Le widget Apple News qui présente une poignée d'actualités n'a l'air de rien. Il représente pourtant une manne très importante pour les titres de presse qui ont le privilège d'être dans les petits papiers d'Apple. Le trafic qu'en retirent les sites web affiliés est en effet très important : dans le cas de 20 Minutes par exemple, l'audience générée par Apple News pèse de 15 à 20% du trafic (lire : Le widget Apple News rapporte aux éditeurs de presse français).
Seul problème : l'opacité règne complètement sur la sélection des titres de presse et sur les actualités présentées par le widget. Marianne, qui faisait partie des sites affiliés à Apple News jusqu'en octobre dernier, a vu une baisse de son trafic de l'ordre de 35% ! L'atterrissage est brutal : la chute de l'audience s'accompagne logiquement d'une baisse des recettes publicitaires…
Le magazine a voulu jeter un œil derrière le voile du mystère et, bien sûr, il s'est d'abord cassé les dents sur les relations presse d'Apple France. Malgré tout, Marianne a pu rassembler auprès des confrères, souvent sous couvert d'anonymat, de quoi étayer une longue enquête — parfois à charge — sur ce service « sans réelle ambition » et configuré « sur un coin de table », d'après le témoignage (de seconde main) d'un haut dirigeant d'Apple.
Le widget Apple News accueille 20 médias et grands titres de la presse française, une sélection sans grande cohérence (on y trouve L'Express et Le Point, mais pas L'Obs ni Le Journal du Dimanche, par exemple). La sélection est laissée au bon soin de l'entregent d'un salarié français d'Apple qui malgré son statut de responsable média partenariats, ne joue ici que le rôle de passe-plat entre le média et « l'équipe en charge ».
On ignore tout de cette énigmatique équipe qui a pourtant (presque) un droit de vie ou de mort sur des publications en ligne. Entrer en contact avec elle relève déjà de l'exploit, mais il faut ensuite conserver l'accès dans ce widget. Ce qui n'est pas une mince affaire, car l'algorithme qui trie les titres n'est pas spécialement finaud.
Il valorise plus souvent qu'à son tour l'actu « légère » et anecdotique au détriment des enquêtes et du contenu solide. Il semble que cet algorithme s'appuie pour partie sur les titres partagés sur les réseaux sociaux (et ce ne sont souvent pas les actus les plus sérieuses qui sont partagées…). De notre expérience, il est aussi arrivé que le widget nous oriente vers des articles fouillés ; le meilleur y côtoie donc le pire, comme dans la presse traditionnelle en somme…
En absence d'une déclinaison française d'Apple News, le widget proposé aux quelques 10 millions d'utilisateurs d'iPhone dans l'Hexagone est un service sans personnalisation possible, qui affiche des titres sans supervision éditoriale, à l'inverse de ce qui se passe aux États-Unis ou au Royaume-Uni.
La Pomme ne se préoccupera sans doute de son widget qu'à partir du moment où Apple News sera lancé en France. On ignore quand, et le constructeur n'a pas fait preuve de beaucoup de zèle pour étendre la disponibilité de son application.
Les titres de presse qui s'appuient beaucoup sur le widget Apple News pour générer beaucoup de trafic ont la vie facile et c'est tant mieux pour eux. Mais le retour de flamme risque d'être d'autant plus difficile à gérer, si d'aventure Apple décide de remplacer un média par un autre.
La problématique ici est finalement la même que celle qui se pose aux éditeurs qui misent trop sur le référencement de Google ou l'algorithme de Facebook pour promouvoir leurs contenus : baser tout ou partie de son modèle économique sur la bonne volonté d'un tiers est dangereux. Surtout si ce tiers n'a aucune obligation de vous mettre en avant.