Apple fait un pas timide mais significatif pour résoudre quelques uns des points de friction déplorés par certains développeurs. Afin d'éteindre une action de groupe menée par plusieurs d'entre eux, le constructeur met en place plusieurs compromis, avec un changement de taille : les développeurs vont enfin pouvoir communiquer avec leurs utilisateurs des possibilités d'achats en dehors de leurs applications.
Apple ne donne pas la liste des moyens de communication autorisés en dehors de l'e-mail (d'ailleurs, comment la Pomme peut-elle contrôler ce que les développeurs peuvent écrire dans des mails ?). Mais le communiqué de presse ne ferme visiblement pas la porte à d'autres possibilités. Un développeur aura-t-il la possibilité d'indiquer à ses utilisateurs, directement depuis une application, qu'ils peuvent se rendre sur une boutique en ligne pour acquérir par exemple un abonnement ?
Selon Bloomberg, ce sera niet, mais en attendant des précisions — qui apparaitront certainement dans les guidelines de l'App Store —, les utilisateurs devront consentir à recevoir cette communication. Et bien sûr, les achats réalisés en dehors d'une application ne feront l'objet d'aucune commission pour Apple.
Cette possibilité de communiquer en direct avec l'utilisateur pour l'informer que des alternatives existent pour acheter du contenu en dehors de l'App Store pourrait au passage enlever une grosse épine du pied à Apple. Dans le procès contre Epic, la juge avait effectivement indiqué que cela pourrait être un moyen honorable de mettre tout le monde d'accord. Il faudra voir la forme que cette communication pourra prendre, mais c'est en tout cas un appel d'air intéressant pour les développeurs.
Epic contre Apple : la juge pas convaincue par les explications de Tim Cook
Tandis que le communiqué d'Apple ne fait pas de distinction entre les développeurs américains d'une part et les développeurs de partout ailleurs d'autre part, celui du cabinet d'avocats en charge de l'action en justice indique que la possibilité de communiquer avec les utilisateurs ne concerne que les développeurs US. Ces derniers auront la possibilité d'exploiter les informations que leurs utilisateurs saisissent dans les applications pour leur envoyer des e-mails. Espérons quand même que cette largesse soit disponible pour le monde entier…
Apple va également étendre la grille tarifaire dans laquelle les développeurs peuvent piocher pour fixer les prix de leurs achats intégrés et de leurs abonnements. Elle passe de moins de 100 à plus 500 catégories (!).
Le constructeur va également publier un rapport annuel de transparence de l'App Store, avec des statistiques sur le processus d'examen des apps (dont le nombre de rejets), le nombre de clients et le nombre de comptes développeurs supprimés, des données sur les requêtes dans le moteur de recherche et ses résultats, entre autres.
Apple conservera la structure du programme App Store Small Business pendant au moins trois ans. Ce dernier permet aux développeurs de ne payer que 15% de commission dès lors que leur chiffre d'affaires est de moins d'un million de dollars par an.
À la demande des développeurs, Apple ne changera rien à l'algorithme du moteur de recherche de l'App Store pendant au moins les trois prochaines années, il va donc continuer de se baser sur des « caractéristiques objectives » comme les téléchargements, les notes, la pertinence du descriptif des apps et les habitudes de l'utilisateur. Dommage que la Pomme ne se soit pas plutôt engagée sur une refonte totale de cet outil qui fonctionne bien mal.
La possibilité de faire appel du rejet d'une application est elle aussi conservée (fort heureusement), et Apple va ajouter du contenu dans la section App Review de son site pour aider les développeurs à mieux comprendre comment le processus fonctionne. Ce dernier est en effet particulièrement opaque.
Enfin, Apple va créer le Small Developer Assistance Fund pour « aider » les petits développeurs américains qui ont gagné moins d'un million de dollars par an sur l'App Store US entre le 4 juin 2015 et le 26 avril 2021. Ils recevront une somme comprise entre 250 $ et 30 000 $ en fonction de l'engagement du développeur dans l'écosystème de l'App Store. Cela devrait représenter une centaine de millions de dollars en tout. Des détails supplémentaires seront donnés ultérieurement.
Cette dernière initiative a été pensée spécifiquement pour satisfaire les plaignants de la class action. Apple tente ici de maquiller la triste réalité en parlant de « fonds » et de « soutien » aux développeurs, mais dans les faits l'entreprise n'aura pas d'autre choix que de donner cet argent pour éteindre l'action en justice.
En dehors de la possibilité de communiquer en direct avec les utilisateurs, ces changements demeurent relativement peu contraignants pour Apple. Mais cette annonce nocturne, ainsi que le nouveau programme News Partner, montre qu'Apple est prête à faire des gestes pour répondre à la colère de bien des développeurs. Mais cela suffira-t-il pour les régulateurs et dans le cadre des autres actions en justice ?
La fronde des développeurs contre les pratiques d'Apple
Toutes ces mesures doivent encore être validées par la juge en charge de la class action. Ça tombe bien, c'est Yvonne Gonzalez Rogers, la même qui a supervisé les débats pendant le procès entre Epic et Apple, et dont on attend le jugement dans les prochaines semaines…