Depuis l'annonce de l'ouverture de l'iPhone avec le DMA, certains attendent impatiemment la possibilité de lancer des émulateurs facilement sous iOS. Mais plus l'échéance approche, plus cette possibilité devient illusoire. Si nous avons déjà parlé des limites d'iOS qui rendent certains émulateurs inexploitables en l'état, comme Dolphin1, un autre problème est au cœur de l'actualité : Nintendo attaque Yuzu, un émulateur de Nintendo Switch.
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Yuzu, donc, est un émulateur de Nintendo Switch, une console encore en vente et qui rapporte toujours des millions à Nintendo. S'il est développé pour Windows, GNU/Linux et Android, il existe déjà un portage pour iOS, que certains imaginaient bien arriver dans les stores alternatifs européens. Mais Nintendo a donc attaqué récemment les développeurs de cet émulateur, comme rapporté par Stephen Totilo sur X.
Les émulateurs sont légaux
Soyons clairs sur un point dès le départ : un émulateur est légal tant qu'il n'utilise pas du code protégé. Typiquement, vous pouvez développer un émulateur de PlayStation, mais pas fournir le BIOS de la console, qui lui permet de démarrer. De même, vous avez le droit d'effectuer une copie de sauvegarde de vos propres jeux, mais pas de télécharger une ROM, même si vous possédez le jeu en question.
Dans le cas de Yuzu, Nintendo attaque les développeurs pour une incitation au piratage, en profitant d'une sorte de faille. Yuzu lui-même n'est pas illégal, mais pour lancer des jeux Nintendo Switch, vous devez faire une copie de vos jeux et donc pirater votre console. Qui plus est, vous avez aussi besoin d'une console pour récupérer les clés de chiffrement et le BIOS. Et c'est sur ce point que Nintendo attaque : la société argue que les instructions pour récupérer les clés et copier les jeux sont une incitation au piratage à grande échelle. Et si Nintendo arrive à prouver que Yuzu a été pensé essentiellement pour pirater des jeux Switch, l'émulateur pourrait aussi avoir des problèmes avec le DMCA américain. En effet, une des sections de cette loi vise spécifiquement les solutions pensées pour contourner les protections contre la copie.
C'est un cas spécifique à Yuzu et aux consoles « modernes », qui n'est par ailleurs pas applicable aux anciennes plateformes pour une raison simple : les données ne sont pas chiffrées. Nintendo (ou d'autres) ne pourraient par exemple pas passer par cette voie pour tenter d'interdire un émulateur de NES, car il n'y a pas de protection contre la copie2. Dans tous les cas, comme l'explique The Verge, Nintendo pourrait parfaitement gagner dans le cas présent.
Enfin, les demandes de Nintendo signeraient probablement en partie la fin de Yuzu : la société veut récupérer les URL liées à l'émulateur, tous les comptes sur les médias sociaux, la destruction des disques durs contenant le code de Yuzu — qui est open source — et bien évidemment des dommages et intérêts. La société indique par exemple avoir perdu beaucoup d'argent avec la mise à disposition de The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom avant la sortie officielle (il aurait été téléchargé plus d'un million de fois) et notant que le financement participatif des développeurs de Yuzu avait doublé au même moment, ce qui est un lien évident d'incitation au piratage pour Nintendo.
Dans tous les cas, ce genre d'attaque de la part de Nintendo risque évidemment de refroidir ceux qui comptaient développer des émulateurs de consoles, et surtout de ralentir l'arrivée des émulateurs en question dans des magasins en ligne, que ce soit chez Apple avec le DMA en Europe ou même sur Steam, comme récemment avec Dolphin.
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