Ce soir, un très épais dossier de rumeurs va enfin pouvoir être rangé au placard (il s'agit de faire un peu de place pour celui qui suivra…). iPhone 6, "montre", partenariats divers et variés… En affichant un énorme compte à rebours sur sa page d'accueil Apple souligne l'importance inhabituelle qu'elle entend donner à cet événement.
S'il faut tirer des enseignements du passé, il convient de rappeler que ce n'est pas la première fois qu'elle procède ainsi. En 2007, le site d'Apple se fait solennel : il y a eu un avant, il y aura un après. Les 30 précédentes années d'Apple vont se refermer pour que s'ouvre une nouvelle ère. Tout simplement.
Les rumeurs bruissaient d'un téléphone et c'est plus ou moins ce qu'Apple a présenté, provoquant l'hilarité sincère de Steve Ballmer. Aujourd'hui, l'ancien patron de Microsoft s'occupe de basket et Apple continue de vendre beaucoup de téléphones, très cher.
Un an plus tard, en 2008, il y avait encore les salons Macworld Expo aux Etats-unis. Apple prévient : « Il y a quelque chose dans l'air ». Une annonce en forme de jeu de mot puisque sera présenté le MacBook Air, portable aminci sans son lecteur de CD. Ce n'était pas le premier ultraportable du marché mais il a donné plus tard le coup d'envoi à la notion d'Ultrabook chez Intel.
C'est aussi avec cette machine qu'Apple a testé à grande échelle le principe de fabrication des châssis aluminium Unibody : moins de pièces et une résistance accrue. Une technique appliquée à tous ses produits depuis : des iMac, aux iPhone en passant par les MacBook Pro. Ce qui n'était au départ qu'une annonce d'un tout nouveau portable a finalement eu d'énormes répercussions chez Apple mais aussi en dehors.
Plus près de nous, l'an dernier, en octobre, la page d'accueil s'habille aux couleurs du keynote, quelques heures avant son démarrage. Les produits que l'on y verra seront intéressants mais sans rupture franche et nette avec l'existant. Apple montrera des MacBook Pro Retina plus rapides, des iPad mini avec écran Retina et le tout nouvel iPad Air qui, à la suite de l'iPod touch, utilise le design plus arrondi que l'on attend pour les iPhone 6.
La manière dont Apple présente son keynote de ce soir est plus proche des deux premiers exemples où le suspens a été créé plusieurs jours avant. On s'attend naturellement à une annonce fracassante, une ouverture vers de nouveaux produits, marchés, usages et partenaires. Même le lieu de l'annonce fait l'objet de préparatifs rarement vus lors des précédentes conférences plus orientées vers un public technophile. Il y aura du monde ce soir et venus d'horizons plus larges.
Les iPhone 6 ont été vus et revus et même manipulés au travers de maquettes supposées fidèles, au moins dans les grandes lignes de leurs design. On est maintenant impatient de toucher ces nouveaux modèles, avec ce degré de finition et niveau de détails dont Apple est coutumière. Comme à chaque fois qu'Apple lance un produit, il y a les avis sur photo et les avis une fois l'objet en main… et là les retournements de veste ne sont pas rares.
La NFC, longtemps boudée par Apple, semble maintenant acquise. Là aussi, rien de neuf dans l'absolu, tant les concurrents d'Apple ont creusé ce sillon depuis des années. Mais il a toujours manqué l'étincelle. Aucune enseigne n'a réussi à provoquer une adhésion massive de cette technologie comme moyen de paiement au quotidien. Aucun téléphone non plus, équipé en NFC, qu'il s'appelle Nokia ou Samsung, n'a su populariser à grand échelle ce système. En faisant boule de neige chez ses concurrents et chez les utilisateurs.
Apple a montré par le passé qu'elle pouvait jouer ce rôle de catalyseur. L'USB et le Wi-Fi n'ont pas attendu le premier iMac et le premier iBook avec sa borne en forme d'OVNI pour exister, mais la popularité de ces deux produits ont plus qu'aidé à leur dissémination auprès du grand public. Et ce ne sont que deux exemples parmi d'autres.
La santé — thématique ô combien universelle et sans frontière d'âges — va s'ajouter aux préoccupations d'Apple. Une application dédiée figure déjà en bonne place dans iOS 8 et elle n'attend plus qu'on la remplisse d'informations. Est-ce qu'elles viendront de ce bracelet, cette montre, ce « machin » aux formes encore floues ? Possible, probable même. Mais Apple va visiblement jouer sur deux tableaux : le fond et la forme.
Le fond avec les usages de cet objet — la santé n'en est pas un de superficiel. La forme aussi, puisqu'Apple paraît avoir invité le ban et l'arrière ban des journalistes de mode pour, exceptionnellement, contribuer à la couverture médiatique de ses annonces. La Pomme, à travers sa communication produits, adore insérer ses matériels et logiciels dans les scénarios de la vie de tous les jours. Cet objet semble tout désigné pour lui en donner encore l'occasion.
À l'issue de ces annonces, Apple sera tout autant applaudie que moquée. Ses produits seront dévisagés et tournés en dérision par les uns tandis que les autres guetteront le bouton de précommande… C'est un rituel immuable (sinon cocasse à observer).
Ce devrait être surtout le premier vrai keynote de l'Apple de Tim Cook. Peut-être ces produits ont-il été initiés ou du moins rêvés et couchés sur le papier alors que Steve Jobs était encore en vie. Mais le long chemin — sinueux et cabossé — qui les aura conduit aux tables des Apple Store a été parcouru par les équipes de Tim Cook. À ce titre, les annonces de ce soir seront à nouveau le signe d'une nouvelle ère chez Apple.