La présentation cette semaine par Xiaomi de son nouveau téléphone haut de gamme a réveillé les sarcasmes sur l'appétence du constructeur chinois pour se glisser dans les traces d'Apple. Cela va du patron de Xiaomi qui reprend plusieurs codes des présentations de la Pomme, au design des produits, jusqu'à de minuscules détails sur le site web du fabricant. Un constructeur dont les produits sont encore cantonnés à l'Asie, mais qui est arrivé à la sixième place mondiale avec ses terminaux Android.
Hugo Barra, ex-chef produit Android chez Google, et Vice Président "Global" de Xiaomi depuis dix mois, était déjà revenu avant-hier sur une partie de ces allégations qu'il qualifiait de « lassantes ». Ce n'était pas la première fois qu'on le questionnait sur le sujet.
Il a concédé par exemple que le style de présentation de son PDG rappelait celui d'Apple et de Jobs, mais tout simplement parce que les keynotes d'Apple ont établi une sorte de moule dans lequel tout le monde dans ce milieu s'est glissé. Lei Jun, le patron de Xiaomi un peu plus que les autres au vu du mimétisme affiché (lire Xiaomi : un smartphone haut de gamme pas cher et un bracelet à prix cassé).
Lors de la démonstration du Mi 4, Lei Jun n'a rien fait pour tenter de faire oublier Apple, au contraire, alternant piques et plaisanteries « Notre produit est vraiment mieux que l'iPhone » et « Notre modèle blanc est aussi mieux que leur version blanche, même notre blanc est plus blanc que le leur ».
Les blagues du patron passées, Hugo Barra a tenté de déminer le terrain des accusations de plagiats ou d'inspirations un peu trop appuyées. Et dans cet exercice, le dirigeant n'a pas trop manié la langue de bois. Interrogé par TheNextWeb, il a répondu sur plusieurs points. Les plus anecdotiques d'abord, avec par exemple ce visuel du smartphone Mi 3, sur le site du fabricant, où l'objectif ressemble vraiment beaucoup à l'icône d'Aperture.
Et pour cause, c'est venu d'un jeune graphiste de Xiaomi « Il a voulu aller au plus court, il était à la recherche d'une bonne image pour la lentille et il se trouve que l'icône d'Aperture en était une très belle représentation. C'était idiot et il n'aurait pas dû faire ça. »
Barra admet que Xiaomi s'inspire d'Apple, mais il réfute la volonté de copier purement et simplement. Dans son interview il a énuméré des points de design qui démarquent le Mi 4 d'un iPhone 5s : forme des chanfreins, finesse de la séparation entre la bordure et le boîtier, dessin des boutons… Mais ce ne sont là que des détails qui ne masquent pas une ressemblance générale.
Pour Hugo Barra, il y a aussi une forme d'a priori de la part de la Silicon Valley qui n'imagine pas un seul instant qu'une entreprise chinoise puisse innover dans le même pré carré. Et le fait que Xiaomi ne vende pas encore ses téléphones loin des frontières chinoises n'aide pas à faire tomber ces préjugés. Ces accusations de plagiats sont lancées à partir de photos, mais pas sur des produits tenus en main et utilisés.
Barra assure que ses interlocuteurs américains sont étonnés lorsqu'ils voient un téléphone Mi, qui associe des caractéristiques de haut niveau avec un prix inversement proportionnel (le fabricant vend en direct à ses clients).
Si l'on utilisait MIUI - la version Android de Xiaomi - on trouverait certainement qu'Apple et d'autres ont repris des choses çà et là, insiste Hugo Barra. Il mentionne la fonction pour allumer la torche, accessible depuis l'écran d'accueil et que MIUI propose depuis trois ans, mais apparue chez Apple dans iOS 7.
Ou encore, l'accès rapide aux réglages, inauguré par Samsung et réinterprété par Apple avec iOS 7 aussi « Apple a emprunté une idée qui était déjà utilisée depuis un bon moment et l'a améliorée — la méthode d'Apple pour l'accès rapide aux réglages est la meilleure de toutes. »
Quant aux ressemblances appuyées à Apple, il faut les prendre comme des clins d'oeil et une forme d'hommage :
« Lei Jun a souri lorsqu'il a dit ça ["One more thing", ndlr], c'était à la fois une révérence en direction de l'immense Steve Jobs et une plaisanterie, c'était pour s'amuser. Toutes ces personnes qui étaient dans l'assistance, elles ont grandi en regardant les keynotes de Steve Jobs et elles ont adoré ça… S'ils (les critiques) avaient été dans la salle, ils l'auraient compris et ils en auraient ri eux aussi. »
Il serait aussi dans l'esprit chinois de se comparer à ce qui se fait de mieux, ou qui est perçu en tant que tel, lorsqu'il s'agit de promouvoir son propre produit, explique Barra. Il décrit aussi la manière dont Xiaomi conçoit ses produits. Si un design qui existe déjà est bon, alors il n'y a pas à tourner autour du pot, il n'y a aucune raison de ne pas s'appuyer dessus dès lors qu'il s'agit de proposer en définitive quelque chose de mieux encore.
Les utilisateurs peuvent (ou pas) avoir des attentes sur la façon dont quelque chose doit fonctionner. Lorsque c'est le cas, nous essayons de partir de cette méthode et de l'améliorer. Les gens s'attendant à ce que les choses fonctionnent d'une certaine manière - pourquoi ne pas aller dans cette direction, mais en proposant quelque chose de nettement mieux ? C'est stupide d'essayer de contourner un design. Pourquoi ne pas chercher à améliorer quelque chose qui marche bien au lieu d'essayer à tout prix de procéder autrement ? Certaines alternatives sont idiotes et l'industrie perd un temps incroyable dans ce type d'exercice.
Une approche qui a montré ses limites alors qu'Apple et Samsung par exemple se sont écharpés devant les tribunaux sur d'infimes éléments de design, par exemple pour leurs tablettes et où Samsung a dû faire de petites modifications (lire Allemagne : la Galaxy Tab 10.1N reste en vente). Mais Barra n'en démord pas, cette manière de faire est la bonne, c'est la mécanique des brevets qui doit évoluer :
Le système des brevets freine l'éclosion d'innovations. C'est un tel gaspillage d'énergie et de ressources que d'avoir une équipe d'ingénieurs qui essaie de trouver une façon de faire différemment quelque chose au lieu de s'investir pour le rendre bien meilleur. Et une autre équipe derrière l'améliorera encore, et au bout du compte tout le monde y gagnera.
Source : The Next Web