L’Apple Watch est un produit éminemment Apple — le logo du constructeur fait d’ailleurs partie intégrante du nom du produit. C'est chose rare, il en va ainsi par exemple de l'Apple TV mais guère plus. C’est tout autant une promesse (ce produit est intrinsèquement Apple) qu’un saut dans le vide (si le produit est mal fichu, l’image de marque va en prendre un coup). Heureusement, Apple ne s’est pas plantée techniquement, même s’il faut garder à l’esprit qu’il s’agit de la première génération d’un appareil qui n’a pas vraiment d’équivalent.
Comme pour l’iPod, l’iPhone, voire l’iPad, Apple n’arrive pas en premier sur un nouveau marché. Le baladeur MP3 n’est pas né avec l’iPod, le smartphone existait avant l’iPhone, quant à l’iPad, Microsoft avait tenté sa chance avec des Tablet PC qui n'ont marqué les esprits que par leur échec. L’Apple Watch n'entre pas sur un terrain vierge à défricher. Pebble poursuit son bonhomme de chemin (de traverse), Android Wear navigue toujours plus ou moins sous le radar (en attendant la compatibilité iOS ?) : personne n’a réellement trouvé la martingale qui fera revenir les montres sur les poignets de la génération iPhone.
Après trois ans d'un développement qu’on imagine maniaque et frénétique, Apple lance son premier nouveau produit post-Steve Jobs, avec de grosses ambitions et une sérieuse envie d’en découdre. L’entreprise s’est donnée les moyens de réussir en convoquant l’histoire de l’horlogerie traditionnelle et en tentant de comprendre les codes de la mode et de l’industrie du luxe, tout en n’oubliant pas de concevoir un produit à forte teneur en technologie.
L’iPod, l’iPhone et dans une moindre mesure l’iPad (en 2010, Apple avait déjà fait le plein de confiance en elle-même) semblaient marcher dans l’ombre des produits concurrents : le baladeur se contentait de lire de la musique, et Apple nourrissait une ambition mesurée pour son smartphone (capter 1% du marché). Leur énorme succès a permis en définitive à Apple de développer des écosystèmes imposants autour de ses plateformes, devenues depuis incontournables.
Cette première génération d'Apple Watch ne se cache pas derrière son petit doigt : 38 variations proposées (!), des prix pour toutes les bourses (surtout les mieux nanties), une ouverture aux développeurs, et… une distribution pour le moins baroque sur laquelle nous sommes un peu circonspects. Apple apprend un nouveau marché et s'ajuste à la demande de ses clients, comme l’a dit Tim Cook durant l'annonce des résultats du second trimestre fiscal de l'entreprise. Cela peut engendrer de la frustration et des incompréhensions, qui s'envolent dès que l'Apple Watch franchit le pas de la porte.
L’Apple Watch n’est pas un produit comme un autre, c’est « le plus personnel » jamais créé par Apple, avec une identité qui va au-delà de la simple montre ainsi qu'une palette de possibilités très riche (et parfois confuse). Depuis 2010 et l’iPad, l’Apple Watch est aussi un tout nouveau produit pour le constructeur. Cela valait bien un traitement spécial de notre part, c’est pourquoi nous allons vous proposer cette série d’articles traitant chacun d’un aspect de la montre — un peu comme nous l’avions fait avec le Mac Pro. Pour des observations tout aussi personnelles mais sur l'utilisation au quotidien, il y a notre Timeline.
Un défilé de mode
L’Apple Watch se décline en deux tailles de boîtiers (38 mm et 42 mm) et en trois collections :
- Apple Watch Sport (aluminium, argent ou gris sidéral) : de 399 € à 449 €
- Apple Watch (acier inoxydable, argent ou gris sidéral) : de 649 € à 1 249 €
- Apple Watch Edition (or 18 carats, jaune ou rose) : de 11 000 € à 18 000 €
L’Apple Watch Edition est un modèle à part que nous n’avons, mille fois hélas, pas eu l’opportunité de porter au poignet. Ce n’est heureusement pas le cas des deux autres modèles, qui nous sont parvenus dès le 24 avril, jour de « lancement » officiel du produit.
Avant de mettre la montre à son poignet, il faut d’abord… la déballer ! Comme pour chaque produit Apple, le constructeur a particulièrement soigné le packaging, chaque collection offrant une expérience différente. Ainsi, le boîtier est allongé pour l’Apple Watch Sport, cubique pour le modèle en acier (suivant en cela une tradition horlogère). Pour l’un comme pour l’autre modèle, le déballage est un vrai petit plaisir pour les yeux comme pour les doigts !
Deux collections, deux ambiances
Nous savions déjà à peu près à quoi nous attendre, en nous rendant dans les Apple Store pour les fameuses séances d’essayage. Mais tenir réellement en main les deux modèles de montres, la Sport et celle en acier dans les deux tailles, pouvoir les comparer sans la présence de l’employé de la boutique, tout cela permet d’apprécier à sa juste mesure le travail accompli par Jony Ive, Marc Newson et leur équipe de designers.
L’Apple Watch est clairement issue d’un héritage, celui d’une série d’appareils Apple. Le produit rappelle aussi bien l’iPod que l’iPhone de 2007 et l’iPhone 6, avec ses formes arrondies, l’écran légèrement courbé sur les tranches du boîtier, la couronne digitale (qui n’est pas sans évoquer la molette du baladeur). Un vrai condensé du savoir-faire d’Apple !
Le produit, dans sa version en aluminium mais surtout dans sa livrée en inox, se positionne clairement un cran au-dessus de la concurrence en termes de finitions. L’Apple Watch est une déclaration de guerre ou tout simplement un défi lancé à Samsung, Motorola, LG et tous ceux qui se sont jetés sur le marché de la montre connectée ; c’est vrai au niveau de la qualité de finition du produit en lui-même, mais aussi en ce qui concerne son encombrement. Qu’il s’agisse de la 42 mm et plus encore de la 38 mm, la Watch d’Apple est vraiment petite comparée aux produits concurrents. Certes, c’est la marotte de Jony Ive, mais c’est aussi la preuve d’une expertise que bien peu de constructeurs détiennent.
L’Apple Watch Sport ressemble beaucoup à une version miniature de l’iPhone 6, avec un boîtier en aluminium brossé (7000 Series) et un écran protégé par une couche Ion-X — deux matériaux que l’on connaît bien sur le smartphone. L’Apple Watch « tout court » bénéficie de matériaux plus premium, avec du saphir synthétique sur l’écran et un boîtier en acier inoxydable 316L. Si l’impression qui se dégage de la collection Sport est tout à fait positive, celle de la déclinaison en acier est encore plus prestigieuse. La finition chrome étincelante (la même que pour le dos des iPod classic, pour qui s’en souvient) attire plus les regards que l’aluminium brossé.
Si le saphir de synthèse est plus résistant encore aux rayures que le Ion-X, ce dernier ne démérite pas pour autant comme a pu le tester Consumer Report avec l’aide d’une machine de torture (lire : Apple Watch : des écrans solides et une grande précision dans les données sportives). L’atout du tape-à-l’œil revient à l’Apple Watch en acier, mais revers de la médaille, ce matériau et sa finition brillante attirent également les traces de doigt… et les micro-griffures. Plusieurs acheteurs de ce modèle ont pu le constater à leur dépens. C’est hélas une contrepartie inévitable : l’acier 316L est plus sensible aux rayures que l’alu 7000 Series (dont l’aspect brossé « masque » ces petites traces). On peut passer chez un bijoutier pour réparer ces petits désagréments, ou passer un coup de polish pour les plus aventureux (lire : L'acier inoxydable de l'Apple Watch est sensible aux rayures).
Le tour du boîtier
Au dos de la montre, on trouve un cardiofréquencemètre dont les photodiodes sont protégées par une couche composite sur l’Apple Watch Sport, et de la céramique sur la Watch en acier. Là aussi, c’est une manière de distinguer les deux collections, et de justifier la différence de prix… Pour être tout à fait franc, une fois posé au poignet on ne sent pas vraiment la différence au niveau du matériau. Cette zone, légèrement bombée, permet aussi de déposer le galet aimanté de recharge par induction.
Ce câble de charge est là aussi différent selon la collection. Si le cordon en lui-même mesure deux bons mètres, le socle est recouvert d’une fine couche métallique pour l’Apple Watch en acier, et de rien du tout pour la Sport qui se contente d’un galet en plastique. Lors des recharges, prenez bien soin de poser correctement la montre sur son dock : malgré l’aimant qui relie les deux appareils, il arrive que la Watch ne soit pas parfaitement bien à sa place ; la recharge sera alors incomplète (lire : Le MagSafe de l’Apple Watch n’est pas assez aimanté).
Sur la tranche de droite, on trouve deux boutons. La couronne digitale permet de naviguer dans les listes, de zoomer, et de valider des options. Elle se tourne (ou se frotte) sans effort aucun. Le bouton latéral permet d’appeler un « menu d’amis », un maximum de douze proches vers qui on aura un accès direct pour envoyer messages, dessins, et autres appels audio. Cette fonction spécifique avait-elle réellement besoin d’un bouton dédié ? Pas vraiment (ce d'autant qu'une « vraie » application Messages est intégrée), et on espère qu’Apple permettra d’en personnaliser l’usage à l'avenir (pour appeler une application de son choix, par exemple). Par contre, la couronne digitale est une vraie innovation qui complète admirablement l’écran tactile.
Sur la tranche opposée viennent prendre place les discrètes ouvertures dédiées au micro et au haut-parleur. Une des particularités de l’Apple Watch est le soin maniaque apporté aux bracelets, que l’on peut échanger très facilement. Au dos, deux petits boutons (sur lesquels on appuiera avec l’aide des ongles) permettent de retirer aisément les deux lanières du bracelet. À l’intérieur d’une de ces tranches on peut deviner un tout petit capot derrière lequel se cache un succédané de port Lightning : il s’agit d’un port « diagnostic » dont l’usage est laissé au besoin exclusif d’Apple et des Genius.
Sans son bracelet, l’Apple Watch ressemble effectivement à un tout petit iPhone… ou à l’iPod nano 6G, celui-là même que l’on pouvait porter avec un bracelet et qui déjà, en 2011, offrait un cadran Mickey !
Tout sur l’écran
Apple n’a pas menti : l’écran OLED de l’Apple Watch est bel et bien Retina (d’après les calculs de DisplayMate, la définition en pixels par pouce de l’écran 42 mm est équivalente à celle de l’iPhone 6, soit 322 ppp). OLED oblige, les noirs sont superbes et les couleurs bien contrastées. Consulter des photos est un plaisir, malgré la petite taille des boîtiers ! On appréciera aussi que le calibrage de l’écran soit très proche de celui de l’iPhone 6 : les heureux possesseurs de ces deux appareils, amenés à les utiliser fréquemment en tandem, apprécieront le geste.
Si l’Apple Watch Sport se contente d’un revêtement Ion-X, sa qualité d’affichage n’a pas à rougir face au saphir synthétique de l’Apple Watch. Mieux encore, l’écran de la Sport se révèle plus lisible : la réflectance (la lumière réfléchie par la surface d'un matériau) est plus faible sur le Ion-X que sur le saphir.
La luminosité de l’écran est réglable a minima (trois paliers seulement, contre une réglette plus souple sur l’iPhone). Watch OS gère la luminosité ambiante de manière très agressive, et pour cause : il en va de l’autonomie de l’appareil. En situation de plein soleil, il n’y a pas de miracle à attendre : pour voir convenablement les informations affichées par la Watch, il faudra se placer un peu à l’ombre. À l’intérieur en revanche, l’écran reste parfaitement lisible. Les angles de vision sont également excellents, même si au vu de la nature du produit, on le consultera surtout de face.
Comment porter l’Apple Watch ?
L’Apple Watch représente une sorte d’état de l’art actuel chez Apple, où l’on sent que tout a été fait pour polir et peaufiner le moindre aspect design du produit. Certains pourront lui trouver des angles trop adoucis, un manque de masculinité ou au contraire de féminité, mais il est difficile de reprocher à Apple le soin avec lequel le constructeur a pensé le plus petit aspect de l’appareil.
Le choix de la taille et du matériau devra être fait selon sa physionomie (petit ou gros poignet ?), ses goûts et bien évidemment… ses finances personnelles ! Mais ce qui est certain, c’est que les gauchers seront mis à même enseigne que les droitiers : un réglage permet de choisir l’orientation de l’interface comme de la couronne digitale. Les gauchers qui décideront de porter leur Watch sur le poignet droit avec la couronne sur la gauche devront toutefois s’accommoder de cette même couronne en bas de la tranche. Ce n’est pas gênant, c’est simplement inhabituel.
L’autre aspect qui participe de la personnalisation de l’Apple Watch : ses bracelets. Il y en a pour tous les goûts, mais les plus réussis — à notre avis purement subjectif — restent les modèles en fluoroélastomère livrés avec l’Apple Watch Sport (vendus à l’unité 59 €). Doux, résistants (jusqu’à présent du moins), adaptés tout autant à une vie sédentaire qu’à l’activité physique, ces bracelets ont fait consensus parmi nous.
Le bracelet milanais a été le choix de prédilection de certains d’entre nous. Force est de constater que ce modèle (vendu 169 €) est absolument superbe : la maille métallique est joliment tressée et l’aimant est suffisamment solide pour maintenir confortablement la montre au poignet. Mais ce bracelet coince quelque peu les poils et surtout, il supporte assez mal la sueur… Un modèle qui s’adapte donc plutôt aux soirées et aux sorties en ville !
Le bracelet boucle classique (à 169 €) en cuir Dutch et son fermoir en acier inoxydable est un bon complément de l’Apple Watch du même métal. Effectivement classique dans sa forme et sa fermeture, ce modèle ne nous a pas non plus laissé un souvenir impérissable. Le cuir nous a semblé peu épais et les traces de sueur et les plis du poignet marquent inévitablement et très rapidement la matière.
Le bracelet en cuir Venezia (affectueusement surnommé à la rédac « Michelin » ou « Celui avec des boudins ») bénéficie du même système de fermeture aimantée que le milanais, mais il peine à justifier son prix de 169 € avec un cuir peu épais là aussi.
Le bracelet à maillons, composé d’acier 316L, est une pure merveille, avec son système de fermoir papillon impressionnant, au moins autant que la possibilité d’en retirer facilement des maillons pour l’ajuster à son poignet. L’objet pèse son poids, et à 499 €, il ne s’adresse pas, de toute manière, à tout le monde. Les autres bracelets (comme le boucle moderne et ceux destinés exclusivement à l’Apple Watch Edition), nous n'avons pas pu les manipuler.
Il est à noter que le modèle en fluoroélastomère existe en de nombreux autres coloris. Cette palette inédite est réservée (pour l'heure ?) aux montres des people qu'Apple a associés à son lancement.
Conclusion #1
En termes de design, l’Apple Watch est un très beau produit. Difficile de dire mieux, même si les prochaines itérations seront sans doute plus fines (le diamètre de la couronne pose toutefois une limite), plus légères (ou plus grandes, qui sait), ou… rondes ? Si la montre porte indéniablement la griffe de Jony Ive, l’influence de Marc Newson est grande, ne serait-ce qu’au niveau des bracelets (le modèle Sport ressemble à s’y méprendre à ce bracelet Ikepod, une marque de montres dessinées par le designer australien).
La Watch en acier inoxydable est clairement un ton au dessus par rapport au modèle Sport et sera parfaitement adaptée aux sorties en ville et aux dîners entre amis. En revanche, pour l’avoir essayé en situation sportive, son poids et son aspect précieux n’en font pas nécessairement le meilleur compagnon. L’Apple Watch Sport semble elle plus à sa place pour la vie de tous les jours et ses aléas (ne serait-ce que par la plus grande résistance aux rayures de son boîtier et son écran plus lisible). Mais que votre choix se porte sur l’un ou l’autre de ces modèles, vous aurez au poignet un objet que vous n’aurez pas de gêne voire de honte à utiliser dans la rue, au contraire de bien d’autres montres connectées. Et c’est déjà une belle victoire pour Apple…