« Les ventes d’iPad ont atteint nos objectifs », assure Tim Cook. Lors de la conférence téléphonique d’annonce des résultats du troisième trimestre fiscal, il n’a pourtant pas réussi à masquer son agacement : pour le deuxième trimestre consécutif, le CEO d’Apple a dû annoncer une forte baisse des ventes d’iPad.
De fait, la tablette d’Apple a monopolisé une conversation encore plus sèche et technique qu’à l’habitude. Oubliés le traditionnel bilan des Apple Store, ignorés les bons résultats du Mac — Tim Cook s’est perdu en palabres pour défendre un produit auquel il est viscéralement attaché. « Je ne me préoccupe pas des ventes », est-il allé jusqu’à dire, « seul l’usage compte ». Il est vrai que les statistiques d’usage laissent entendre que les tablettes Android qui sont censées prendre des parts à l’iPad dorment au fond d’un tiroir ou servent à caler des meubles.
Mais cela ne doit pas détourner de la réalité des chiffres de vente : la croissance des ventes d’iPad est au point mort depuis un an. Le CEO d’Apple s’est bien félicité de la place prise par l’iPad dans l’entreprise et les écoles… mais il n’est pas parvenu à tout à fait convaincre. Les écoles américaines achètent 2,5 fois plus d’iPad que de Mac ? C’est un chiffre étonnamment bas. À l’échelle mondiale, 13 millions d’iPad ont été vendus au monde de l’éducation, moins de 6 % du total des ventes.
L’iPad a été évalué par la quasi-totalité des 500 plus grandes multinationales, une société comme Qantas en a déployé plus de 15 000, mais 80 % des entreprises ne s’y sont jamais intéressés. « Nous avons une marge de progression substantielle », admet Tim Cook : « c’est la principale motivation derrière notre accord avec IBM. » Le marché de l’entreprise ne peut néanmoins redresser à lui seul les ventes d’iPad, du moins pas d’une manière soutenue. Mais le doit-il seulement ? La situation de l’iPad est-elle si catastrophique que les chiffres semblent le montrer ?
Le cœur de cible de l’iPad reste d’abord et avant tout le grand public, qui possède peut-être déjà un ordinateur et/ou un smartphone. Ces derniers mois, le sens du phénomène de cannibalisation semble s’être inversé : au tassement des ventes d’iPad répond un rebond du Mac dans un marché en berne, et une excellente tenue de l’iPhone dans un marché qui s’essouffle. Le grand public n’est toutefois pas un groupe monolithique qui réagit de la même manière partout : « le marché de l’iPad est coupé en deux », admet ainsi Tim Cook, « dans les BRIC, l’iPad a extrêmement bien marché ; dans les pays développés comme les États-Unis, il a été clairement plus faible. »
Or l’iPad est d’abord sorti dans ces pays développés, où il s’est vendu à un rythme encore supérieur à celui de l’iPhone malgré l’absence de subvention, et semble avoir atteint son pic bien plus rapidement que l’iPhone. Il n’y a plus assez de nouveaux acheteurs pour soutenir une croissance à deux chiffres, et le renouvellement n’est pas assez rapide pour compenser : en croisant les chiffres donnés par Apple, il apparaît que seuls 5 % des propriétaires d’iPad renouvellent leur matériel pendant un trimestre donné.
L’iPad est donc « victime » d’un effet de cycle non seulement très prononcé, mais encore encouragé par la politique de mises à jour logicielle d’Apple. Les chiffres suggèrent toutefois que la durée de vie moyenne d’un iPad est d’un peu plus de deux ans : si les clients d’Apple ne regardent pas du côté des Galaxy Tab, Amazon Fire et autres phablettes, l’iPad devrait reprendre des couleurs à la mi-2015.