Les développeurs n'ont pas d'autre choix que de se prêter, de plus ou moins bonne grâce, au processus d'examen de l'App Store. Une procédure réalisée par des humains qui interprètent la forêt touffue des directives édictées par Apple. Les exemples abondent de rejets basés sur une mauvaise lecture d'une guideline, voire sur un caprice.
Le problème avait été soulevé durant le procès ayant opposé Epic à Apple, mais on peut aussi remonter aux origines de la boutique pour s'apercevoir que le constructeur a toujours pataugé pour valider les apps de manière juste et équitable.
Les souvenirs du premier chef de la validation des apps sur l'App Store
Les origines, c'est aussi ce dont il est question dans le billet de cet ingénieur iOS, baptisé Sreegs, qui travaillait sur l'application Tumblr au moment où Apple l'a supprimée de l'App Store. Petit rappel des faits : l'app du réseau social a été virée de la boutique fin 2018, suite à la découverte par Apple d'images pédophiles.
Après avoir fait le ménage, Tumblr est revenu dans les bonnes grâces du constructeur, non sans avoir fait une croix sur les images pornographiques qui constituaient, à l'époque, le contenu de prédilection du réseau social. Ce qui n'a pas manqué de faire plonger Tumblr dans les tréfonds.
Steve Jobs avait dès le départ posé la règle : pas de pornographie dans l'App Store. « Les gens qui veulent du porno peuvent acheter un téléphone Android » avait ainsi doctement expliqué le patron d'Apple en 2010, dans sa réponse à un utilisateur qui lui demandait des explications (déjà) sur la validation des applications.
Jobs : « si vous voulez du porno, prenez un Android »
Des critères de signalement variables
Dans son billet, Sreegs livre en substance deux objections. Bien sûr, pas question de transiger sur la pédopornographie, Apple a agi comme il fallait au moment de la découverte de ces images. Le problème est de déterminer ce qu'est de la pornographie entre adultes consentants, et chacun en a sa propre définition. Lorsqu'un examinateur tombe sur des images salées (en utilisant le moteur de recherche de l'app, généralement), il rejette la mise à jour soumise par Tumblr avec une recommandation : il faut supprimer le contenu en question, puis soumettre l'application de nouveau.
Mais l'ingénieur donne en exemple la raison d'un des rejets essuyés par Tumblr : l'employé de l'App Store avait signalé la photo d'une femme en bikini. Il n'y avait rien de porno dans ce cliché, le sujet ne posait pas non plus de manière indécente ou quoi. Tumblr a fait appel de cette décision, provoquant au passage un délai dans la validation de l'app.
Chaque examinateur a sa propre lecture des règles de conduite de l'App Store, et en fonction de sa sensibilité, il sera plus ou moins enclin au signalement. Il faut savoir que si le dossier de rejet d'une mise à jour est suivi par le même employé tout au long du processus, ce sera un nouvel examinateur qui se chargera de la validation de la prochaine mise à jour. Les compteurs sont donc remis à zéro, avec les mêmes allées et venues à reprendre à chaque fois en cas de signalement. Il n'y a pas de suivi sur le long terme qui permettrait de fluidifier le processus, du moins ce n'était pas le cas pour Tumblr.
L'autre objection, c'est le deux poids deux mesures de rigueur dans la boutique. Il est assez facile de trouver du contenu porno dans les apps Instagram ou Twitter (ou pire encore : dans les navigateurs web !), mais c'est Tumblr qui est passé au tamis rigoureux de l'App Store. Sreegs ne veut cependant pas jouer les complotistes, il estime en effet que la mauvaise fortune de l'application résulte de la mise en œuvre discordante de la politique de la boutique.
La censure frappe davantage les utilisateurs iOS
Et la censure exercée par Apple ne s'arrête pas là. Tumblr a expliqué il y a quelques jours qu'en accord avec les guidelines d'Apple, le réseau social a dû revoir la définition de ce qu'est un contenu sensible. Les résultats d'une recherche dans l'app iOS risquent de ne pas retourner autant de liens qu'auparavant. Il pourra aussi arriver que l'application affiche ce message :
Lorsqu'un blog est signalé comme ayant du contenu explicite, il sera impossible d'y accéder depuis l'app iOS 😑. Enfin, les recommandations de blogs et la rubrique « à suivre » du tableau de bord seront moins bien garnies. Tumblr censure en fait des tags compilés par cet utilisateur.
On trouve dans cette liste des mots en lien avec des pratiques sexuelles, de la drogue ou des maladies, mais aussi des mots a priori innocents comme « sad » (« triste »), « suicide prevention » ou encore « Alex Lightwood », un acteur de la série Shadowhunters qui n'a rien demandé à personne.
Tumblr comprend que pour certains utilisateurs, ces changements seront sources de frustration. À l'avenir, le réseau social promet que des améliorations vont être apportées pour permettre un accès plus facile au contenu sensible « en toute sécurité », peu importe le support (y compris sur iOS). Une expérience « moins restrictive » est aussi dans les tuyaux dans l'application iOS.
Ces changements ne concernent qu'iOS, pas le web ni Android.