La présentation de l’iPhone SE durant le special event printanier n’aura étonné personne : les rumeurs se sont chargées, depuis longtemps, de déflorer la surprise. Il n’en demeure pas moins que la présence au catalogue de ce nouveau modèle est singulière. Que peut bien apporter Apple sur le terrain des « petits » smartphones, alors que les téléphones de grande taille ont remporté la bataille ?
S’il est entendu que les iPhone de 4,7 et 5,5 pouces représentent effectivement le gros des ventes du constructeur, il reste une clientèle attachée à un format « de poche », plus facile à utiliser d’une main, et qui offre malgré tout la plupart des fonctions avancées des « grands » smartphones.
Ce marché reste même très important pour Apple : Greg Joswiak, préposé au lever de rideau sur l’iPhone SE ce lundi, a annoncé en préambule que 30 millions d’iPhone de 4 pouces avaient été vendus en 2015. Sur un total de 231 millions, cela représente un peu plus de 12% du volume d’iPhone. Pas si mal… Pour donner un ordre d’idée, LG a écoulé sur l’ensemble de l’année 59,7 millions de smartphones.
Les iPhone de 4 pouces s’adressent à « ceux qui aiment les petits téléphones », comme l’a souligné Joswiak sur scène — et visiblement, Apple vise d’abord un public féminin : dans la plupart des visuels présentant l’iPhone SE en situation, le mobile est tenu par une femme. Évidemment, ça n’empêchera pas les hommes d’acheter et d’utiliser l’appareil…
Au delà du "genre" supposé de cet iPhone SE, c’est surtout — et une fois de plus, pourrions-nous dire — la clientèle chinoise qui est visée : Joswiak a expliqué que la majorité des nouveaux clients chinois de l’iPhone achetaient majoritairement un modèle de 4 pouces (et l’or rose est une couleur en vogue en Chine). À en croire notre sondage du début de cette semaine, vous êtes encore très nombreux à apprécier ce format de 4 pouces.
Apple n’a pas mégoté sur la puissance. L’iPhone SE est en quelque sorte un iPhone 6s de 4 pouces : processeur A9/M9, 2 Go de RAM, appareil photo de 12 mégapixels ƒ/2.2 (qui ne déborde pas…), Retina Flash pour les selfies, enregistrement 4K et Live Photo, Apple Pay, 802.11ac (jusqu’à 433 Mbps), support de « Dis Siri » hors secteur, …
Les différences entre un iPhone SE et un iPhone 6s (en dehors de la taille de l’écran, bien sûr) sont ténues mais elles existent tout de même. L’iPhone SE comprend un bouton Touch ID de première génération (moins rapide que celui de l’iPhone 6s), la caméra FaceTime est de 1,2 mégapixel ƒ/2,4 (5 mégapixels ƒ/2,2 pour le 6s), la puce réseau surfe sur les réseaux 4G 150 Mbps (LTE A 300 Mbps pour le 6s), le Wi-Fi n’est pas MIMO, et enfin on déplore l’absence d’un baromètre. L'écran 3D Touch reste aussi réservé au haut de gamme.
Techniquement parlant, l’iPhone SE est pratiquement au niveau de l’iPhone 6s (lire : iPhone SE : une Special Edition qui a la patate d'un iPhone 6s) ! Et évidemment, l’iPhone SE bat à plate couture son prédécesseur, dans tous les secteurs du jeu… y compris, et cela peut étonner, dans celui de l’autonomie. Et aussi pour l’iPhone 6s !
50 heures de lecture audio, 13 heures de lecture vidéo, autant en surf web Wi-Fi et 4G, 14 heures en conversation 3G… Ces promesses se comparent plutôt favorablement aux performances de batterie de l’iPhone 6s. On ignore la capacité de la batterie mais il y a fort à parier qu’elle soit identique à celle de l’iPhone 5s (1 560 mAh). On voit là à l’œuvre l’optimisation de l’autonomie comme seuls les ingénieurs Apple savent l’accomplir.
La discussion a affleuré sur les forums d’utilisateurs Android sur le fait qu’il n’existait pas réellement de smartphones de 4 pouces aussi puissants fonctionnant avec la plateforme mobile de Google. De fait, la vaste majorité des terminaux Android, dans toutes les gammes tarifaires, occupent le créneau de 5 pouces et plus. Il semble même que plus l’on va vers l’entrée de gamme, plus les écrans sont grands !
Il faut néanmoins relativiser. 85,1% des smartphones Android affichent une taille « normale », ce qui dans la novlangue Google signifie de 3,5 à 4,5 pouces. Mais la vaste majorité est bien loin de proposer des performances aussi significatives que l’iPhone SE. Doit-on s’attendre à voir débouler des Galaxy S7 "mini" et des G5 SE inspirés par Apple ? On peut prendre les paris.
Apple n’est pas allée jusqu’à modifier le design du smartphone, qui reprend trait pour trait, ou presque, les formes de l’iPhone 5s — si ce n’est des chanfreins plus résistants et le coloris or rose qui complète le gris sidéral, l’argent et l’or. On aurait certainement apprécié un design du type iPhone 6s mini comme certaines rumeurs l’avaient annoncé.
Habillé du même design que les iPhone 6 et 6s, l’iPhone SE aurait eu fière allure c’est certain, mais même s’il date de 2013, celui de l’iPhone 5s reste élégant. Ils sont même nombreux à trouver que ce design est plus réussi que l’iPhone 6/6s : on ne serait pas loin de le penser aussi.
Il est certain que la prise en main, le poids, les sensations de cet iPhone SE ne seront sans doute pas une surprise. Mais ce smartphone joue sur des tableaux différents. D’une part, sa puissance qui le place une coudée au-dessus de la concurrence sur le marché des smartphones de 4 pouces, et qui va lui assurer deux ou trois bonnes années de service sans avoir à souffrir trop vite de performances en retrait.
D’autre part, les tarifs ne sont pas assommants, ce qui, pour un nouvel iPhone, est pour le coup une véritable surprise. On ne saurait trop recommander le modèle de 64 Go à 589 €, car on risque de se sentir très vite à l’étroit dans les 16 Go de l’entrée de gamme. Il est vrai cependant que les 489 € demandés font presque figure de bonne affaire. Placé sous le seuil psychologique des 500 €, cet iPhone SE n’a peut-être pas de quoi faire sauter au plafond les geeks que nous sommes, mais on lui prédit une jolie carrière chez les opérateurs et auprès des clients moins regardants sur les nouveautés.
Au delà de ces considérations marketing et commerciales, se pose immanquablement la question du positionnement du smartphone. L’iPhone SE défie toute logique chez Apple. Jamais en effet on n’avait vu le constructeur ressortir des cartons un iPhone de trois ans d’âge pour en revoir complètement les composants internes (on ne parle pas là des gammes « s » traditionnelles). Mais il y a un temps pour tout et il faut bien soutenir les ventes d’iPhone, alors que ce début d’année s’annonce plus difficile qu’auparavant.
Phil Schiller l’a confirmé : ce sont bien les mots Special Edition qui se cachent derrière l’acronyme SE. Ce n’est pas un hasard : l’iPhone SE se tient véritablement à part dans la gamme de smartphones du constructeur. Si Apple y a mis tout son savoir-faire sans mégoter sur les performances, l’appareil partage avec le défunt iPhone 5c une certaine filiation (après tout, le 5s et le 5c ont été lancés en 2013), et des points communs : une offre qui sort de l’ordinaire, avec la volonté de s’adresser à un public différent.
Après des débuts difficiles, l’iPhone 5c avait fini par trouver une clientèle, grâce en particulier à des prix moins élevés (ces smartphones en plastique coloré sont toujours très populaires en reconditionné). En ira-t-il de même avec ce nouvel iPhone 5s ? Cette fois, Apple a pris soin de ne pas braquer les consommateurs en offrant un smartphone performant à un prix adapté : rappelons que l’iPhone 5c coûtait 599 € lors de son lancement, ce qui a sans doute contribué à sa carrière mi-figue, mi raisin.
Le petit dernier de la famille Apple ressemble en fait beaucoup au smartphone de ceux qui ne se soucient pas d’avoir un smartphone, si on ose dire. Autant l’iPhone 5c ciblait un public plutôt jeune et branché, le design sobre et discret du SE va sans doute attirer une clientèle plus sage qui n’est pas forcément attirée par des smartphones encombrants, voire les pelles à tarte. Et ce, sans rien sacrifier aux performances, qu’il s’agisse de l’appareil photo (un atout fondamental) ou de la puissance.
L’iPhone SE démarre sa propre carrière d’un meilleur pied, en parallèle des iPhone 6s et 6s Plus, avec de sérieux arguments en bandoulière. Le second souffle de ce modèle permettra-t-il à Apple de maintenir les ventes d’iPhone, voire les relancer dans la perspective de l’iPhone 7 ? C’est tout l’enjeu.
Illustration une : Engadget