Des employés de ByteDance, la société mère de TikTok, se sont servis des données récoltées par l'entreprise pour pister des journalistes américains. Plusieurs mémos obtenus par le New York Times montrent que des données ont été utilisées par des employés peu scrupuleux dans le cadre d'une enquête interne, le but étant de découvrir qui étaient les responsables de fuites dans la presse. Cette affaire éclate alors que TikTok est dans la tempête : certains responsables de l'administration Biden font pression pour que les activités américaines de l'entreprise chinoise soient vendues afin de limiter les dérives.
Cet été, plusieurs salariés de ByteDance ont été chargés de trouver les employés de l'entreprise un peu trop bavards. Pour cela, ils ont décidé d'analyser les informations de localisations de journalistes spécialisés sur TikTok afin de voir s'ils étaient en contact avec des employés. Ils ont eu accès aux adresses IP et à d'autres données de deux journalistes, ainsi que celles d'un petit nombre de personnes en lien avec elles via leurs comptes TikTok.
L'entreprise a confirmé que le but de la manœuvre était de déterminer si ces personnes se trouvaient à proximité des employés de ByteDance. Elle a ajouté que les efforts déployés n'ont pas permis de confirmer l’origine des fuites.
Les quatre employés impliqués dans l'affaire ont été licenciés. Deux d'entre eux travaillaient en Chine, et les deux autres aux États-Unis. Le responsable juridique de ByteDance, Erich Andersen, a révélé les conclusions de l'enquête dans un courriel adressé aux employés jeudi. Selon l'entreprise, les deux journalistes visés sont Cristina Criddle du Financial Times et Emily Baker-White de Forbes. Cette dernière publication affirme que deux autres de ses reporters ont été visés, ce que dément ByteDance.
Le directeur général de l'entreprise, Rubo Liang s'est dit profondément déçu dans un mail envoyé aux employés. « La confiance du public, que nous avons consacré d'énormes efforts à construire, va être considérablement minée par la mauvaise conduite de quelques individus ».
Ces pratiques ne sont pas nouvelles : au mois d'octobre, Emily Baker-White publiait une enquête montrant que ByteDance pouvait suivre l'emplacement de certaines personnes spécifiques. Sur un autre registre, elle publiait cet été un article affirmant que l'entreprise avait utilisé une autre de ses applications (un agrégateur d'informations aujourd'hui disparu appelé TopBuzz) pour diffuser des messages prochinois aux utilisateurs américains et censurer les critiques à l'encontre du gouvernement chinois.
Ce nouveau scandale ne va pas aider TikTok à redorer son blason aux États-Unis. De nombreux responsables estiment que l'application est trop proche de sa maison mère en Chine et qu'elle pourrait divulguer des données sensibles au Parti communiste. Le Congrès va prochainement voter une loi visant à interdire l’app sur tous les appareils délivrés par le gouvernement fédéral. En 2020, Donald Trump mettait déjà la pression sur l'application en demandant son bannissement, ce qui avait été finalement évité.