Mise Ă jour 27/04 â Si Apple avait suivi les recommandations d'Eddy Cue, peut-ĂȘtre que les utilisateurs Android auraient eu droit Ă iMessage. En avril 2013, le vice-prĂ©sident en charge des services discutait avec Craig Federighi sur l'opportunitĂ© de lancer la messagerie instantanĂ©e sur la plateforme mobile de Google. « J'ai quelques personnes qui planchent lĂ dessus mais nous devrions y aller plein pot et en faire un projet officiel », peut-on lire dans une nouvelle dĂ©position rendue publique par Epic Games dans le cadre du procĂšs qui va l'opposer Ă Apple dĂ©but mai.
La proposition de Cue est intervenue alors qu'il se murmurait dans le milieu que Google lorgnait sur WhatsApp (finalement, c'est Facebook qui a empoché le morceau). « Est-ce que nous voulons perdre une des plus importantes applications de l'environnement mobile à Google ? », s'inquiÚte le SVP. « [Google] a la recherche, le mail, les vidéos gratuites [YouTube], et leur croissance est forte dans le secteur des navigateurs ».
Que faire pour contrer cette montée en puissance qui menaçait l'iPhone ? Eddy Cue a une proposition : « Nous avons la meilleure app de messagerie et nous devrions en faire un standard dans l'industrie. Je ne sais pas comment nous pourrions la rentabiliser [iMessage sur Android, NDR], mais ça ne coûte pas trÚs cher à faire fonctionner ».
Le projet de Cue a rapidement été remisé dans le tiroir aux fausses bonnes idées. Craig Federighi, le vice-président des technologies logicielles, a répondu à son collÚgue que si iMessage était effectivement une bonne application et un bon service, « faire en sorte que les utilisateurs basculent dans un autre réseau social [de WhatsApp vers iMessage] va nous demander plus qu'une app marginalement meilleure (c'est pourquoi Google veut payer un milliard de dollars pour WhatsApp : c'est pour le réseau, pas pour l'app) ».
Federighi s'inquiétait notamment du fait que la version Android d'iMessage allait permettre plus facilement aux familles de donner à leurs enfants des appareils Android plutÎt que des iPhone. Une réflexion pragmatique autant que cynique, et qui a enterré l'idée d'un portage de l'app sous Android. @The Verge
Article d'origine, 08/04 â Il y a beaucoup de choses Ă dĂ©cortiquer dans les documents soumis par Apple et Epic Games Ă la justice californienne, en amont du procĂšs qui dĂ©butera le 3 mai. Les parties ont dĂ©posĂ© leur « Proposed Findings of Fact and Conclusions of Law » (Apple, Epic), c'est Ă dire l'ensemble des faits trouvĂ©s par chacun des belligĂ©rants et qui serviront Ă soutenir leur thĂšse : 310 pages chez l'un, 165 pages chez l'autre, autrement dit une longue lecture pour les courtes soirĂ©es printaniĂšres.
Pour appuyer l'argumentaire du jardin fermé et clos d'Apple, les avocats d'Epic donnent l'exemple d'iMessage qui n'a jamais dépassé les frontiÚres des systÚmes d'Apple. Dans une déposition relevée dans son document, Eddy Cue, le vice-président chargé des logiciels et des services, explique que l'entreprise cherche à faire en sorte que les utilisateurs « ne veuillent pas quitter » l'univers Apple.
Ce faisant, Eddy Cue respecte à la lettre la volonté de Steve Jobs qui, dans un mémo de 2010, écrivait qu'il voulait lier tous les produits d'Apple ensemble « afin d'enfermer davantage ses clients dans son écosystÚme ». C'est cette fois Scott Forstall qui a donné cette information dans sa déposition. C'est là qu'intervient iMessage, une des applications les plus utilisées par les possesseurs d'iPhone et qui, de fait, fait partie intégrante de « l'expérience iOS ».
Eddy Cue explique qu'en 2013, Apple a pris la décision de ne pas développer de version de l'app de messagerie pour Android. Le constructeur aurait pourtant pu le faire, ce qui aurait apporté l'interopérabilité entre Android et iOS, pour que les utilisateurs des deux plateformes soient capables « d'échanger des messages les uns avec les autres en toute transparence ».
Craig Federighi, le grand patron des systÚmes d'exploitation, craignait de son cÎté que cette version d'iMessage permette de donner aux enfants de la famille des smartphones Android plutÎt que des iPhone (plus chers que des appareils Android)⊠Selon Eddy Cue, Phil Schiller à l'époque vice-président du marketing aussi était contre un iMessage sur la plateforme concurrente : « porter iMessage sur Android nous fera plus de mal que de bien », disait-il en 2016.
On ne peut pas vraiment en vouloir Ă Apple qui agit ici en fonction de son propre intĂ©rĂȘt, et tant pis pour les utilisateurs qui vivent dans des milieux hĂ©tĂ©rogĂšnes. Mais cet exemple souligne qu'iOS n'est pas un marchĂ© parmi tant d'autres, mais un Ă©cosystĂšme intĂ©grĂ© qui cherche Ă conserver Ă tout prix ses utilisateurs dans ses filets.
En 2016, un représentant d'Apple s'exprimait officiellement sur le sujet, en expliquant qu'avoir une messagerie supérieure aux autres contribuait aux ventes des appareils d'Apple. Ce qui n'est pas si loin finalement des découvertes d'Epic (lire : Apple explique pourquoi iMessage n'est pas disponible sur Android).