Trois semaines après le lancement de StopCovid, Cédric O, entouré de plusieurs membres de l'équipe-projet, a fait un premier point d'étape sur l'application. L'occasion de préciser les chiffres d'utilisation et de défendre une application très critiquée.
1,8 million d'activations
Depuis ses débuts, l'application française de traçage des contacts a été téléchargée 1,9 million de fois sur iOS et Android… et désinstallée 460 000 fois.
Plus essentiel, le nombre d'activations. Après avoir téléchargé l'application, encore faut-il l'activer en effet. Sur ce point, StopCovid a été activée très exactement 1 816 048 fois et il y a eu 23 953 désactivations.
D'après le graphique fourni par le gouvernement, on voit que le nombre d'activations ralentit. Pire, alors que le taux d'adoption est crucial pour que l'application soit efficace, le secrétaire d'État au numérique a indiqué que les désinstallations augmentent depuis peu : elles se comptent par plusieurs dizaines de milliers chaque jour. Cédric O explique ce phénomène par une crainte générale du coronavirus qui diminue. Cela étant, il assure que le solde d'activations reste globalement positif, même si certains jours les désinstallations sont plus nombreuses que les installations.
Les chiffres de téléchargements de StopCovid font aussi peine à voir comparés à ceux de son équivalent allemand, qui a été téléchargé plus de 10 millions de fois. Comment expliquer cela ? « Mon avis personnel, c'est que cela ne dit rien de l'application, cela dit tout de nos différences culturelles », a répondu le secrétaire d'État qui espère avoir des réponses plus précises grâce à des sondages et des études de terrain. Il pense en tout cas que les choix techniques différents qui ont été fait (approche décentralisée en Allemagne avec l'API Apple/Google, contre approche centralisée en France) n'expliquent pas un tel écart.
68 cas déclarés dans l'app, 14 notifications de contact à risque
À ce stade, il y a eu 68 déclarations de tests positifs au Covid-19 dans l'application. Les personnes s'étant déclarées dans l'app ont été à proximité de 205 autres utilisateurs, mais toutes ces personnes n'ont pas été alertées. Sur les 205 personnes à proximité, seulement 14 ont reçu une notification les informant qu'elles avaient eu un contact à risque. Pourquoi 14 ?
« Nous ne savons pas si le chiffre de 14 notifications est logique ou pas logique. Cela dépend de l'utilisation que les 68 personnes ont faite de l'application. La seule manière de comprendre est de faire des enquêtes de terrain », a répondu une fois encore Cédric O.
Des évolutions à venir
Alors que l'épidémie de coronavirus recule actuellement, l'application reste utile, ont soutenu Simon Cauchemez, chercheur en épidémiologie à l'Institut Pasteur, et Vittoria Colizza, directrice de recherches à l’Inserm. StopCovid pourrait servir à contrôler une éventuelle seconde vague, ont-ils indiqué, tout en soulignant que le taux d'adoption de l'application était important pour l'efficacité de l'app.
Le gouvernement va adapter sa campagne de communication afin de réaliser des « frappes chirurgicales » dans les zones orange ou rouge et les clusters. En Guyane, où l'épidémie est plus vive qu'en métropole, le gouvernement a fait envoyer aux opérateurs un SMS incitant à télécharger l'app. Une nouvelle campagne promotionnelle plus large pourrait avoir lieu à la rentrée.
Même si l'épidémie régresse actuellement dans l'ensemble du pays, StopCovid va continuer d'évoluer. La feuille de route prévoit des « améliorations techniques » grâce aux remontées du terrain. Le projet d'objet connecté pour les personnes n'ayant pas de smartphone est toujours d'actualité et toujours en plein développement.
La version 1.1, qui sera disponible le 25 juin, intégrera un CAPTCHA « souverain » développé par Orange en remplacement du CAPTCHA de Google.
Une autre évolution à venir va répondre à une critique sur la confidentialité de l'application. Un chercheur a assuré que StopCovid remontait plus d'informations qu'elle ne le devrait : c'est l'ensemble des contacts rencontrés durant les 14 derniers jours qui sont enregistrés et transférés au serveur le cas échéant.
Bien que Cédric O ait parlé d'une « incompréhension » sur le nombre de données remontées et assuré que ce fonctionnement n'avait rien de mystérieux, un filtre va être mis en place dans une prochaine version. Ainsi, ne seront pas transmis au serveur les contacts trop éloignés ou trop courts.
L'INRIA, qui pilote le projet, continue par ailleurs de travailler à l'interopérabilité de l'application. Cédric O concède un « regret » à ce sujet, que les applications européennes ne soient pas interopérables à ce stade. Mais il n'en démord pas sur le choix de la France de faire une application « souveraine », ne s'appuyant pas sur l'API proposée par Apple et Google, quand bien même cela complique singulièrement la compatibilité de StopCovid avec les apps des pays voisins.
En dépit de ce regret, Cédric O juge que la non-interopérabilité des apps européennes a une « incidence limitée » et enjoint les Français à télécharger les applications locales s'ils se rendent en vacances à l'étranger cet été.
Coût de StopCovid
Enfin, cette conférence de presse qui aura duré près de deux heures était le moment pour détailler le coût de StopCovid.
Tous les acteurs ayant participé à la création de l'app ont travaillé bénévolement jusqu'au 2 juin, son jour de lancement. À compter de cette date, l'application va coûter chaque mois 40 000 € en hébergement et 40 000 à 80 000 € en maintenance et développement. Ces sommes seront réparties entre Outscale, Capgemini (qui a proposé de travailler bénévolement jusqu'à fin août) et Lunabee.
Cédric O n'a pas manqué de faire remarquer que le coût de StopCovid était sans commune mesure avec son équivalent allemand, qui a coûté 20 millions d'euros. Mais il a prévenu que s'il y avait une seconde vague, la facture augmenterait sans doute.
Plusieurs résultats d'examens sont attendus au sujet de StopCovid : la CNIL inspecte en ce moment le fonctionnement de l'app et le parquet national financier a reçu un signalement sur un soupçon de favoritisme dans l'octroi à une filiale de Dassault Systèmes du contrat de maintenance.