Si le chiffre d’affaires d’Apple a baissé pour la première fois en treize ans, c’est que les ventes d’iPhone ont baissé pour la première fois tout court. Une baisse attendue et annoncée, mais plus forte que prévu : 16,31 %.
L’iPhone souffre particulièrement du contexte macro-économique, on l’a dit et redit, mais il est aussi victime d’un double biais de perception. Alors que le marché du smartphone est arrivé à maturation, il peut apparaître comme « ennuyeux », d’autant plus quand les révisions itératives se multiplient.
Si Apple reste très innovante, elle ne peut s’autoriser les mêmes fantaisies que certains de ses concurrents, et semble moins avant-gardiste. Autrement dit : les travaux sur les processeurs et les nouvelles interfaces payent à long terme, mais les doubles optiques et les composants interchangeables marquent les esprits à court terme.
Or les chiffres des résultats trimestriels sont ancrés dans le court terme, et cette perception accentue la dépression des marchés saturés, qui n’est pas compensée par une envolée des marchés de croissance. Les raisons de passer à l’iPhone 6s ne manquent pas, mais elles ne sont pas essentielles non plus, surtout si l’on s’est laissé tenter par l’iPhone 6.
Tim Cook ne le dit pas autrement : « si les gens étaient passés au 6s de la même manière qu’ils sont passés au 6, nous serions en train de faire la fête. » Ce n’est pas que l’iPhone 6s ne se vend pas, c’est que l’iPhone 6 s’était « survendu », à la faveur d’une accumulation de nouveautés qui avait secoué le marché.
L’iPhone 6s n’est pas le premier iPhone à souffrir de la comparaison mathématique avec son prédécesseur. Dès que la situation économique se complique, le « tick-tock » de l’iPhone pose plus de problèmes qu’il n’en résout, si bien qu’Apple pourrait l’abandonner, comme Intel l’a d’ailleurs fait sur le marché des processeurs.
Cela passe bien sûr par l’iPhone SE, mais il a surtout été conçu comme un « ramasse-miettes » devant retenir les amateurs de petits téléphones et certains clients d’Android. « Je ne pense pas que l’iPhone SE sera comme l’iPad mini », dit Tim Cook en souriant : il ne représentera jamais la moitié des ventes d’iPhone.
Cela passe plus probablement par un « troisième iPhone 6 », un modèle de transition qui ne serait pas dépourvu de nouveautés, mais ne consacrera pas plus d’énergie qu’il en faut à un marché atone. Comme en 2013, Apple va faire le dos rond en attendant que la demande reprenne en même temps que de nouvelles technologies lui permettront d’introduire de nouvelles ruptures.
Mais elle ne baissera pas le prix de l’iPhone : Tim Cook est persuadé que cela n’aurait aucun effet positif immédiat, mais beaucoup d’effets négatifs à long terme. « Le marché du smartphone ne croît pas à cause de l’économie », dit-il, « nous sommes convaincus que cela va passer et qu’il repartira à la hausse. »
Mais cela risque de prendre plus de temps que prévu : alors qu’elle avait tablé sur une reprise à la rentrée, il est désormais certain qu’Apple annoncera un chiffre d’affaires annuel en baisse. La société a déjà commencé à ralentir sa production, de manière à réduire le niveau de ses stocks de deux milliards de dollars. Et comme aucun autre produit n’est capable de compenser…