus qu'il est possible d'accéder à l'historique des déplacements des individus.
Très discrète jusque-là, son nom n'apparaissant même pas dans des dossiers où elle a pourtant joué un rôle, Fog Reveal a constitué son immense banque d'informations en faisant ses emplettes chez des courtiers de données (data brokers), des entreprises qui achètent et vendent des données collectées notamment depuis des applications mobiles. Parmi les données de géolocalisation entre les mains de Fog Reveal, et donc à portée de la vingtaine d'agences américaines ayant passé un contrat avec la société, il y a celles de Starbucks et Waze.
Interrogé par AP sur la provenance des données de ces deux applications en particulier, Fog Reveal a botté en touche, affirmant qu'elle ne savait pas comment les courtiers avaient aspiré ces éléments. De leur côté, Starbucks et Waze ont assuré n'avoir aucune relation avec cette société. La chaîne de cafés américaine a ajouté qu'elle n'avait pas autorisé ses partenaires commerciaux à partager les infos de ses utilisateurs avec Fog Reveal.
« Les forces de l'ordre locales sont en première ligne dans les affaires de traite humaine et de disparitions, mais elles sont souvent en retard en matière de technologie. Nous comblons un vide pour les agences en manque d'argent et de personnel », défend Matthew Broderick, un cadre de Fog Reveal. L'Electronic Frontier Foundation, une association qui défend les libertés individuelles, estime pour sa part qu'il s'agit d'« une sorte de programme de surveillance de masse bon marché ».