Mises en place pour limiter l'épidémie de coronavirus, les applications de traçage des contacts peinent à démontrer leur efficacité. C'est la conclusion d'une enquête menée par le journal Le Monde en collaboration avec trois médias européens sur les applications de traçage du Vieux Continent (à l'exception de celle de l'Angleterre et du Pays de Galles).
Le principal problème est le manque d'informations entourant toutes ces applications, que ce soit celles collectées comme celles diffusées. Les seules données publiées par l'ensemble des pays étudiés sont le nombre de téléchargements (90 millions au total) et le nombre de tests positifs signalés (1,1 million). En revanche, on ne connait pas le nombre total d'activations (un téléchargement n'équivaut pas toujours à une activation), le nombre de personnes ayant suivi les recommandations des applications ou encore le nombre de personnes testées positives après avoir reçu une notification. Autant de variables qui permettraient d'établir plus précisément l'efficacité de TousAntiCovid et de ses équivalents dans les autres pays.
Des données limitées
Le débat lié à la sécurité des données personnelles ainsi que l'urgence sanitaire ont joué en la défaveur des possibilités de mesurer l'efficacité des applications, explique Simon Cauchemez, modélisateur à l’Institut Pasteur, qui a conseillé l’exécutif sur le sujet : « On s’est orienté vers une réponse très sûre mais avec très peu de recueils de données, ce qui fait qu’ensuite, il devient plus compliqué d’évaluer et de bien calibrer l’outil. » Aymeril Hoang, membre du conseil scientifique et ex-directeur de cabinet de l’ancien secrétaire d’État chargé du numérique, estime aujourd'hui que « StopCovid [est] une application aveugle, peut-être la plus aveugle qui ait jamais existé. »
En France, l'application s'est enrichie depuis sa sortie de nouvelles fonctions qui ont fait augmenter son nombre de téléchargements. Ce phénomène fausse les données diffusées : certains utilisateurs de TousAntiCovid pourront très bien ne jamais utiliser la fonction de traçage de contacts et seulement s'en servir pour lire les chiffres quotidiens.
Vers une amélioration ?
L'enquête du Monde ignore les deux seuls pays où des estimations sur l'efficacité du dispositif ont pu être faites, l'Angleterre et le Pays de Galles, où des chercheurs ont eu accès aux données d'utilisations tirées de l'application. Dans leur étude publiée dans la revue Nature, ils estiment que 284 000 cas ont été évités entre fin septembre et fin décembre 2020, et que 4 200 à 8 700 vies ont ainsi pu être sauvées. Dans d'autres pays européens, des techniques sont utilisées pour contourner l'absence de données, comme des questionnaires ou des études sur des groupes d'utilisateurs. En France, ce n'est pour le moment pas le cas. La direction générale de la santé a cependant indiqué au journal vouloir intégrer ces données d'utilisation « à la suite de différentes demandes sur l'efficacité de l'impact » de TousAntiCovid afin de pouvoir améliorer son dispositif.
Source : Le Monde