Cet article est la suite d’un premier volet consacré à la tablette : Test de l’iPad Pro : design, prise en main et performances
L’iPad Pro, c’est un iPad… pour les pros. C’est du moins ainsi qu’Apple vend son produit. Avec une telle surface d’écran disponible, on pouvait penser que le constructeur allait optimiser iOS 9… Ça n’est pas tout à fait le cas, hélas. Un des rares changements « de taille » est la présence, discrète, d’un calendrier complet dans le centre de notifications !
La bonne touche
Plus sérieusement, Apple a surtout imaginé un nouveau clavier complet qui comprend une rangée supplémentaire pour les chiffres et la ponctuation, ainsi que pour les caractères spéciaux les plus utiles. Cette rangée est très pratique à avoir constamment sous les doigts.
La disposition des touches du clavier virtuel de l’iPad Pro se rapproche de celle du clavier sans fil d’Apple (gare toutefois aux différences d'agencement dues aux touches plus grosses). Si vous êtes habitué à cette organisation, la prise en main du clavier de la tablette ne devrait pas poser trop de souci (exception faite de l’aspect physique…) :
Le clavier virtuel de l'iPad Pro n'est évidemment pas exempt de tous reproches : on aurait par exemple aimé y trouver une touche ⌘… Et qu'est-il devenu de la possibilité de séparer le clavier en deux parties ?
Le clavier virtuel de l’iPad Pro est en tout cas infiniment meilleur que celui de l’iPhone 6 Plus et 6s Plus au format paysage…
Les fans d’émojis seront aux anges : l’iPad Pro propose un clavier géant pour les petits personnages, il est beaucoup plus simple de choisir celui qui convient :
L’optimisation logicielle doit également s’appliquer pour les apps qui utilisent le clavier virtuel. Sur l’iPad Pro, les logiciels qui n’ont pas encore été mis à jour affichent l’« ancien » clavier des iPad… Cela a été brièvement le cas pour Pages :
Les développeurs doivent recompiler leurs applications pour l’iPad Pro afin d’obtenir le bon clavier, mais aussi la barre de statut à la bonne taille, ainsi que les contrôles par défaut adaptés à la tablette. Apple n’est d’ailleurs pas forcément le meilleur élève dans ce domaine : l’interface de GarageBand n’est pas encore optimisée pour l’iPad Pro. C’est un peu dommage, les professionnels de la musique faisant partie de la clientèle potentiellement intéressée par le produit.
Slide Over et Split View, pensés pour l’iPad Pro
Dès qu’Apple a présenté les fonctions Slide Over et Split View durant la WWDC, l’ombre de l’iPad Pro a plané au dessus de l’assistance, alors que la tablette n’a été présentée que des mois plus tard. Ces deux fonctions, et tout particulièrement Split View qui permet d’utiliser deux applications côte à côte, ont toute leur place sur l’iPad Pro. Et bien qu’elles soient aussi pratiques sur iPad Air et iPad mini, la grande taille de cette tablette de près de 13 pouces est l’écrin idéal pour ces nouveautés d’iOS 9.
Toutefois, c’est surtout Split View qui se révèle le plus utile au quotidien, car les deux applications (qui peuvent occuper deux tiers/un tiers de l’écran, ou chacune une moitié) peuvent être utilisées concomitamment ; Slide Over permet la consultation rapide de la dernière app utilisée, mais le logiciel principal est « figé ».
Malheureusement, pour profiter du confort de Slide Over et Split View, il faut que les développeurs adoptent les API correspondantes, et c’est loin d’être le cas pour tous. C’est surtout embêtant pour Split View, qui nécessite en plus un effort d’adaptation de l’application s’affichant dans le panneau de droite (généralement, il s’agit de l’interface iPhone de l’app).
Split View est loin d’être disponible partout, et il manque notamment dans de nombreuses applications Apple : l’app Musique, l’iTunes Store et l’App Store, iMovie ou GarageBand (pour ceux-là, cette absence de support de Split View peut s’entendre au vu de la complexité des interfaces). Elle manque aussi dans les applications tierces, évidemment, comme Facebook, Mailbox, Google Maps, Reeder…
Avec l’iPad Pro, utiliser Split View est presque naturel : d’un côté on place Safari, de l’autre Twitter, et on peut même glisser une fenêtre vidéo picture in picture pour converser en FaceTime tout en vaquant à d’autres occupations. Le grand écran de la tablette se révèle vraiment confortable et tout à fait adapté à cet usage.
Hélas, c’est loin d’être parfait encore. Seules deux applications peuvent apparaitre en Split View, et encore il ne pourra pas s’agir de deux fenêtres d’une même application — pas question d’avoir deux sites web sous Safari dans ce mode fenêtré, par exemple.
Une autre limitation tout aussi embêtante empêche Split View d’être parfaitement calibré pour un usage « pro » : l’absence de glisser-déposer d’une application à l’autre. Pouvoir prendre une image dans Photos pour l’intégrer dans un document Pages semble pourtant ce qu’il y a de plus logique, mais non. Il faudra en passer par de lourdes manipulations impliquant un enregistrement dans le nuage ou un copier-coller s’il s’agit de texte. Quand on connait la fiabilité toute relative d’iCloud Drive, cette solution peut représenter un repoussoir.
De fil en aiguille, voilà qui nous amène à évoquer une des différences majeures entre OS X et iOS, et qui empêche pour beaucoup d’entre nous de troquer le Mac pour un iPad : l’absence de Finder. iCloud Drive est un ersatz qui peut rendre quelques services, mais on est très loin d’un vrai explorateur de fichiers, qui saurait pourtant se rendre très utile dans le cadre d’un usage « pro ».
iOS moins pro que l'iPad
On s’en voudrait aussi — c’est une vieille revendication — de ne pas en remettre une couche sur l’absence de gestion multi-utilisateurs. Si l’iPhone est un objet éminemment personnel, l’iPad est un appareil que l’on est susceptible de partager avec d’autres membres de sa famille ou avec des collègues. Que tout le monde soit logé à la même enseigne (et sous la même session) est un réel problème qui ne fait que s’amplifier sur l’iPad Pro.
Au delà des applications, Apple a aussi beaucoup de travail pour faire d’iOS un vrai système d’exploitation réellement productif et adapté à la grande taille de l’iPad Pro. La grille d’icônes de la page d’accueil d’iOS 9 limitée à cinq apps par ligne (six dans le dock) est absurde sur 12,9 pouces (lire : On peut caser le premier iPhone entre deux icônes sur l’iPad Pro).
Pourquoi ne pas afficher plus d’informations ? La puissance de l’A9X et les 4 Go de RAM permettraient d’avoir toujours sous les yeux un centre de notifications placé dans un coin d’écran, par exemple.
Comme pour ses autres produits mobiles, Apple fait porter sur les épaules des développeurs une grande partie du succès de l'iPad Pro. C'est une stratégie qui a porté ses fruits pour l'iPhone ; elle est encore en gestation pour l'Apple Watch et elle vient tout juste de démarrer pour l'Apple TV. iOS 9 est disponible depuis la fin du mois de septembre et il faudra prendre son mal en patience pour voir toutes ses applications préférées passer au tamis des nouveautés du système d’exploitation.
La sélection d’applications optimisées pour l’iPad Pro dès le lancement du produit fait bonne figure : il est d’ores et déjà possible d’éprouver les capacités offertes par la tablette. Il faudra s’interroger ensuite sur le suivi à long terme : sur les 850 000 apps pour iPad disponibles dans l’App Store, combien y en a-t-il qui se contentent de n'être que des versions « agrandies » de leurs homologues pour petits écrans ?
Ce catalogue logiciel sera directement indexé sur le succès de la tablette. Or, celle-ci ne se vendra en volume que si l'écosystème applicatif est riche et varié… L'œuf ou la poule, en quelque sorte, un problème qui touche la gamme d'iPad dans son ensemble. L’orientation pro de ce modèle oblige Apple à intensifier ses investissements dans le développement logiciel afin de réellement faire de l’iPad Pro un outil productif au quotidien.
Un exemple : ironiquement, il est encore nécessaire de posséder un Mac pour développer des applications pour l’iPad Pro. Un mouvement a commencé à se dessiner sur les réseaux sociaux pour demander à Apple une version de Xcode destinée spécifiquement à la grande tablette. L’appel sera-t-il entendu ?
Un problème d’ergonomie plus profond touche l’iPad Pro. En utilisation « de bureau », c’est à dire accompagné d’un clavier, on passe son temps à lever le bras vers l’écran. Des mouvements rapidement inconfortables qui font regretter qu’iOS ne soit pas adapté à un fonctionnement au clavier (exception faite des touches fléchées qui peuvent servir à naviguer de haut en bas avec certaines applications comme Safari).
On y reviendra dans nos tests des claviers compatibles iPad Pro, mais il manque à iOS la prise en charge d’un trackpad. On trouve d’ailleurs des traces, dans le code du système d’exploitation, du même système de sélection de boîtes de l’Apple TV, qui se contrôle via la surface tactile de la télécommande Siri (lire : Et si on contrôlait iOS 10 au clavier et au trackpad ?).
Apple a ici le fondement entre deux chaises : le constructeur promeut lourdement l’utilisation de l’iPad Pro avec un clavier, qui transforme de fait la tablette en ordinateur portable. Mais d’un autre côté, il persiste à ne pas intégrer de couche tactile dans ses ordinateurs (lire : Craig Federighi : l'iMac ne sera pas tactile et Tim Cook : « Les clients ne demandent pas un mélange de Mac et d'iPad »). Pourtant, il est tout aussi fatiguant et malaisé de passer du clavier à l’écran sur l’iPad Pro, qu’il le serait avec un MacBook…
La prochaine version d’iOS sera la dixième. L’occasion est trop belle pour Apple de revoir les fondements de son système d’exploitation mobile : iOS 10 (ou… iOS X) devra faire la preuve que la plateforme peut aller au-delà du simple outil de consultation de contenus et de création légère pour devenir véritablement productif.
Vidéo et audio
En dehors des usages « pro », les 12,9 pouces de l’iPad Pro invitent naturellement à la consultation de contenus. Les vidéos et les photos y sont particulièrement à leur aise, notamment les séries TV dont le format s’intègre mieux que les films en CinémaScope. Les bandes noires au dessus et en dessous ne sont pas du meilleur effet, mais c’est le cas depuis le tout premier iPad.
La qualité audio des quatre haut-parleurs participe aussi au confort procuré lors du visionnage d’une vidéo. Puissant et précis, le son qui sort de l’iPad Pro génère aussi moins de vibrations à la tablette qu’avec l’iPad Air 2. Apple vante une puissance acoustique trois fois supérieure à celle de l’iPad Air, et un volume sonore plus élevé de 61 % par rapport aux précédentes tablettes.
Le constructeur a pour l’occasion mis au point une technologie qui permet de basculer automatiquement l’orientation des hautes fréquences selon la position de la tablette. Les graves proviennent des quatre haut-parleurs de l’iPad Pro, mais les fréquences plus élevées sont reproduites par les haut-parleurs placés en haut de l’iPad, quel que soit son orientation.
L’idée est d’offrir un son plus équilibré sans que l’utilisateur n’ait rien de particulier à faire. Dans la pratique, c’est effectivement plutôt efficace et cette technologie offre une meilleure immersion dans la vidéo. L’activité autour de la consultation vidéo et de la lecture audio n’est évidemment pas marginale et toutes nouveautés dans ce domaine sont bienvenues, mais d’ici à en faire un des arguments de vente principal de l’iPad Pro, c’est sans doute aller un peu loin.
Il n’est pas certain que la clientèle ciblée par l’iPad Pro (les graphistes, les architectes, les professions médicales, et tous ceux qui ont l’usage d’un poste iOS fixe pour de la bureautique et du web), soit réellement sensible à la qualité du son. L’iPad Pro va certes intéresser les musiciens (mais ils utilisent un casque de toute manière) et les monteurs vidéo, mais cette technologie semble surdimensionnée par rapport aux usages réels. Ce d’autant que les haut-parleurs occupent de la place qui aurait pu être dévolue à la batterie.
Si prendre des photos avec un iPad est devenu quelque chose de commun (et à mon grand étonnement, je m’y suis mis également), en réaliser avec l’iPad Pro est encore plus incongru. Trop encombrant et pas pratique, on voit mal ce que peut apporter la grande tablette en matière de prise de vues, si ce n’est pour dépanner.
Ci-dessous, trois exemples de photos prises avec un iPad Pro (à gauche), et un iPhone 6s (à droite).
La qualité des photos est identique avec celles prises par un iPad Air 2 et pour cause : Apple utilise les mêmes capteurs d’une tablette à l’autre (8 mégapixels au dos, 1,2 mégapixel à l’avant). Ils offrent une même ouverture ƒ/2,4 et des fonctions similaires (HDR, panoramique, mode rafale…). En revanche, pas de flash, ce qui limite forcément le rayon d’action de l’appareil photo durant la journée, puisqu’il faut une bonne lumière extérieure pour en tirer le meilleur profit.
Jeux vidéo
Avec un tel écran, l’iPad Pro est un bel écrin pour les jeux. Apple ne s’y est d’ailleurs pas trompée, en mettant en ligne sur l’App Store toute une section consacrée uniquement à ce type d’applications. La puissance de la tablette est évidemment à même de faire fonctionner sans aucun problème les jeux les plus gourmands présents et à venir, les titres les plus graphiques s’y montrant particulièrement à leur aise.
Pour les titres d'arcade du genre jeux de course et tous ceux qui exploitent l'accéléromètre, force est cependant de reconnaitre qu'il est rapidement fatiguant de porter la tablette à bout de bras. Horizon Chase - World Tour est un jeu d’arcade qui rappellera aux plus anciens les sensations ressenties avec Out Run. Le jeu est toujours aussi sympa sur le grand écran, mais les textures 16 bits et les aplats de couleur uni, si dynamiques sur iPhone évoquent un peu trop les bornes d’arcade à la puissance limitée de nos enfances.
Heureusement, la plupart des jeux de ce type se contentent de parties rapides. En revanche, pour les titres de réflexion (comme The Room Three) qui demande moins d’agitation et plus de jugeote, l’iPad Pro est vraiment agréable avec sa grande surface permettant d’apprécier le moindre détail (même si l’éditeur aurait de quoi améliorer les graphismes pour cette tablette).
Threes! est un peu esseulé sur l’iPad Pro, en particulier en format paysage. L’excellent puzzle du studio Sirvo s’adapte visiblement mieux aux plus petits écrans sur lesquels il excelle. C’est évidemment bien plus élégant en jouant au format portrait, mais 12,9 pouces pour afficher une grille de 4 x 4, c’est clairement surdimensionné. Cela n’enlève rien à la qualité du jeu, évidemment.
Monument Valley est tout aussi magnifique sur iPad Pro qu’il l’est sur les autres appareils iOS. Le titre du studio ustwo ne se vit qu’en mode portrait, un format moins pratique — à mon sens — et plus fatiguant pour utiliser l’iPad Pro.
Pour Alto's Adventure, l’écran d’un iPad Pro est presque trop grand. L’œil a tendance à se poser sur le skieur en oubliant de surveiller le parcours… La solution, c’est de tirer un peu sur les bras pour avoir une meilleure vue d’ensemble de la piste. Un coup à prendre !
Ces jeux sont ceux mis en avant par Apple sur l’App Store. Aucun n’est malheureusement compatible avec la fonction Split View ; ce n’est pas très gênant pour les jeux d’arcade où il s’agit d’être concentré sur ce que l’on fait, mais pour les jeux de réflexion et les casse-tête, pouvoir suivre d’un œil distrait un flux Twitter ou avoir une conversation texte dans Message serait sympathique.
L’iPad Pro est évidemment compatible avec les manettes MFi Bluetooth. C’est dans cette configuration que le jeu vidéo est optimal et vraiment agréable avec la tablette : il n’est évidemment plus nécessaire de la porter à bout de bras, et posée sur une table ou le bureau, on a le recul nécessaire pour apprécier les graphismes et appréhender les péripéties du jeu.
iOS : le talon d’Achille
Si l’iPad Pro a un atout et un seul, c’est évidemment son écran. La surface disponible est immense et c’est un réel confort (les personnes atteintes de problèmes de vision vont certainement apprécier). Le revers de la médaille, c’est que les coutures d’iOS commencent à se voir, et ça craque de partout. Le système d’exploitation, parfaitement adapté à la consultation rapide de contenus sur iPhone, n’était déjà plus trop à son aise sur l’iPad mini et l’iPad Air, mais que dire alors de l’iPad Pro ?
Apple a démontré qu’elle pouvait adapter des fonctions spécifiquement pour l’iPad, avec Split View et Slide Over, et encore plus pour l’iPad Pro et son clavier étendu. Mais les nouveautés apportées à la grande tablette sont presque marginales : à quand un vrai système d’exploitation pour l’iPad ? Le chemin est encore long avant qu’iOS devienne aussi productif qu’OS X.
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