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Apple a l'intelligence artificielle discrète mais partout présente

Stéphane Moussie

mercredi 24 août 2016 à 20:30 • 18

iPhone

Avec le “Machine Learning”, une révolution silencieuse s’est opérée depuis quelques années au sein d’Apple et ses dirigeants en parlent volontiers aujourd’hui. Traduit en “apprentissage automatique” ou “statistique”, ce système vise à donner plus d’intelligence aux logiciels et services qui font fonctionner les iPhone, l’Apple TV, l’Apple Watch, iOS ou encore Siri.

Steven Levy fait un long compte-rendu d’une rencontre avec Eddy Cue, Phill Schiller, Craig Federighi et deux spécialistes d’Apple : Alex Acero qui supervise les technologies de la reconnaissance vocale (il travailla chez Apple puis à la Recherche de Microsoft avant de revenir au bercail) et Tom Gruber (l’unique co-créateur de Siri encore chez Apple).

E. Cue, T. Gruber, A. Acero et C. Federighi — crédit BackChannel

Il serait vain de vouloir résumer in-extenso leurs propos, émaillés parfois de références techniques que seuls les experts du domaine apprécieront. Mais on y lit que ce que l’on appelle communément (et d’une manière un peu simpliste) «intelligence artificielle » est utilisée à tous les niveaux de l’entreprise depuis plusieurs années.

Il y a tout juste deux ans par exemple, Siri a comme été réinitialisé. Une partie de son moteur a été relancé sur de nouvelles bases, un réseau neuronal et plusieurs autres technologies cousines, pour en améliorer les capacités de compréhension et d’interprétation. Le taux d’erreurs à ce moment là a été divisé par deux; voire un peu plus avec certaines langues.

Même la voix de l’assistant fait l’objet d’un travail constant. Pour en gommer le rendu artificiel que l’on connaissait au début et la rendre plus familière, plus agréable et donner ainsi envie de l’utiliser plus fréquemment.

À en croire Eddy Cue, l’amélioration de la pertinence de Siri a été impressionnante après cette mise à jour : « Ca fait partie de ces choses où le bond est à ce point massif que lorsque vous faites vos tests, vous vérifiez si quelqu’un n’a pas mis la virgule au mauvais endroit » (lire aussi Tim Cook : Siri de plus en plus intelligent, et ce n’est pas artificiel).

Bien qu’elle ait été la première à avoir installé un assistant intelligent sur son smartphone, Apple n’est pas perçue comme une championne dans le domaine de l’IA, contrairement à Microsoft, Facebook ou Google (un chercheur, dans l’article, fait mine de s’interroger : « qui parmi les 5 plus grands spécialistes de ce secteur travaille chez Apple ?…).

La faute à une discrétion exacerbée sur ce qui se passe en coulisse, mais un rideau de fer qui tend toutefois à se lever. On ne vient pas chez Apple avec l’objectif de publier des travaux de recherche, explique un des dirigeants, mais pour collaborer à la création de produits qui vont se retrouver sur le marché. Cependant, Apple va autoriser la publication de certaines recherches dès lors qu’elles ont une forte valeur ajoutée et peuvent bénéficier à la communauté des scientifiques.

Federighi rétorque aussi qu’Apple a embauché des cracks dans ce domaine mais aussi des gens qui viennent d’autres horizons (mathématiques, programmation, statistiques, chiffrement…) dont les connaissances s’appliquent parfaitement à ces problématiques.

À quelles fins sont utilisées ces différentes techniques d’intelligence artificielle ? Pour de nombreuses choses. Il y en a d’évidentes, comme la détection des visages dans Photos, l’interprétation de vos ordres pour Siri ou la dictée vocale.

Il y a aussi l’analyse de ce que vous tapez afin d’offrir des suggestions ou de remplir votre calendrier d’un rendez-vous reçu dans Messages. Ou vous dire qui est en train d’appeler alors même que vous n’avez pas cette personne dans votre répertoire mais qu’elle a mis son numéro dans l’un de ses mails. Ou établir la liste des applications que vous propose le widget des Suggestions sur l’écran d’accueil. Ou de savoir si votre téléphone doit ou non basculer sur le réseau cellulaire au vu de la dégradation de la connexion Wi-Fi.

Et cela peut s’appliquer également au tri des rapports de bugs envoyés par les bêtas testeurs ou pour détecter des fraudes potentielles sur l’Apple Store (lire aussi Apple renforce son intelligence artificielle avec l’achat de Tur).

Phil Schiller explique que ces efforts ont pris de l’ampleur depuis le tout début des années 2010 :

Au cours de ces 5 dernières années, nous avons observé au sein d’Apple une croissance dans tout cela. Nos appareils deviennent tellement plus intelligents à un rythme plus soutenu, surtout avec l’aide de nos processeurs Ax. Le back-end devient de plus en plus intelligent et rapide, et nous trouvons de plus en plus de raisons d’être connectés. Ce qui autorise le recours à davantage de techniques d’apprentissage automatique, parce qu’il y a tellement de choses à apprendre et tout cela nous est disponible.

Ce qui se concocte au niveau logiciel a également un impact sur la conception des produits, et pas seulement sur l’impérieuse nécessité d’avoir des processeurs plus rapides, poursuit Federighi :

Cela influe sur le choix du nombre de microphones à prévoir sur l’appareil et où nous les plaçons. Comment optimiser le matériel et ces microphones, et le composant logiciel qui traite l’audio. Toutes ces pièces du puzzle doivent être ajustées de concert. C’est un avantage incroyable face à ceux qui ne font que du logiciel et croisent les doigts quant à savoir ce que ça donnera.

Les dirigeants d’Apple soulignent toutefois que ce champ d’activité, bien que majeur par les possibilités qu’il offre, n’est qu’un ensemble de technologies parmi d’autres. Au même titre que des choses comme le multitouch, les nouvelles générations d’écrans ou les langages de programmation modernes participent à faire avancer les produits et à améliorer leur utilisation.

Dans leurs explications, ces responsables reviennent sur les questions déjà abordées depuis la dernière WWDC quant à la manière dont Apple gère les données privées.

Une large partie des traitements sur l’iPhone s’appuie sur un bloc d’informations de 200 Mo stocké et chiffré à l’intérieur du téléphone, et qui n’en sort pas. Un cache dynamique qui est constamment sollicité (pour l’auto-correction, les recherches Spotlight, Plans, Safari, les apps que vous utilisez souvent, vos interactions avec d’autres gens, etc). Une base de connaissances qui évite à Apple de faire transiter vos informations sur ses serveurs pour les y analyser ou, lorsque c’est nécessaire, en employant des techniques d’anonymisation (« Privacité différentielle » : comment Apple collecte vos données sans collecter vos données).

Une réflexion intéressante conclut l’article. Celle de la contradiction apparente entre la philosophie d’Apple qui est de vouloir exercer un contrôle absolu sur l’expérience utilisateur que vont procurer ses produits, avec sa volonté affirmée de confier à des intelligences logicielles certains aspects de cette expérience. Et de prendre le risque de voir sortir des résultats non désirés ou insuffisants.

« C’est la source de nombreux débats en interne » concède Federighi :

Nous sommes habitués à fournir une expérience extrêmement pensée et réfléchie, où nous contrôlons toutes les dimensions de l’interaction avec l’utilisateur. Lorsque vous commencez à entrainer un système basé sur de grands ensembles de données du comportement humain, [les résultats qui émergent] ne sont pas nécessairement ceux qu’un designer chez Apple aurait voulu. Ils sont l’expression de ce qui a émergé de ces données

Pour autant, conclut Schiller, même si ces techniques modifient effectivement la manière dont on conçoit quelque chose « au bout du compte, nous les utilisons parce qu’elles nous permettent de proposer un produit de plus grande qualité ».

Source : Backchannel

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