De manière tout à fait inattendue, iOS 9.3 qui est sorti en bêta cette semaine contient des nouveautés importantes. La principale, c'est Night Shift, un mode nuit qui aurait très bien pu faire figure de nouveauté significative dans iOS 10. Mais non, Apple a décidé de l'introduire dès iOS 9.3. Pourquoi ? Voici quelques pistes.
Une fonction émergente chez la concurrence
Ces derniers mois, plusieurs constructeurs et éditeurs ont intégré un mode nuit à leurs produits. Les appellations sont différentes, mais la fonction est la même : l'étalonnage de l'écran change de façon à réduire la lumière bleue qui est émise. On obtient donc une teinte plus chaude, jaune voire orange selon l'intensité.
Le navigateur Opera Mini dispose de cette fonction depuis mi-2015. La dernière version de Fire OS, le système d'exploitation d'Amazon, comporte Blue Shade qui « ajuste et optimise le rétroéclairage afin d'offrir une expérience de lecture de nuit plus agréable. » La Mi Pad 2, la nouvelle tablette de Xiaomi, a quant à elle un Reading mode (mode lecture) similaire.
Apple ne se soucie guère de la concurrence en règle générale, mais elle sait reconnaître les technologies disponibles ailleurs qui sont dignes d'intérêt et se les approprier quand il le faut. Et même s'il n'y a pas de course intense entre iOS et Android en matière de nouvelles fonctions (on aurait autrement des mises à jour tous les mois, comme les navigateurs), Apple pourra tout de même se targuer d'avoir été le premier des deux.
Des études médiatisées
Mais pourquoi, au juste, cet intérêt soudain pour le mode nuit ? Cela s'explique par la publication de plusieurs études démontrant que la lumière bleue est mauvaise pour le sommeil. Cette lumière bleue qui émane des smartphones et des tablettes bloque la production de l' « hormone du sommeil » en frappant plus intensément la rétine.
La découverte n'est pas nouvelle, on trouve des publications scientifiques à ce sujet remontant à plusieurs années, mais des études récentes réalisées par la Harvard Medical School (fin 2014) et l'université de Surrey (automne 2015) ont bénéficié d'une large couverture médiatique, sûrement en partie parce qu'elles ont été menées avec des iPhone et des iPad.
La problématique ayant été remise en lumière aux yeux du grand public, si l'on ose dire, des fabricants ont donc commencé à y répondre en introduisant une fonction logicielle qui réchauffe les couleurs.
Et ce n'est pas une surprise si Apple fait partie des premiers à entrer en action. La firme s'est dernièrement investie sérieusement dans le domaine de la santé avec ResearchKit. Elle présente aussi l'iPhone et l'Apple Watch comme des produits capables d'améliorer le bien-être. Dès lors, il est logique que cette fonction qui réduit le dérèglement du sommeil trouve sa place dans iOS. On peut même s'étonner qu'elle n'ait pas été intégrée plus tôt...
La polémique sur f.lux
Car si l'on sait depuis longtemps que la lumière bleue est nocive pour le sommeil, les solutions pour la réduire existent elles aussi depuis un moment. Depuis 2011, les possesseurs de terminaux iOS jailbreakés peuvent utiliser f.lux, un utilitaire qui module la teinte de l'écran en fonction de l'heure de la journée.
En raison des règles d'Apple, cet utilitaire qui utilise des API privées ne peut pas figurer dans l'App Store (mais il est installable librement sur Mac où les règles sont plus souples). Ses concepteurs ont récemment tenté de le rendre disponible auprès de tous les utilisateurs en le distribuant sur leur site web, mais l'escapade a fait long feu.
Dès le lendemain de la mise en ligne, Apple a fait retirer f.lux du site. « Nous pensions que le nouveau système de signature de Xcode (qui ne nécessite plus de compte développeur payant pour installer des apps sur les terminaux, ndr) avait été conçu pour permettre un tel usage, mais Apple nous a indiqué que nous ne pouvions pas poursuivre », ont alors expliqué les développeurs, sans donner plus d'information sur la raison du mécontentement de Cupertino.
La raison, justement, est peut-être imputable aux développeurs eux-mêmes : le code source de l'application distribuée n'a pas été partagé, or la possibilité de charger des applications sans passer par l’App Store est conditionnée à l’accès complet au code source...
Quoi qu'il en soit, tous les utilisateurs ne sont sûrement pas au courant de cet épilogue et cette affaire a été négative pour l'image d'Apple, apparaissant comme le Goliath dictateur retirant une fonction demandée depuis longtemps.
Au bout du compte, la polémique a sans doute précipité l'ajout de Night Shift à iOS. Son intégration dans iOS 9.3 est un moyen de montrer pour Apple qu'elle prend à cœur le bien-être de ses clients (on retombe sur son implication dans le secteur médical) et qu'elle sait faire preuve d'écoute.
Le contentieux avec f.lux n'est pas tout à fait terminé, puisque si ses développeurs saluent une « première étape importante », ils demandent toujours la possibilité de proposer leur application sur iOS. « Il n'y a pas une seule bonne réponse pour tout le monde, aussi nous sommes engagés à créer un logiciel qui s'adapte et répond toujours plus aux besoins de chacun », arguent-ils.
Et maintenant ?
Grâce à la phase de bêta test, Apple va pouvoir ajuster Night Shift. Dans cette première bêta d'iOS 9.3, la fonction n'est pas activée par défaut, il faut la cocher dans les réglages de luminosité.
Rappelons qu'elle nécessite un appareil 64 bits (iPhone 5s, iPad Air, iPad mini 2 ou iPod touch 6G minimum) et d'activer le réglage automatique du fuseau horaire. Ce n'est pas la première fonction importante à être réservée aux processeurs 64 bits (il y a aussi les bloqueurs de contenu) et il faut probablement prendre cela comme un signe que les heures du 32 bits sont comptées.
Si vous avez installé la bêta, faites-nous part de votre avis sur Night Shift dans les commentaires. Avez-vous activé la programmation du coucher au lever du soleil ou la programmation personnalisée ? Trouvez-vous que la fonction repose effectivement les yeux ?