Sortie hier, la version mobile de Spotify [0.3.19 – US – Gratuit (abonnement Premium obligatoire)] fait sensation en apportant aux iPhone et iPod touch un modèle économique original et concurrent de celui d'Apple. Plutôt que de vous permettre d'écouter votre propre musique, Spotify met à votre disposition des millions de titres prêts à être écoutés contre une somme modique, à peine un album par mois.
Sur le papier, Spotify est une offre révolutionnaire, presque magique. Mais que vaut-elle en conditions réelles ? Nous avons essayé l'application pendant une journée pour savoir si écouter de la musique sur un iPhone 3GS avec Spotify est vraiment envisageable.
Avant de commencer, rappelons qu'un abonnement premium est indispensable pour utiliser la version mobile de Spotify. Cet abonnement coûte 9,99 € par mois, mais vous pouvez payer un an d'avance contre 119,88 €. Outre la possibilité d'utiliser une application mobile, les comptes premium offrent une meilleure qualité sonore sur ordinateur et suppriment toute publicité des clients.
Avantages et inconvénients du streaming
L'avantage évident du streaming est bien sûr que vous avez sur votre terminal plus de musique que vous ne pourriez raisonnablement espérer stocker. Le nombre de morceaux est en constante augmentation, si bien que l'on ne sait pas exactement combien de titres sont accessibles, mais on approche les quatre millions. Ni iTunes, ni un iPod ne sauraient gérer une telle quantité d'informations. Grâce à Spotify, vous pourrez écouter instantanément toute la musique que vous voulez, où que vous soyez, dès que l'envie vous en prend.
Le catalogue de Spotify n'est, certes, pas complet. Certains artistes, comme -M- ou Peter Gabriel, en sont totalement absents, tandis que d'autres ne sont présents que par une partie seulement de la discographie (ainsi, on ne trouve que le dernier album de Calexico). Globalement, les albums récents et populaires sont tous présents : on trouve ainsi sans problème le top 10 d'iTunes. Les choses se corsent si vous aimez des genres moins connus et/ou de la musique plus ancienne. Le classique est, comme toujours, un genre assez mal représenté, comme en témoigne cette recherche sur Bach. On notera au passage que les tags ne sont pas toujours bien renseignés, et qu'en fouillant un peu, on peut trouver autre chose que des best of.
Les iPhone sont des terminaux connectés en permanence et donc bien adaptés au streaming de contenu. Du moins, en théorie : les coupures de réseau sont courantes et si elles ne sont pas gênantes si vous chargez une page web, elles deviennent problématiques avec le streaming. Spotify essaie de gérer les coupures en prenant un peu d'avance sur vous. Et en effet, cela fonctionne assez bien, à condition que la coupure reste très courte puisqu'il y a une poignée de secondes d'avance (calcul non scientifique).
Alors que le réseau n'est plus disponible, la lecture continue quelques secondes.
En conditions réelles, cela fonctionne finalement assez mal. Nous n'excluons pas des problèmes exceptionnels liés au lancement du service et sans doute à une pression très forte sur les serveurs. Néanmoins, lors de nos essais, la lecture était instable en marchant dans le cœur de Paris (entre le premier et le neuvième arrondissement) et totalement inutile dans les transports en commun souterrains (coupure totale entre Denfert-Rochereaux et Châtelet sur la ligne B du RER). À pied, nous avons constaté des micro-coupures très courantes, un peu comme si le disque sautait. Nous supposons qu'il s'agissait de petites coupures du réseau liées aux immeubles alentour.
Heureusement, les développeurs de Spotify ont eu l'excellente idée d'autoriser les utilisateurs à télécharger sur le terminal des listes de lecture. Le téléchargement ne peut se faire qu'en Wifi, et prendra un peu de temps, en gros autant que le téléchargement iTunes sur le terminal. Une fois stockés, les titres sont accessibles même sans connexion.
L'application nécessite néanmoins que l'on se connecte à Internet au moins une fois par mois. Une limitation que l'on imagine plus légale que technique. Apparemment, il n'y a pas de limites au nombre de titres stockés, si ce n'est bien sûr la place restante sur votre iPhone ou iPod touch.
Streaming oblige, vous devrez veiller de près à l'état de la batterie tant la consommation est importante. Notre premier essai a duré une petite heure, dont au moins un quart d'heure sans musique faute de réseau, et exclusivement en streaming. Au bout de cette heure, notre iPhone 3GS n'affichait plus que 85 % d'autonomie restante (Wifi désactivé, mais Push actif). Autant dire qu'il vaut mieux s'en tenir aux titres stockés en local pour les longues sessions d'écoute.
[ pagebreak ]Interface et qualité audio
L'interface ne surprendra pas outre-mesure les habitués de l'iPhone. On retrouve les habituelles listes, et même l'interface de lecture proprement dite reprend celle de l'iPhone, avec néanmoins quelques adaptations. Ainsi, tapoter sur la pochette apporte des informations supplémentaires sur le titre, et permet aussi de régler le volume ou activer le mode aléatoire ou la répétion. Le volume est assez inutile à vrai dire, et mieux vaut utiliser le volume général du terminal, ce qui posera problème aux utilisateurs d'iPod touch de première génération.
L'interface n'est pas parfaite encore. Ainsi, quand on veut ajouter les résultats d'une recherche à une nouvelle liste de lecture, il faut préalablement avoir créé cette liste. La gestion des listes nous a paru encore perfectible : il faut beaucoup de tapotements pour changer l'ordre des titres, on ne peut pas renommer une liste et il faut tapoter sur Edit pour pouvoir ajouter une liste.
La navigation est fluide, à condition d'avoir une connexion rapide. Le téléchargement de playlists en local est une opération gourmande en bande passante qui ralentit l'application. L'écoute se faisant en streaming, il y a forcément un temps de latence entre le tapotement d'une chanson et le début de sa lecture. Celui-ci varie en fonction de la connexion. En Wifi comme en 3G, il est très réduit, de l'ordre d'une à deux secondes, alors qu'en EDGE, il est plus long. Si l'on perd le confort de l'iPod et de Spotify desktop, ce temps de latence n'est pas non plus désagréable.
La qualité sonore est tout à fait correcte et devrait satisfaire l'énorme majorité des utilisateurs. On ne sait pas comment les morceaux sont encodés, sans doute au même niveau que la version gratuite de Spotify. Le résultat est en tout cas très satisfaisant dans le cadre d'une utilisation mobile. Même au calme et avec un bon casque, les différences avec les morceaux stockés dans iTunes et enregistrés en AAC 256 kbps sont difficiles à entendre.
La lecture de musique est néanmoins moins agréable avec Spotify. Les titres gapless, c'est-à-dire sans interruption entre deux morceaux, ne sont pas lus correctement. Si cela peut éventuellement se comprendre en streaming, il est dommage que la lecture gapless ne soit pas respectée une fois les morceaux stockés sur le terminal, surtout si vous écoutez beaucoup de concerts.
Mais le plus pénalisant reste la moindre intégration de Spotify. Le fait que ça ne soit qu'une application lambda a deux conséquences négatives : d'une part, vous ne pouvez pas fermer Spotify et continuer à écouter de la musique. Surfer, lire les dernières nouvelles ou l'intégrale de Proust, répondre à un mail en écoutant de la musique, voilà autant de choses qu'il est impossible de faire. Reconnaissons néanmoins que les développeurs ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour limiter les désagréments : la lecture reprend automatiquement à la lecture, à condition qu'il s'agisse d'une playlist et non seulement des résultats d'une recherche.
D'autre part, les outils habituels pour gérer la musique ne sont plus présents : vous ne pouvez ainsi pas régler la lecture avec un double-clic sur le bouton home, et encore moins avec la télécommande intégrée aux écouteurs des iPhone. Autre problème lié : si vous retirez les écouteurs, vous n'arrêterez pas la lecture, mais celle-ci basculera sur le haut-parleur. En conditions réelles, c'est souvent pénible.
Par rapport à la gestion de la musique par iTunes, il manque aussi les listes de lecture intelligentes, le système de notation ou encore la gestion par genres. Par contre, les listes créées sur Spotify mobile sont instantanément synchronisées avec Spotify desktop et vice-versa, là où l'iPod nécessite une synchronisation filaire.
[ pagebreak ]Spotify peut-il remplacer iPod ?
Utiliser exclusivement Spotify sur un iPhone ou iPod touch semble finalement difficile, à moins de n'écouter que très peu de musique, mais c'est alors l'abonnement demandé qui serait exagéré. Si vous écoutez beaucoup de musique, Spotify peut effectivement vous permettre de faire de belles économies, mais c'est alors au prix du confort. Le confort de l'application native iPod qui fonctionne même fermée, qui est accessible à tout moment aisément, qui affiche la pochette du titre joué sur l'écran d'accueil...
Le plus gênant reste la mauvaise connexion, même dans des conditions supposées excellentes. Que la lecture coupe de temps en temps dans un TGV à pleine vitesse, ce serait assez normal. Mais à pied, dans une grande ville, voilà qui est plus gênant. Néanmoins, attendons de savoir s'il s'agissait de cafouillages de lancement, ou d'un réel problème.
Spotify mobile a été amputé de quelques fonctions de la version desktop qui pourraient pourtant renforcer son intérêt. Ainsi, on ne peut pas créer de radios personnalisées et tout le volet social du service est absent. Il n'est pas possible de partager par Facebook ou Twitter ce que l'on écoute, pas plus que de partager une playlist créée sur le terminal. Autre absent, Last-fm qui aurait pourtant été un plus pour ceux qui utilisent ce réseau musical.
Après avoir testé Spotify pendant une journée, on comprend mieux pourquoi Apple a accepté cette application. Les deux entreprises ne sont concurrentes que sur le papier, dans les faits Apple limite considérablement l'intérêt de Spotify et neutralise ainsi la concurrence. L'idée est pourtant bonne et on se met à espérer qu'Apple proposera une offre similaire. Mercredi peut-être ?