Mise à jour à 13 h 38 : Rakuten a été entendu. En plus de l'enquête sur Apple Pay, la Commission européenne vient d'ouvrir une enquête formelle sur l'App Store en matière de pratiques anticoncurrentielles. L'enquête porte en particulier sur l'utilisation obligatoire du système d'achat intégré de l'App Store et sur l'impossibilité pour les développeurs d'informer les utilisateurs d'autres possibilités d'achat. Cette enquête fait suite aux plaintes déposées par Spotify et Rakuten.
« Il apparaît qu'Apple a obtenu un rôle de contrôleur d'accès (“gatekeeper”) s'agissant de la distribution des applications et du contenu aux utilisateurs des appareils populaires d'Apple. Nous devons veiller à ce que les règles d'Apple ne faussent pas la concurrence sur les marchés où cette entreprise est en concurrence avec d'autres développeurs d'applications, par exemple avec son service de diffusion de musique en continu Apple Music ou avec Apple Books », déclare Margrethe Vestager, la vice-présidente exécutive responsable de la concurrence.
Il faut noter qu'Apple a mis de l'eau dans son vin récemment en accordant un passe-droit à Amazon, Canal+ et Altice qui leur permet d'utiliser leur propre méthode de paiement pour vendre du contenu vidéo dans leurs apps iOS (sans qu'Apple prenne sa commission habituelle de 30 %, a priori). Cette permission exceptionnelle est obscure : Apple n'explique pas pourquoi ces acteurs, et pas d'autres, ont ce passe-droit, ni comment rejoindre ce programme spécial, si tant est que cela soit possible.
Mise à jour à 16 h 35 : Sans surprise, Apple n'apprécie guère l'ouverture de l'enquête de la Commission. « Il est décevant que la Commission européenne s’appuie sur des plaintes sans fondement d'une poignée d'entreprises voulant profiter du système gratuitement, en ne suivant pas les mêmes règles que tout le monde », déclare l'entreprise dans un communiqué transmis à Reuters. « Nous ne pensons pas que ce soit juste. Nous voulons maintenir des règles du jeu équitables où quiconque avec de la détermination et une bonne idée peut réussir. »
L'article original :
Le groupe japonais Rakuten, au travers de sa filiale Kobo spécialisée dans les liseuses électroniques, a demandé à Bruxelles d'enquêter sur les pratiques d'Apple et de son App Store, rapporte le Financial Times. Kobo estime qu'Apple use de pratiques anti-concurrentielles lorsqu'elle promeut son activité de libraire sur l'App Store tout en réclamant 30 % sur les ventes de livres effectuées par les autres acteurs présents sur sa plateforme de distribution.
Chaque fois que Kobo vend un livre au travers de son app, Apple en récupère ce pourcentage (qui descend à 15 % lorsque l'utilisateur renouvelle son abonnement In-App au bout d'un an).
Kobo peut s'affranchir de cette ponction en conseillant à ses clients — ceux du moins qui lisent sur iPhone ou iPad plutôt sur ses liseuses électroniques — d'acheter leurs e-books depuis son site web. Spotify, Netflix mais aussi Amazon (via son app Kindle) ont opté pour ce système lorsqu'on veut s'abonner à l'une de leurs formules ou pour acheter des livres — mais c'est une démarche plus compliquée et potentiellement dissuasive.
La filiale de Rakuten affirme que ses affaires pâtissent de ces contorsions : si elle vend au travers de l'app elle doit reverser une part à Apple, si elle vend en dehors de l'app elle perd potentiellement des clients sur le chemin.
Cette démarche de Rakuten, qui remonte au mois de mars, s'inscrit dans les pas de celle de Spotify déclenchée il y a un an et à la suite de quoi la Commission européenne a décidé d'ouvrir une enquête.
La position d'Apple devant ces récriminations est de faire valoir que son App Store est une vitrine à nul autre pareil pour les éditeurs qui y font figurer leur app (lire Apple : « Spotify ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui sans l'App Store »). Et que pour la majorité d'entre eux, lorsqu'ils proposent un contenu gratuit, elle n'en tire aucun bénéfice.
La Pomme a opportunément publié hier soir une étude sur les revenus générés par l'App Store pour tous les éditeurs, dans laquelle elle met en relief l'avantage qu'en retirent les vendeurs de bien physiques et de services, minorant ainsi le poids de ceux qui vendent des biens numériques et qui fustigent sa politique :
L’étude révèle que les paiements effectués directement aux développeurs par Apple ne représentent qu’une fraction du total considérable obtenu avec le calcul des ventes issues d’autres sources, comme les services et biens physiques. Comme Apple ne perçoit de commission que sur les facturations associées aux biens et services numériques, plus de 85 % du total de 519 milliards de dollars (le volume de ventes généré par l'App Store en 2019, ndlr) reviennent uniquement aux développeurs tiers et aux entreprises de toutes tailles.
Mais dès lors que ces protagonistes ne passent plus par l'App Store pour vendre leurs formules et contenus, leur poids s'en trouve mécaniquement réduit dans le total. C'est le serpent qui se mord la queue.
Bruxelles a un épais dossier à étudier sur Apple puisque le mois dernier c'est Tile, le fabricant des petits traqueurs de position, qui a lui-aussi plaidé pour l'ouverture d'une enquête sur la manière dont iOS gère les apps tierces de localisation par opposition à celle d'Apple.