L’annonce a fait moins de bruit que les lancements des iPhone SE et de l’iPad Pro 9,7 pouces, mais elle n’en reste pas moins importante : Apple a dévoilé durant le special event du 21 mars une nouvelle initiative en matière de santé, CareKit.
Si ResearchKit se destine au développement d’études médicales pour les cliniques et les établissements hospitaliers, CareKit s’oriente vers le suivi des patients. Les applications développées avec ce framework épauleront l’utilisateur pour surveiller les symptômes d’une maladie, respecter la médication, partager les données avec l’équipe médicale.
Même si CareKit ne sera disponible qu’en avril, le framework est déjà au cœur de plusieurs applications développées par des partenaires d’Apple. Le centre médical du Texas a mis au point un logiciel de suivi post-chirurgie, le Beth Israel Deaconess Medical Center une app de suivi des problèmes de santé chroniques, One Drop une application de suivi du diabète.
On ne trouve pas d’études ResearchKit en France, pour une bonne raison : les études médicales de ce genre sont soumises à une réglementation beaucoup plus sévère en la matière. La participation à ce genre d’étude est habituellement conditionnée par des critères d’éligibilité (la nationalité, par exemple). On peut cependant espérer qu’il en aille autrement pour les applications CareKit, qui ne sont pas des études cliniques ; les contraintes propres aux études médicales devraient donc être évitées.
ResearchKit et CareKit sont des boîtes à outils que les développeurs pourront adapter selon leurs besoins, puisqu’ils sont open-source. Les développeurs qui le souhaitent peuvent avoir plus d’informations sur ResearchKit à cette adresse, où ils trouveront des bouts de code, de la documentation et des didacticiels.
Pour aller plus loin, nous avons demandé à Vincent Tourraine, du studio lyonnais Shazino, de nous éclairer sur le sujet.
« Nous travaillons depuis plusieurs années à concevoir des apps mobiles pour les chercheurs. Avec ResearchKit, nous avons eu l’occasion de contribuer au projet open-source, notamment en développant de nouveaux modules de collecte de données. Notre dernière app, Neurons, est destinée aux patients atteints de sclérose en plaques, pour les aider à suivre l’évolution des symptômes de la maladie. Elle correspond donc davantage à CareKit, tout en étant techniquement basée sur ResearchKit. »
ResearchKit est un outil assez méconnu en France. À quoi sert-il ? Qui est le public visé ?
ResearchKit est un framework (c’est-à-dire un outil de développement) pour faciliter la création d’apps iOS pour la recherche médicale. Ça s’adresse donc aux laboratoires qui souhaitent proposer des études médicales sous la forme d’apps mobiles. Plutôt que de distribuer des formulaires sur papier, et de prendre des rendez-vous, l’iPhone permet de mener ces études à distance.
D’un point de vue développeurs, en quoi ResearchKit facilite-t-il la vie ?
ResearchKit propose des solutions prêtes à l’emploi pour des problèmes communs à la plupart des études médicales : mise en place de formulaires numériques, enregistrement d’activités, présentation de graphiques pour les résultats, etc. De cette façon, le laboratoire n’a pas besoin de réinventer la roue, et peut proposer une app plus aboutie beaucoup plus facilement.
Et du côté du public, comment est-ce que les études ResearchKit sont-elles accueillies ?
Il existe aujourd’hui quelques dizaines d’apps construites avec ResearchKit, et elles sont plutôt appréciées à en croire les commentaires sur l’App Store. À l’échelle de l’App Store, le nombre d’utilisateurs est assez modeste, mais pour des études médicales, ces chiffres sont conséquents.
Les laboratoires ont souvent des budgets très limités pour ce genre de développement. L’utilisation de ResearchKit fait donc sensiblement progresser la qualité de ces apps. Et l’utilisation d’un framework commun permet de garantir certaines bonnes pratiques propres à iOS, contrairement aux web apps souvent utilisées avant ResearchKit.
En rendant ResearchKit open-source, Apple a permis aux développeurs qui le souhaitent de modeler le framework à leurs besoins. Est-ce que c’était important, fallait-il le faire ? Est-ce que cela va installer durablement ResearchKit chez les développeurs ?
C’est important, parce que le sujet des données médicales est évidemment sensible. En partageant le code source, les développeurs savent exactement ce que fait et ce que ne fait pas ResearchKit. Ça rend aussi possible l’évolution du framework, indépendamment d’Apple, notamment s’ils décident d’arrêter le projet. Je ne sais pas ce que ça peut donner à plus long terme, mais pour sa première année le bilan est très positif.
À côté de cela, ResearchKit était peut-être une occasion pour Apple de préparer l’arrivée open-source de Swift. C’était la première fois qu’ils publiaient un projet sur GitHub, et surtout, invitaient les développeurs tiers à participer.
Jeff Williams a présenté CareKit, une deuxième initiative en matière de santé. De quoi s’agit-il ?
Pour l’instant, on sait peu de choses concrètes pour CareKit. Comme ResearchKit, il s’agit d’un framework iOS, mais conçu pour des apps de santé et le suivi de conditions médicales en général. Les deux frameworks sont donc proches, et Jeff Williams a effectivement expliqué que l’idée de CareKit a en quelque sorte émergé du développement de ResearchKit. Il a même évoqué le cas de mPower (une app pour les patients atteints de la maladie de Parkinson), comme étant la première app CareKit, alors qu’il s’agissait initialement d’une app construite avec ResearchKit. Visiblement, les deux frameworks peuvent cohabiter et se compléter au sein d’une même app.
Quels types d’apps vont pouvoir émerger de CareKit ?
Typiquement, il s’agit de collecter des informations médicales, pour afficher un suivi des conditions du patient. À partir de là, ces données peuvent être partagées avec une équipe médicale pour une évolution du suivi, et avec des proches pour encourager le patient. Mais il faut noter que le partage des données ne sera vraisemblablement pas pris en charge par CareKit, tout comme pour ResearchKit. Apple interdit notamment d’utiliser iCloud pour ce type de données. De cette façon, impossible d’accuser Apple de stocker des données médicales sur ses serveurs. Elle se contente de faciliter leur collecte, et laisse cette responsabilités aux laboratoires et développeurs tiers.