La fonction Assistance Wi-Fi lancée avec iOS 9 permet à l’appareil iOS de basculer du Wi-Fi au réseau cellulaire lorsque le premier est trop faible ou dégradé. C’est particulièrement utile dans la cadre d’un hotspot public très chargé ou quand on se trouve à la lisière de la portée de son réseau Wi-Fi domestique.
Malheureusement, cette fonction génère toujours autant de problèmes pour de nombreux utilisateurs, qui se plaignent vertement de voir leur facture de données 4G exploser. Le service, activé par défaut, est maintenant l’objet d’un recours collectif aux États-Unis. Les deux plaignants allèguent que les coûts liés au mauvais fonctionnement d’Assistance Wi-Fi « dépassent les 5 millions de dollars ».
La poursuite estime qu’Apple devrait rembourser les clients de la surconsommation liée à la fonction, étant donné le peu d’explications données par le constructeur concernant l’usage de l’Assistance Wi-Fi. Pour désactiver cette fonction, il faut se rendre tout en bas de la page Données cellulaires des réglages.
Une assistance peu assistée
5 millions de dollars, ce n’est pas grand chose pour la société la plus rentable au monde, mais cette affaire pourrait provoquer plus de dégâts qu’attendu. Alf Watt, ancien ingénieur chez Apple, a publié un long billet levant une partie du voile des coulisses du développement Wi-Fi à Cupertino.
Désormais développeur d’iStumbler, Watt a travaillé de 2007 à 2012 chez Apple, au sein d’un service chargé de l’aide aux utilisateurs rencontrant des problèmes de Wi-Fi. Il a aussi œuvré à la conception des applications Utilitaire Airport et Utilitaire de réseau pour OS X. Il a donc largement eu l’occasion d’éprouver le mode de fonctionnement chez Apple, et il ne mâche pas ses mots : « Balkanisation, management faible et des prises de décision mal informées par des cadres dirigeants ont contribué au problème. Et comme je suis un humain, mes propres limites et les problèmes personnels y ont joué une grande part », admet-il.
D’après lui, l’Assistance Wi-Fi représente la meilleure incarnation du « soigne toi toi-même » appliqué à l’informatique : « Supprimer la connexion réseau qui ne fonctionne pas (Wi-Fi), et le remplacer par une alternative », décrit Watt. « La 4G LTE étant un service payant avec une vraie gestion de l’accès au réseau, elle est censée être plus fiable que la box à 50 $ que vous pouvez acheter sur Amazon ».
Oui mais voilà, Apple a rechigné à faire les investissements qui s’imposaient. Alf Watt a ainsi proposé à ses supérieurs que le constructeur devrait investir dans ses propres serveurs DNS, à l’instar de ce que propose Google. « Nos appareils devraient les utiliser quand les serveurs DNS du fournisseur d’accès sont en panne ». On en a eu l’illustration très récemment, chez Bouygues Telecom (lire : Bouygues Telecom : des soucis de connexion à internet).
Malheureusement, la direction d’Apple n’a jamais suivi les recommandations de l’ingénieur : « On m’a dit que les dirigeants n’approuveraient jamais les frais de mise en service et la dépense pour leur fonctionnement. C’était au même moment où [on a appris qu’] Apple avait plus d’argent en banque que le gouvernement américain », en juillet 2011 donc.
Communication en berne
Cette absence d’investissements de la part d’Apple est préjudiciable pour les clients du constructeur, qui a pourtant toujours à la bouche la fameuse « expérience utilisateur ». L’Assistance Wi-Fi soulage les problèmes de déconnexion mais « place l’utilisateur à la merci de leurs fournisseurs de services mobiles, qui savent trop bien combien [leurs abonnés] peuvent payer pour échapper à ce genre de nuisance ».
Mais la vraie solution, d’après Alf Watt, est de mettre en place de meilleurs canaux de communication entre les différents groupes qui, chez Apple, s’occupent du design et conçoivent le support réseau — entre eux, et avec des groupes extérieurs. Le management en prend aussi pour son grade : Watt estime ainsi que les cadres à qui il a eu affaire devraient sortir de cet état d’esprit « très confortable » qui leur fait penser que chacun possède un forfait illimité. Il leur faudrait aussi « penser soigneusement aux coûts, aussi bien financiers qu’émotionnels, des décisions qu’ils prennent pour leurs utilisateurs ».
Watt rappelle que les appareils que fabrique et vend Apple s’appuient tous sur internet et un bon accès au réseau. Si les dirigeants de l’entreprise ne prennent pas en compte la connectivité plus sérieusement « à tous les niveaux », du matériel aux services réseau, il sera difficile pour Apple de distribuer le contenu sans lequel la fameuse expérience utilisateur n’est rien. « Un iPhone, un Mac, une Apple Watch ou un Apple TV ne valent rien s’ils ne proposent pas la meilleure connectivité, la meilleure performance et la meilleure fiabilité de l’industrie », conclut-il. « Les investissements massifs dans le réseau pour soutenir iCloud sont gâchés si les clients sont dans l’impossibilité de communiquer avec [le nuage d’Apple] ».
Le Wi-Fi et Apple, c’est une longue histoire parsemée de coups d’éclats et de plantages mémorables. En 1999, Apple était précurseur en matière de Wi-Fi. Sur la scène de la Macworld, Steve Jobs présentait Airport en faisant passer un iBook palourde au travers d’un hula-hoop :
Plus près de nous, on se rappelle du bug lié à Discoveryd qui a posé de gros problèmes de connexion Wi-Fi pour les Mac sous OS X Yosemite, jusqu’à ce qu’Apple daigne remplacer le protocole par l’ancien, mDNSResponder, qui a toujours fonctionné sans souci. L’affaire avait inspiré les amuseurs publics qui avaient bidouillé une ancienne affiche de la WWDC :