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Apple Store : « Avoir le code de déverrouillage fait gagner du temps »

Florian Innocente

lundi 26 février 2018 à 14:00 • 28

iPhone

L’article sur la « gestion » des codes de déverrouillage d’iPhone en Apple Store a fait réagir certains de nos lecteurs qui travaillent chez Apple.

L’article est ici mais voilà un rappel pour restituer le contexte : alors que je laissais ce week-end deux iPhone au Genius Bar pour profiter du changement de batterie proposé par Apple, j’avais été surpris qu’il faille donner au technicien ces iPhone déverrouillés ou lui communiquer des codes de déverrouillage. Et ce, afin de lui permettre de réaliser des vérifications post-réparation. L’explication fournie étant qu’en l’absence de cet accès il y avait le risque que je me rende compte d’un problème par la suite et d'être bon pour revenir.

Ça partait d’un bon sentiment mais cela signifiait que j’accordais un accès intégral au contenu de mon iPhone et celui de ma fille. En 2018, avec le discours très ferme d’Apple, maintes fois martelé depuis des années, sur les questions de confidentialité, le contraste me surprenait. On peut bien entendu apporter son iPhone remis à zéro et vide de toutes données personnelles et le restaurer par la suite, mais pour beaucoup de monde ce sera fastidieux ou trop compliqué.

J’ai donc donné des codes de déverrouillage temporaires. Mais renseignement pris par la suite, on m’a assuré que ce n’était plus nécessaire depuis un an. Sur les appareils équipés au minimum d’iOS 10.3, un mode diagnostic permet de réaliser les tests nécessaires sur un iPhone laissé verrouillé.

Il semble, au vu de réactions reçues, ou lues en commentaires à l’article, que des techniciens s’affranchissent pourtant de cette nouvelle procédure. C’est fait sans mauvaises intentions mais pour une raison purement pragmatique : « gagner du temps ».

Ils le justifient par les volumes de réparations auxquels ils sont confrontés en temps normal et que le programme de changement de batteries a encore alourdis. Toutefois, ces explications ne sont pas toujours partagées. Signe que sur ce sujet il y a beau y avoir une règle elle reste diversement suivie.

Un ancien employé — appelons-le Vincent, il n’a pas souhaité que l’on utilise son vrai nom, comme pour ses autres collègues — nous a donné les explications suivantes :

Il est exact de dire qu’Apple ne demande pas aux employés de réclamer le code. C’est une vieille habitude que malheureusement les nouveaux apprennent par leur « shadow » (un supérieur hiérarchique qui accompagne les premiers pas des petits nouveaux, ndlr) qui sont parfois un peu fermés et convaincus (de la justesse de leur méthode, ndlr).

Un autre technicien — appelons-le François — nous a dit de son côté :

Apple ne nous demande pas de "n'absolument pas demander le code de déverrouillage" (ce que j’avais écris dans le précédent article, ndlr), il y a toujours une case à remplir dans notre app « MobileGenius », intitulée « Code » avec un switch « Oui/Non ». Nous pouvons donc le renseigner à cet endroit-là. Si un technicien accède à ce code, c’est automatiquement notifié dans la liste d'audit et il est facile de savoir qui a consulté le code (également si cet accès est justifié).

Sur la présence de cette option, un troisième interlocuteur — appelons-le Paul — va à rebours des propos précédents. Il fait remarquer que l’application ne reflète pas forcément la réalité des procédures les plus récentes. En clair : dans certains cas, comme avec ces iPhone et iPad sur 10.3, le recours à certaines options n’est plus justifié même si elles sont à portée de doigt.

Pour notre premier technicien, François, ce mode diagnostic a cependant comme défaut d’allonger le temps de l’intervention :

Ne pas avoir le code oblige le technicien à démarrer l'iPhone en mode diagnostic (ce qui est déjà plus long) et à lancer un à un chaque test (1 diagnostic par bouton + 1 diagnostic général + 1 diagnostic audio dans les cas d'un changement d'écran, de récepteur ou de haut-parleur).

Étant donné la masse actuelle de réparations (les batteries évidemment mais aussi et toujours les écrans fissurés ou autres problèmes), lancer chacun de ces diagnostics reviendrait à réduire considérablement le nombre de réparations possibles chaque jour et à faire patienter chaque client plus longtemps pour récupérer son appareil.

Vincent, l’ancien employé, va dans le même sens, à l’en croire la cadence imposée par les volumes à traiter et les exigences d’Apple font que certains techniciens préfèrent déroger aux consignes :

Le rythme imposé est permanent, il existait avant le programme concernant les batteries. Il y a beaucoup de procédures qui ne sont pas respectées à la lettre (parce que c’est souvent impossible) […] En « temps normal » on est à 50 iPhone environ par jour pour les petits magasins et autour de 100 pour les gros. En théorie, Apple voudrait 3 500 à 3 800 rendez-vous par semaine dans un flagship (un très grand store, comme celui Opéra à Paris, ndlr).

Pour Paul, notre troisième interlocuteur qui s’inscrit quelque peu en faux par rapport aux propos de ses collègues, les tests en mode diagnostic sont effectivement plus longs mais cela reste de l’ordre de quelques minutes supplémentaires :

Il y a une batterie de tests, dont un qui s’appelle « Post Repair ». Il prend 5 minutes et reprend les principaux tests nécessaires pour vérifier l’écran, la batterie et les capteurs.

Surtout, dit-il, ces tests sont plus complets que ceux qui peuvent être réalisés sur un iPhone déverrouillé. Des « Quick Tests » qui consistent à démarrer l’iPhone, voir si les capteurs photo avant et arrière fonctionnent et si Safari se connecte. Après quoi l’iPhone est éteint et rendu.

Seulement, ajoute Paul, ça ne suffit pas à tester tous les capteurs, les antennes radio ou la présence de pixels morts lorsqu’il s’agit d’un remplacement d’écran. Toutes choses que permettent de vérifier le mode de test le plus complet. Autre problème selon lui, cela signifie-t-il qu’en fonction de la charge de travail certains iPhone bénéficieront de tests plus poussés que d’autres ?

Tous les trois s’accordent au moins sur un point, les techniciens de la « Repair Room » ont autre chose à faire que d’aller jeter un œil dans les données d’un téléphone ou d’un iPad. Le risque n’est pas nul, puisque ce sont des gens et non des machines qui travaillent, mais la politique d’Apple est stricte, rappelle Vincent, l’ancien salarié :

Pour un technicien qui s’aviserait de fouiner dans les photos, c’est tolérance zéro lorsque l’équipe chargée du Management est avertie.

François décrit un environnement de travail très encadré pour les techniciens :

Il faut tout de même savoir que la Repair Room possède toujours plusieurs caméras et qu'aucun technicien ne pourrait avoir accès aux données de l'utilisateur sans que cela ne se voie. De plus, Apple est très alerte sur le sujet et des formations obligatoires et régulières nous sont dispensées pour rappeler à quel point les données présentes sur les appareils des clients doivent rester confidentielles et ne DOIVENT pas être consultées.

Un seul écart conduit automatiquement à des poursuites et un avertissement voire un licenciement (pour faute grave). De plus, un technicien n'est de toute manière jamais seul en Repair Room et je peux vous assurer que si l'un d'entre eux "dérapait" en consultant des contacts, photos ou n'importe quelle autre donnée du client sans son consentement, il ferait tout de suite l'objet d'une remontée aux managers.

En définitive, une question qui reste posée est de savoir si les règles mises en place pour le traitement des dossiers de SAV, qui sont compatibles avec la politique de confidentialité d'Apple, le sont aussi avec les objectifs de volumes de réparations donnés aux techniciens.

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