Netflix lancera son offre de streaming en France en septembre, c’est désormais une certitude. On ne sait pas encore exactement avec quelle offre, ni sur le plan tarifaire, ni sur le contenu. On sait au moins une autre chose : l’entreprise américaine est ambitieuse pour ce lancement français, très ambitieuse même.
En fin de semaine dernière, Netflix a installé les serveurs qui diffuseront son contenu à tous les clients français. Une opération obligatoire pour offrir de bons débits aux utilisateurs, et sur ce point, l’entreprise n’a pas lésiné. Les serveurs ont été installés à l’intérieur de Paris, boulevard Voltaire, à l’endroit même où tous les fournisseurs d’accès français sont interconnectés et où 80 % du trafic internet français passerait. Si quelqu’un veut fournir un service de vidéo à la demande à la meilleure vitesse chez tous les Français, c’est sans conteste le meilleur choix.
Plus impressionnant encore, Netflix a opté pour une connexion énorme : avec une bande passante d’un térabit par seconde, l’entreprise fait largement mieux que Dailymotion, par exemple. YouTube exploite une bande passante bien plus importante encore, mais le journal Les Échos fournit quelques points de comparaison qui mettent en perspective les moyens à la disposition de l’entreprise.
La chaîne M6 diffuse elle aussi des vidéos à la demande avec son service de replay, mais elle n’utiliserait qu’à peine 50 gigabits par seconde de bande passante. Plus impressionnant encore, les fournisseurs d’accès à internet n’atteignent pas une telle quantité de données : Numericable occuperait entre 200 et 300 gigabits par secondes, mais c’est un petit acteur. SFR avec son offre de fibre bien développée devrait peser plus sur la toile française ? Le FAI ne représenterait pourtant que 700 gigabits par seconde…
Netflix compte manifestement sur la très grande popularité de son offre : une telle bande passante coûte sans doute très cher et on imagine que l’entreprise espère bien la rentabiliser au plus vite. Aux États-Unis, le service est si populaire que certains soirs, il exploiterait plus du tiers de la bande passante totale dans le pays. L’acteur est devenu si gros que tous les fournisseurs d’accès locaux veulent désormais le mettre à contribution pour payer les factures.
Voilà qui rappelle une situation bien connue de ce côté de l’Hexagone avec YouTube et nos FAI, Free en tête. Est-ce que l’on aura le même problème avec Netflix ? Si le service connaît un succès similaire à celui des États-Unis, c’est probable… En attendant, l’entreprise permet à tous les fournisseurs d’accès de se connecter directement à son réseau pour offrir les meilleurs débits possible à leurs abonnés. À condition, naturellement, que le réseau des FAI soit capable de suivre la cadence.
[MàJ 21/07/2014 10h50] : dans une interview accordée au Figaro, Aurélie Filippetti s’est exprimée sur la fameuse chronologie des médias qui pourrait bloquer Netflix. Rappelons qu’à l’heure actuelle, le service devrait attendre 36 mois après la sortie d’un film dans les salles pour l’ajouter à son offre, qui perd ainsi de son intérêt.
La ministre de la Culture souhaite modifier ce calendrier, mais l’objectif avancé n’est guère meilleur. Aurélie Filippetti voudrait ainsi réduire le délai de 36 à 24 mois. C’est bien, mais ce n’est pas suffisant : les films sortent en DVD et Blu ray quelques mois après leur sortie en salle, et ils sont alors disponibles illégalement dans la meilleure qualité possible. Un an après, Canal+ les propose à ses abonnés, deux ans après ce sont les autres chaînes gratuites qui peuvent le diffuser.
Même si le cadre légal changeait ainsi, Netflix resterait largement désavantagé pour proposer des films récents. Ajoutons que la ministre souhaite réduire ce délai, uniquement pour « les services qui participent au financement et à l’exposition des œuvres françaises et européennes ». Le service de streaming participera-t-il suffisamment au financement de films ou séries européennes ? On sait qu’une série française est prévue, reste maintenant à savoir si ce sera suffisant.