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StopCovid : Cédric O ne regrette (presque) rien

Mickaël Bazoge

lundi 07 septembre 2020 à 22:30 • 240

App Store

Crédit : Tamaya20, CC BY-SA 4.0,

Avec ses 2,3 millions de téléchargements, StopCovid n'a pas été la réussite espérée par le gouvernement. Au relevé du 25 août, l'application de suivi des contacts comptait 1 514 personnes ayant signalé un diagnostic positif, et 93 notifications de contacts à risque.

Un « crash industriel » selon des membres de l'opposition, que Cédric O, le secrétaire d'État au Numérique, ne regrette pas. « Est-ce que je regrette de l'avoir fait ? Non. Je pense que si nous ne l'avions pas fait, tout le monde nous en aurait fait le reproche », assume-t-il, bravache, au micro de France Culture.

Le lancement d'iOS 13.7, avec la fonction Exposure Notification Express qui facilite le travail des autorités sanitaires, ne sera pas plus l'occasion pour Cédric O — qui a porté le projet à bout de bras — de revoir sa copie. « Est-ce qu'il fallait le faire ? Oui. Est-ce qu'il fallait le faire de la manière dont on l'a faite, c'est à dire indépendamment d'Apple et de Google ? Je le crois profondément », explique le secrétaire d'État.

D'ailleurs, je trouve complètement fou que personne ne trouve rien à redire aujourd'hui qu'Apple et Google généralisent (en dehors de la France) leur système de traçage des contacts à tous les pays. Nous ne savons rien de ce qui se passe dans les couches sous-jacentes.

Cette « boîte noire » décrite par Cédric O n'existe pourtant pas. Apple et Google ont livré une documentation complète dès le départ, et puis n'importe qui peut jeter un œil sur le code l'API Exposure Notification, disponible en open-source… Certes, il faut reconnaitre que l'attente a été longue, le code n'étant réellement disponible que depuis le 23 juillet.

Cédric O en convient : « On peut faire plein de reproches [à StopCovid], mais vous avez la Cnil et vous avez le comité spécial qui ont ouvert le capot et qui peuvent dire si c'est bien ou pas bien. On peut trouver tous les défauts du monde à StopCovid, mais le fait qu'Apple et Google aient imposé leur solution sur un sujet sanitaire à l'ensemble des pays — sauf la France — je pense que ça mérite qu'on le dise ». Sur le plan de la souveraineté numérique de la France, le secrétaire d'État reconduit dans ces fonctions sous le gouvernement de Jean Castex, ne varie donc pas d'un iota.

Il y a bien une chose que Cédric O regrette : « Est-ce que ça marche ? Techniquement, il n'y a pas de problème. Est-ce que les Français l'ont suffisamment adopté ? Insuffisamment » reconnait-il. « Peut-être que nous aurions dû être plus pédagogue, qu'on leur dise que quand on ferme le smartphone l'application continue de fonctionner. Peut-être que nous aurions dû accentuer la communication, car ce qu'on voit dans les études c'est que les gens ne comprennent pas très bien à quoi ça sert ». En d'autres termes, l'insuccès de StopCovid est donc dû… aux gens. Pas sûr que cette défense tienne le choc très longtemps face aux contempteurs de l'application.

Mais il le martèle : « Je ne regrette pas de l'avoir fait indépendamment d'Apple et de Google ». Mais « est-ce que la situation actuelle me satisfait ? Non plus ». Cédric O soulève un point intéressant : le fait que StopCovid ait été un échec — il le reconnait à demi-mots — ne doit pas, selon lui, être un « contre-exemple pour d'autres solutions technologiques dans des situations sanitaires. On aurait tort de se servir de ces outils. Les difficultés de StopCovid ne doivent pas nous empêcher de continuer à innover ». Sous entendu : la France devrait rester maître de ses solutions technologiques.

La taxe GAFA refilée aux consommateurs

Dans cette même interview au long cours, le secrétaire d'État est revenu sur la taxe sur les services numériques, et sur le fait que les premiers concernés, en l'occurrence Apple, Google et Amazon, aient refilé la facture aux développeurs, aux annonceurs, ou vendeurs tiers. Cédric O défend le principe d'une taxation sur les géants du numérique : c'est une question « légitime », il ne faut « pas reculer », et « il est normal d'augmenter la taxation globale des géants du numérique ».

Le nœud central du problème, c'est la position oligopolistique de ces grandes entreprises : « Ces sociétés ont la capacité de répercuter une partie des taxes sur les consommateurs ou sur les entreprises avec lesquelles elles sont en affaires (…) Si en face d'elles, il y avait de la concurrence qui avait décidé de ne pas répercuter cette taxe, elles ne le feraient pas ». Sur le marché du smartphone, il prend l'exemple du Play Store et de l'App Store : il n'y a pas d'autres options.

« Donc vous êtes enfermé dans cette situation de fermeture des marchés. Le vrai sujet des GAFA, ce sont les questions qui sont actuellement sur la table au niveau européen sur leur régulation », explique-t-il. Mais alors, est-ce qu'il revient à la puissance publique de réguler ces acteurs privés ? Il n'y a aucun doute pour Cédric O.

Le gouvernement pense qu'Apple, Google, Facebook et Amazon sont devenus des infrastructures essentielles, et en tant que telles, elles sont incontournables. C'est donc qu'elles doivent être régulées par la puissance publique. On ne peut pas laisser toute une partie de notre infrastructure entre les mains d'acteurs privés.

Les règles de la concurrence ne sont plus adaptées et elles nécessitent « une mise à jour », explique-t-il. Et puisque « les amendes ne suffisent plus », cela doit passer par une régulation au niveau européen.

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