iOS 6 n’a pas été la refonte graphique complète du système mobile d’Apple, mais cette mise à jour a été très importante pour une autre raison. L’app Plans n’affichait plus les cartes de Google comme c’était le cas depuis le premier iPhone, mais celles d’Apple qui venait de mettre au point un concurrent.
À l’époque, le service était largement en retrait par rapport à Maps, mais l’entreprise de Cupertino débutait tout juste et on pouvait tolérer ce retard au lancement. Cela fait cinq ans maintenant que Plans existe et il a largement été amélioré. Pour autant, Google n’est pas resté les bras croisés dans l’intervalle et on ne peut pas dire qu’Apple a rattrapé son retard en matière d'informations cartographiques. Pire, alors que Maps évolue constamment et rapidement, Plans stagne et l'écart se creuse.
Un an d’évolutions pour Plans et Maps
C’est ce que montre très bien cette étude qui a comparé les deux services sur l’année qui vient de s’écouler (Justin O'Beirne avait fait une première analyse il y a un an). La comparaison est criante : alors que Google n’a de cesse d’ajuster et d’enrichir ses cartes, Apple se contente de quelques modifications très mineures. Et à l’arrivée, la différence est terrible pour le service des créateurs de l’iPhone : la carte est moins complète et elle passe même à côté du parc au centre de cette section choisie à San Francisco.
Il serait injuste de dire qu’Apple ne fait rien et on voit bien sur l’animation qu’il y a des modifications. Les points d’intérêt changent, certains apparaissent et d’autres disparaissent. C’est le cas des deux côtés d’ailleurs, et c’est bien normal, il y a constamment des commerces qui ouvrent et qui ferment.
Justin O'Beirne a compté les retraits et ajouts sur ce même quartier de San Francisco et il a fait un constat intéressant. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, c’est du côté d’Apple qu’il y a le plus de mouvements, deux fois plus que chez Google pour être exact. Les données dans Plans bougent sans cesse, ce qui pourrait être une bonne nouvelle, si cela ne cachait pas un gros problème.
En regardant dans le détail, on note en effet que la carte d’Apple hésite parfois entre plusieurs options pour un même point d’intérêt. En guise d’exemple, regardez ce qui se passe sur les bâtiments au milieu de cette zone. Google Maps a identifié d’emblée trois commerces différents et le service ajuste plus précisément leur position au fil des mois.
Plans n’affiche qu’un seul point d’intérêt et alterne entre les trois commerces qui se trouvent en fait sur place. Apple réagit probablement en fonction des remontées des utilisateurs, mais au lieu de corriger correctement l’information, l’entreprise affiche des données partielles et partiellement fausses. Vous avez une chance sur trois de ne pas trouver ce que vous cherchez avec l’app d’Apple, ce qui est tout de même gênant.
Cette analyse montre très bien qu’Apple n’a toujours pas rattrapé Google en matière de collecte de données. Le parc qui n'est pas dessiné au milieu de la première carte s’explique par les mauvaises données de base utilisées par l’entreprise de Cupertino, qui repose toujours essentiellement sur les cartes de TomTom. Ces données sont bonnes dans l’ensemble, mais elles sont souvent inférieures à celles de Google dans le détail.
Pourtant, les deux entreprises n’exploitent pas qu’une seule source de données, mais des dizaines de sources pour affiner les cartes dans chaque pays. Pour la France, par exemple, Apple utilise les données de Michelin, Google celles de l’IGN. Néanmoins, l’information de base compte énormément et sur ce point, Plans est encore parfois à la traîne.
Pour placer les différents points d’intérêt, Google a aussi un avantage considérable sur Apple : Street View. Ce service permet de se déplacer virtuellement dans les rues du monde entier (99 % de couverture aux États-Unis), mais il sert aussi à améliorer les données de Maps. En prenant des photos des bâtiments, l’entreprise peut ensuite affiner la position des commerces et autres lieux d’intérêt en croisant les coordonnées et les images.
C’est précisément ce qui permet à Google Maps d’afficher correctement les trois commerces dans l’exemple évoqué plus haut. Seule une photo de la rue permet de savoir qu’ils sont alignés et de connaître leur position respective. Sans cette information, Apple doit uniquement se baser sur une position théorique et dans ce cas où les points d’intérêt sont très proches, prendre le risque de confondre les trois.
Rien qu’autour de ce parc de San Francisco, l’étude trouve deux exemples similaires où Google Maps distingue plusieurs commerces dans un même immeuble et où Plans alterne entre les noms au fil des mois. Autre conséquence logique, il y a plus de points d’intérêt affichés sur la carte de Google, puisque tous les commerces sont présentés et pas un seul par bâtiment.
Google Maps : de la carte routière à l’annuaire cartographique
En plus de cette analyse comparée de Maps et Plans, Justin O'Beirne remarque une évolution nette du style des cartes de Google. En un an, l’entreprise a changé en profondeur ses cartes, réduisant l’importance visuelle des routes et renforçant au contraire celle des points d’intérêt. La différence est souvent spectaculaire :
L’étude détaille tous les changements apportés par Google en un an. Pour résumer, les routes ont adopté des couleurs beaucoup plus pales, ce qui fait qu’elles ont perdu en importance sur la carte. À l’inverse, les points d’intérêt sont désormais signalés par des pastilles colorées, ce qui les rend nettement plus visibles.
Ce n’est pas un mouvement récent, Google suit cette tendance depuis bien des années déjà. Les routes étaient toutes colorées et très visibles, mais elles se font de plus en plus discrètes au gré des mises à jour. Cette année, le gris qui sert de couleur de fond a été éclairci pour mettre en avant les zones d’activité, signalées en jaune.
Tous ces changements prennent tout leur sens quand on pense à l’utilisation que l’on fait de ces cartes. Les premières versions de Google Maps ont été imaginées en fonction des cartes routières papier, celles que l’on avait l’habitude de garder dans la boîte à gants de sa voiture et que l’on sortait quand on devait trouver sa route. Les axes principaux devaient être bien visibles et toutes les routes devaient être représentées pour se repérer et ensuite savoir quelle voie emprunter.
Qui utilise son smartphone de la sorte aujourd'hui ? Quand on veut un itinéraire, on sort son téléphone et on demande à un assistant d’aller à tel endroit. Au pire, on saisit le nom de la destination dans un champ de recherche, mais dans tous les cas, on ne cherche pas à deviner son itinéraire à partir de la carte elle-même. L’app se charge du calcul et l’information est affichée alors dans une interface spécifique qui efface la carte.
L’essentiel désormais, c’est de connaître sa destination. Le moteur de recherche est essentiel, mais Google optimise aussi ses cartes pour l’utilisateur qui cherche un lieu dans un quartier, sans avoir de nom en tête. Si vous cherchez un restaurant par exemple, vous pouvez facilement naviguer du bout des doigts sur la carte et choisir une adresse par ce biais.
C’est pour cette raison que les icônes associées aux points d’intérêt sont plus marquées sur la carte. Ils sont plus faciles à repérer et surtout, ils sont distingués d’emblée en fonction de leur catégorie. Les restaurants et bar sont en orange, les commerces en bleu, les hôtels en marron, etc.
Et Apple dans tout ça ?
Sur certains points, Apple avait saisi bien avant Google ce qui comptait le plus sur les cartes affichées sur les appareils mobiles. Si vous regardez à nouveau la première comparaison de cet article, celle de juin 2012, vous verrez la Pomme effaçait considérablement les routes par rapport à son concurrent. Par ailleurs, les pastilles colorées pour indiquer les lieux étaient présentes sur Plans bien avant Maps.
Malheureusement, Apple a oublié un paramètre dans l’équation : si les routes ne comptent pas autant, la position des points d’intérêt est cruciale. Et on a encore trop souvent l’occasion de constater que ce n’est toujours pas au point, même cinq ans après. En comparaison, la recherche de Google n’est pas infaillible, mais elle est beaucoup plus fiable.
Sur le plan visuel, les cartes d’Apple restent toujours plus légères que celles de Google, qui restent plus chargées. Mais ces dernières sont aussi plus complètes et ce, à tous les niveaux de zoom. Les zones d’activité de Google Maps sont aussi un bon moyen de repérer d’un coup d’œil les quartiers les plus vivants.
À grande échelle, Apple a aussi tendance à afficher beaucoup de noms de routes, alors que Google fait désormais le choix d’afficher essentiellement des points d’intérêt. Maps est alors plus pratique pour celui qui cherche une boutique ou un autre point d’intérêt, alors que Plans aidera davantage ceux qui veulent se repérer et se déplacer sans guidage GPS.
Pour résumer, Apple a toujours opté pour des cartes visuellement allégées, ce qui était une bonne intuition pour diminuer l’importance des routes elles-mêmes. Néanmoins, le constructeur a pris du retard aujourd'hui face à Maps et ses points d’intérêt parfaitement mis en avant. Sans compter que les informations proposées dans Plans sont toujours de qualité inférieure…
La stagnation du service d’Apple en la matière est l’élément le plus inquiétant. L’entreprise présentera peut-être des nouveautés la semaine prochaine, à l’occasion de sa WWDC, mais elle restera constamment en retard si elle compte uniquement sur une mise à jour annuelle. Google progresse sans cesse et Maps creuse l’écart, mais cela ne veut pas dire que la partie est terminée pour Plans.
Le constructeur a les moyens de reproduire ce que Google a fait, à savoir engager une myriade de chauffeurs pour rouler sur toutes les routes du monde entier. On sait que c’est déjà une opération qui est en cours et vous avez été nombreux à nous envoyer des photos de voitures Apple à Paris, puisque l’entreprise y circule actuellement.
Est-ce que l’entreprise de Cupertino a bien conscience de l’ampleur de la tâche à mener toutefois ? À l’été 2012, pile quand Apple présentait son concurrent, Google annonçait avoir fait rouler ses voitures sur plus de 8 millions de kilomètres dans le monde et ce nombre a considérablement augmenté depuis.
À notre connaissance, les voitures d’Apple ne sont jamais sorties de la capitale pour le moment. La France ne se résume pas à Paris (mais si, on vous assure) et à ce rythme, il va falloir plusieurs dizaines d’années pour couvrir correctement le territoire…
Google peut également compter sur une autre force : contrairement à Apple, l’entreprise n’hésite pas à exploiter les données de ses utilisateurs. Et même les faire participer directement pour améliorer les cartes. Dans Google Maps, un onglet entier est dédié à l’amélioration des données affichées sur les cartes. Le géant de la recherche vous incite à noter les lieux visités, à ajouter vos propres photos, à répondre à des questions et même directement à corriger les données.
Apple intègre un mécanisme qui permet de signaler une erreur, mais cette interface est cachée en bas des fiches associées à un lieu et c’est à l’utilisateur de faire la démarche, là où Google la propose. Plus gênant, les corrections rapportées ne sont pas toujours corrigées par la suite…