Ça se confirme : après avoir plombé les résultats d’Apple l’année passée, le marché chinois freinera leur progression cette année. Effet des rumeurs, contre coup d’un « supercycle », succès de la concurrence, les explications de la stagnation des ventes d’iPhone ne manquent pas. À ceci près que cette stagnation est le produit d’un jeu d’ombres chinoises.
Les chiffres sont éloquents : le chiffre d’affaires d’Apple, qui dépend aux deux tiers des ventes d’iPhone, a augmenté de 3,3 % dans la zone EMEA, de 4,77 % au Japon, de 6,83 % dans la zone Asie-Pacifique, ou encore de 9 % sur le continent américain. La machine est bien repartie… sauf en Chine, où le chiffre d’affaires d’Apple a baissé de 14,10 %.
Le marché chinois a considérablement changé le rythme de l’activité d’Apple ces cinq dernières années, le pic du premier trimestre fiscal (celui des fêtes de fin d’année) débordant sur le deuxième trimestre fiscal (celui du Nouvel An chinois). La firme de Cupertino a amplifié le mouvement en regroupant l’essentiel de ses annonces à l’automne, jusqu’à l’embouteillage parfois.
Construction d’un grand « campus » et de deux centres de R&D, signature de nombreux partenariats industriels, prises de participation dans des entreprises locales, ouverture de 40 boutiques : le marché chinois a rapidement pris une place centrale dans la stratégie de la société. Et pour cause ! En 2015, son chiffre d’affaires y a progressé de 84,3 %.
Qu’il ait baissé de plus de 17 % en 2016 peut apparaître comme un artefact de la comparaison avec une année « trop exceptionnelle », un « supercycle » disent certains analystes. Cette comparaison est encore faussée par le renchérissement du dollar face au yuan : à taux de change constant, le niveau de la chute serait inférieur d’un quart à un tiers. Enfin, l’économie chinoise a ralenti, et la situation s’est particulièrement dégradée à Hong Kong.
Ces causes ne suffisent toutefois pas à expliquer une deuxième année dans le rouge : les ventes de smartphones n’ont pas baissé en Chine l’an passé, mais augmenté de 8,7 %, selon IDC. Au « phénomène Apple » s’est substitué un « phénomène BBK », qui s’est arrogé près du tiers des ventes avec une gamme de smartphones de milieu de gamme vendu au prix du bas de gamme.
Ce nom ne vous dit rien ? C’est normal : la société ne possède même pas une fiche Wikipédia complète. Les marques du groupe BBK vous seront peut-être plus familières : Oppo, désormais leader du marché chinois ; Vivo, qui a soufflé la troisième place à Apple ; et OnePlus, qui produit quelques-uns des meilleurs smartphones Android. BBK a plié le marché chinois en quelques années, et s’attaque maintenant à l’Inde.
Apple reste la seule société étrangère dans le top 5, et n’a pas autant souffert que Xiaomi (- 23,2 % contre - 11,4 %) de la contraction du marché premium, sa marque conservant un certain cachet. Ses ventes, de l’aveu même des cadres de la société, devraient pourtant continuer à baisser dans les prochains mois, et donc continuer à masquer les bons résultats des autres régions.
« La plupart des utilisateurs de produits Apple », explique IDC, « attendent le prochain iPhone ». Éternel optimiste, Tim Cook « continue de se montrer très enthousiaste » à l’idée des perspectives du marché chinois. Il faut dire que les ventes de Mac y ont encore augmenté de 20 %, que les services y connaissent une trajectoire encore plus explosive qu’aux États-Unis, et que cinq des dix boutiques Apple les plus populaires sont situées en Chine.