L'obsolescence programmée ne le serait-elle réellement que dans l'esprit des consommateurs ? La théorie du complot affirme qu'Apple, et plus largement les constructeurs de produits électroniques de toute sorte, s'arrangent afin qu'un smartphone prenne un sérieux coup de vieux juste après la fin de la garantie légale. Qui n'a jamais eu l'impression d'avoir entre les mains un iPhone cacochyme lors du lancement d'un nouveau modèle ? Cette théorie, pour populaire qu'elle puisse être auprès des consommateurs les plus suspicieux, se heurte cependant à deux écueils.
Le premier est que si l'obsolescence programmée existait vraiment, nul doute que le constructeur qui s'y adonnerait serait immédiatement frappé d'enquêtes en tout genre de la part des régulateurs nationaux. Le second est que la concurrence ne manquerait pas de s'emparer d'un tel argument, en affirmant que ses propres produits continuent de fonctionner efficacement dans le temps, contrairement à tel ou tel smartphone bon à remplacer au bout d'un an ou deux.
Ces arguments rationnels sont cependant régulièrement battus en brèche par la popularité d'une thèse qui repose surtout sur un ressenti. Sendil Mullainathan, professeur d'économie à Harvard, et une de ses élèves ont voulu théoriser ce sentiment en utilisant tout simplement Google Trends. Les requêtes pour « iPhone slow » (« iPhone lent ») donnent des résultats significatifs : elles forment systématiquement des pics au moment du lancement de nouveaux modèles.
Ces données mondiales montrent clairement que le sentiment d'obsolescence est très fort lors de la sortie de nouveaux iPhone : les anciens modèles semblent alors plus lents, alors que techniquement, rien n'a changé… Le marketing d'Apple, qui sait parfaitement illustrer et diffuser les nouveautés et les performances des nouveaux smartphones, participe de la perception d'avoir entre les mains un iPhone complètement dépassé (même s'il donnait toute satisfaction la veille).
Les chercheurs ne se sont pas arrêtés là. Ils ont cherché à savoir si la courbe était identique pour la concurrence, en l'occurrence pour Samsung. Ils ont donc soumis à Google Trends la requête « Samsung Galaxy slow » (les résultats sont les mêmes avec d'autres mobiles d'autres marques). La courbe est ici très différente :
La théorie du complot ne s'applique donc qu'à une seule plateforme, car le lancement d'un nouveau modèle de Galaxy chez Samsung ne provoque pas de pics de perception d'obsolescence — ces derniers sont en hausse continue tout au long du graphique.
Apple « paie » ici le prix de sa stratégie verticale. À chaque lancement de nouvel iPhone correspond une nouvelle version d'iOS, optimisée pour les composants du nouveau smartphone. Si celui-ci donne l'impression d'être vraiment rapide et réactif, l'effet est inverse pour les anciens modèles. C'est d'autant plus vrai que les utilisateurs de terminaux iOS se servent dans une très grande majorité de la dernière version du système d'exploitation (90% au dernier pointage) : la sensation de lenteur est d'autant perceptible qu'il est facile de comparer son « vieil » iPhone avec le nouveau, les deux fonctionnant avec le même OS. Cela ne signifie pas que, comme par magie, l'ancien modèle est soudainement devenu incapable après le lancement de la nouvelle génération; il est néanmoins indéniable, comme plusieurs lecteurs le font remarquer, que les fonctions d'un nouvel OS ne sont pas nécessairement optimisées pour les plus anciens terminaux. iOS 7 a clairement ralenti l'utilisation de l'iPhone 4, avant qu'Apple n'arrange un peu les choses au fil des mises à jour.
Du côté d'Android, les choses sont bien différentes. Samsung est tributaire de Google, et 18% seulement des utilisateurs de terminaux Android usent de la toute dernière version de la plateforme. Les comparatifs — et donc, la perception d'utiliser un mobile obsolète — sont bien moins évidents.
Edit — Précisions concernant les ralentissements survenus avec iOS 7.