Dans une interview donnée il y a quelques jours, Will Cathcart, le patron de WhatsApp, a expliqué en quoi il existe un déséquilibre entre la présentation de son app et celle qu'Apple fait de Messages. Il a abordé également le cas particulier des États-Unis où WhatsApp n'a pas accroché autant que dans le reste du monde.
Ses propos ont été tenus dans l'émission Big Technology Podcast, la transcription en a été publiée quelques jours après. D'abord Will Cathcart évoque l'arrivée des étiquettes de confidentialité sur l'App Store, qui décrivent si les apps font quelque chose avec les données des utilisateurs, et dans quels domaines. Pas de reproche sur le principe mais il s'étonne de voir Messages traité différemment de ses concurrents :
Vous ne voyez pas d'étiquette pour iMessage lorsque vous le téléchargez, parce que vous ne le téléchargez pas, il est de base sur votre téléphone. C'est une critique qu'on a faite.
Il est effectivement impossible de télécharger Messages puisqu'il fait partie des ces apps d'Apple qui, en plus d'être préinstallées, ne peuvent pas être supprimées, contrairement à d'autres. Et puisqu'il n'y a pas Messages sur l'App Store, il n'y a pas non plus d'étiquette de confidentialité visible aisément.
C'est l'autre critique de Will Cathcart, qu'il étaye en faisant remarquer que WhatsApp est tenu d'afficher qu'il utilise des données financières car une option existe en Inde pour effectuer des transactions, mais la réciproque n'est pas vraie chez Apple avec la fonction Apple Cash offerte aux États-Unis dans Messages :
Apple dispose de fonctions de paiements et vous pouvez envoyer de l'argent à un ami au travers d'iMessage. Notre étiquette dit que nous avons des informations de paiement, alors qu'iMessage non, quelle est la différence ? Pourquoi notre étiquette l'affiche et pas la leur ?
L'interview a été menée avant qu'Apple ne publie, comme elle l'avait promis, une page récapitulative des étiquettes de confidentialité de toutes ses apps. Il faut donc connaître cette page (elle est sur le site américain uniquement à ce jour) et y aller pour en apprendre plus sur Messages.
Rien n'est dit effectivement sur les opérations financières permises par son entremise. Peut-être pour de bonnes raisons, dans le sens où Apple ne pourra pas par exemple identifier les deux parties prenantes d'un transfert d'argent. Il faut savoir que le service Apple Cash est fourni à Apple par un tiers financier, Green Dot Bank, mais vu de l'utilisateur, cette fonction s'apparente à un service d'Apple par Apple.
Plus loin dans l'entretien, Cathcart réitère que les changements à venir le 15 mai, dans la politique d'utilisation de WhatsApp, ne concerneront que les utilisations de l'app avec des entreprises qui s'en servent pour vendre des produits ou assurer une assistance avec leurs clients.
Et plus encore pour les utilisateurs qui utilisent Facebook conjointement avec WhatsApp. Les pubs sur Facebook pourront renvoyer la personne vers WhatsApp (ou Instagram) plutôt que vers un site web. Will Cathcart y voit une simplicité pour le vendeur et son client « Cela peut être difficile de charger un site web sur un téléphone bas de gamme, et beaucoup de petites entreprises n'ont pas de site ».
À un moment, parlant des fonctions d'appels audio et vidéo de WhatsApp, Will Cathcart révèle que 25 % des appels vidéos sont réalisés sur des réseaux où la qualité de connexion est moins bonne que ce qu'on peut avoir avec un modem sur une ligne téléphonique « et pourtant ça marche ». La preuve selon lui que WhatsApp est aussi conçu pour être robuste et fiable en toutes circonstances.
Avec deux milliards d'utilisateurs, WhatsApp est clairement présent dans des pays où les conditions de connexion sont infiniment moins bonnes qu'ailleurs et où l'e-commerce prend des formes différentes. Mais c'est aussi, plus généralement, un moyen de garder l'utilisateur au sein des plateformes de Facebook, plutôt qu'il aille vaquer sur le web…
À plusieurs reprises également, Cathcart insiste sur la volonté de la plateforme de défendre la notion de vie privée. Il y a un forcing en Inde actuellement pour que WhatsApp puisse tracer l'origine d'un message relayé sur sa plateforme et le Brésil, autre pays où l'app est très populaire, a également fait pression sur le verrou que représente le chiffrement.
Après quelques propos sur Signal (« J'ai énormément de respect pour Signal. Nous utilisons leur protocole de chiffrement de bout en bout ») L'interview aborde le cas particulier des États-Unis où WhatsApp n'est pas aussi populaire que dans le reste du monde. Will Cathcart ne donne pas de chiffres mais il confirme cet état de fait qu'il attribue, pour une large part, à la popularité de l'iPhone outre-Atlantique.
WhatsApp est sorti en 2009, peu après l'ouverture de l'App Store et de la possibilité pour les apps de messagerie de notifier leurs utilisateurs de nouveaux messages. L'iPhone et Messages, avaient donc pu commencer à s'installer depuis deux ans. Et la place écrasante prise par l'iPhone sur le marché américain du smartphone n'a pu que renforcer cette position.
Ensuite, explique Cathcart, la gratuité de WhatsApp, qui a été un élément déterminant dans certains pays où le moindre envoi de SMS était facturé, n'a pas eu le même attrait chez les Américains où les connexions à Internet sont pourtant onéreuses :
Aux États-Unis, la plupart des gens payaient 5 $ par mois ou 10 $ par mois pour un forfait de SMS illimités, ce qui représente beaucoup d'argent par rapport à la gratuité. Mais au moins, une fois que vous aviez payé, vous n'y pensiez plus à chaque fois que vous deviez envoyer des messages.
Dès lors, ce qui était un atout pour WhatsApp dans plusieurs marchés, n'était pas un si grand avantage pour des utilisateurs américains, nombreux sur iPhone et bien installés entre les murs de Messages. Restent toutefois les gens qui ont des relations sur Android, et là Messages ne peut toujours rien faire…
Source : 9to5mac