Le département américain de la Justice persiste et signe : il fera bien appel de la décision d’un juge new-yorkais en faveur d’Apple. « Le gouvernement a toujours besoin de l’aide d’Apple afin d’accéder aux données » du téléphone d’un trafiquant de drogue, « comme un mandat de perquisition lui en donne le droit », explique une lettre du gouvernement.
La publication de cette lettre intervient quelques heures après que le FBI a confirmé que la technique mise en œuvre pour accéder aux données de l’iPhone du tueur de San Bernadino ne fonctionnait pas sur les modèles plus récents. Or l’affaire new-yorkaise concerne un iPhone 5s. Si son propriétaire a reconnu être coupable de trafic de méthamphétamine, son contenu intéresse toujours le gouvernement, qui croit pouvoir y trouver des preuves incriminant d’autres trafiquants.
Comme le FBI à San Bernardino, le département de la Justice a brandi le All Writs Act, une loi de 1789 qui autorise la justice fédérale à prescrire « tous les mandats nécessaires » à la résolution d’une affaire. La Cour suprême avait bien circonscrit les modalités d’application de cette disposition à la fin des années 1970, mais le gouvernement américain lui a donné une nouvelle jeunesse dans les années 2000 et le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Les fabricants se pliaient volontiers à cette contrainte, dès lors qu’elle était dûment motivée, jusqu’à ce que les « révélations Snowden » n’entament leur confiance dans les instances gouvernementales. Des sociétés de la Silicon Valley, la firme de Cupertino est sans doute celle qui a réagi le plus violemment : elle a durci la sécurité de ses produits non seulement de manière à prévenir toute intrusion extérieure, mais surtout de telle sorte à empêcher toute intrusion interne (ou presque).
Si elle n’est pas en possession des clefs, Apple ne peut donc pas ouvrir la porte, même sur ordre d’une cour en vertu du All Writs Act. Voilà pourquoi, à défaut de pouvoir entrer par une autre porte ou d’utiliser un passe-partout, le FBI a crocheté la serrure avec l’aide d’une tierce partie1. Mais puisqu’il ne peut faire de même, le gouvernement n’a d’autre choix que d’insister sur le terrain légal.
Or en première instance, le juge James Orenstein a rejeté l’interprétation très extensive du All Writs Act, allant jusqu’à mettre en doute sa constitutionnalité. Sans grand espoir de l’emporter en deuxième instance, et alors que le Sénat est divisé sur la question, le département de la Justice parie peut-être sur une nouvelle intervention de la Cour suprême. Il lui faudrait ronger son frein quelques années encore, mais au moins cette décision serait claire et définitive.
- 1. Notez que selon un avocat de la société qui a souhaité resté anonyme, Apple n'attaquera pas le FBI en justice pour le forcer à révéler sa méthode. ↩︎