Numericable a pris une sérieuse option sur SFR en entrant en négociations exclusives avec Vivendi. Mais Bouygues s'accroche et espère bien que sa nouvelle proposition va faire pencher la balance en sa faveur.
Dans le cas où Numericable fusionnerait avec SFR, le marché des télécoms compterait toujours quatre acteurs, Numericable étant inexistant dans le mobile aujourd'hui. Si au contraire Bouygues parvient à faire un coup de théâtre, le marché se reconcentrerait autour de trois opérateurs : SFR + Bouygues, qui deviendrait leader, Orange, qui passerait deuxième, et Free, qui hériterait du réseau de Bouygues.
Rachat de SFR : Bouygues surenchérit - Les deux scénarios pic.twitter.com/EGDs4AST4A
— IDE (@agenceIDE) March 20, 2014
L'ARCEP s'est exprimé à plusieurs reprises contre un retour à trois opérateurs. Le président de l'autorité, Jean-Ludovic Silicani, a pris un exemple concret pour justifier son avis :
Si une concentration devait avoir lieu, elle risquerait de conduire à une hausse des prix rapide, comme c’est le cas en Autriche après le passage de 4 à 3 opérateurs : presque instantanément, en un trimestre, fin 2013, les prix ont augmenté de près de 10 % ! Une concentration s’accompagnerait aussi, de suppressions d’emplois, comme on l'a vu aux États-Unis.
Que s'est-il concrètement passé en Autriche ? Jusqu'à la fin de l'année 2012, le marché autrichien comptait quatre opérateurs : A1 Telekom Austria (l'opérateur historique), T-Mobile, Orange Austria et 3 Austria. Ce dernier, le plus petit, a acheté la filiale autrichienne d'Orange, alors troisième acteur. Depuis janvier 2013, le marché est ainsi recomposé : A1 Telekom Austria dispose de 43 % des parts de marché, T-Mobile 31 % et 3 Austria 26 %.
D'après Statistik Austria, les prix ont augmenté de 18,7 % en un an depuis le retour à trois opérateurs. L'équivalent autrichien de l'ARCEP souligne que les tarifs sont encore 10 % inférieurs à ceux de début 2011, mais s'ils continuent d'augmenter au même rythme, la différence sera très bientôt comblée.
Cette hausse des tarifs n'est toutefois pas uniquement imputable à l'affaiblissement de la concurrence, souligne Le Monde. Elle s'explique aussi par la somme dépensée pour les fréquences 4G qui a été plus élevée que les opérateurs ne l'attendaient — 2 milliards au final alors qu'ils escomptaient entre 500 millions et 1 milliard. Un surplus que les opérateurs ont reporté sur la facture du consommateur.
Alors, est-ce qu'en cas de concentration en France, les prix repartiraient à la hausse, comme le craignent le président de l'ARCEP et l'UFC-Que Choisir ?
Dans l'opération, Free récupérerait le réseau de Bouygues pour pas grand-chose et ferait donc d'importantes économies : fin de l'itinérance et moins de dépense à prévoir dans le développement de son réseau. Un réseau qui serait capable d’accueillir 20 millions d’abonnés. Tant que Free Mobile n’aura pas atteint cet ordre de grandeur — il compte actuellement 8 millions d'abonnées —, on peut penser que le trublion ne va pas mettre le holà sur la guerre des prix qu'il a déclenchée.
« On n’est pas là pour faire le Yalta des télécoms. Au contraire, ce sera plutôt la guerre de Cent Ans », a juré Maxime Lombardini, le directeur général d'Iliad, la maison mère de Free. Même Stéphane Richard, le patron d'Orange, « ne [croit] pas qu'il y aura une hausse des prix. » Des promesses que Free et Orange n'auront peut-être pas à honorer si Vivendi décide de vendre SFR à Numericable.