Fortunes diverses pour les apps de traçage en Europe et dans le monde. En Italie, Immuni connait manifestement un gros engouement auprès des utilisateurs ; en Allemagne, le démarrage est foudroyant pour Corona-Warn-App : disponible depuis la nuit dernière, l'app a été téléchargée à 1,5 million de copies, et le seuil des 2 millions sera probablement atteint en moins de 24 heures. En France, on en était aux dernières nouvelles à 1,5 million de téléchargements au bout d'une bonne dizaine de jours.
En Australie, la version iOS de CovidSafe est frappé d'un bug embêtant. En substance, un iPhone verrouillé avec un identifiant (généré par l'app) expiré n'est pas en mesure d'en récupérer un nouveau. Sans nouvel identifiant, le smartphone ne pourra pas enregistrer les contacts autour de lui (en revanche, il pourra être enregistré par d'autres). L'efficacité de l'application est donc remise en question, même si elle n'avait pas attendu ce bug pour être critiquée.
En Norvège, les autorités sanitaires du Folkehelseinstituttet (FHI) ont carrément décidé d'effacer les données collectées par l'application Smittestopp, tandis que la collecte d'informations a cessé. Cette décision intervient après une injonction d'interdiction temporaire de la collecte, formulée par l'autorité de protection des données du pays (Datatilsynets).
Cette dernière estime que l'app empiète trop sur la confidentialité des utilisateurs, alors que les cas de contaminations sont modestes au pays : 242 décès pour 8 647 cas. Autrement dit, le jeu n'en vaut pas la chandelle et rien ne justifie le recours à cette application. Un constat qui n'est pas partagé par le FHI, mais qui convient tout de même que le niveau d'infection est faible.
« Cela va affaiblir une part importante de notre dispositif contre une transmission accrue [du virus] car nous allons perdre du temps pour développer et tester l'application (…) Sans Smittestopp, nous serons moins bien équipés pour empêcher une nouvelle éclosion de l'épidémie locale ou nationale », estime l'institut de la santé publique qui espère toutefois réintroduire une solution de notification de contamination. Une nouvelle proposition sera sur la table d'ici le 23 juin. Smittestopp a été téléchargée à 1,6 million de copies, et comptait 600 000 utilisateurs actifs.
Amnesty International, qui a qualifié Smittestopp d'application « hautement invasive », n'a pas de mots plus doux pour les apps de traçage du Bahreïn (BeAware) et de Koweït (Shlonik). Toutes trois ont été conçues selon un modèle centralisé, toutes trois exploitent des données GPS, ce qui leur permet de collecter les mouvements des utilisateurs en temps réel. BeAware et Shlonik vont encore plus loin que Smittestopp : pour s'enregistrer, il faut en effet produire une pièce d'identité (contre un « simple » numéro de téléphone valide pour l'app norvégienne).
Les apps du Bahreïn et de Koweït peuvent être jumelées avec des bracelets Bluetooth — une mesure obligatoire pour les individus placés en quarantaine (ils risquent trois mois de prison et une amende pouvant aller jusqu'à 27 000 $ s'ils n'obtempèrent pas). Celle du Koweit vérifie régulièrement la distance entre le bracelet et le smartphone, et transfère les données de localisation toutes les dix minutes à un serveur central.
Le gouvernement bahreïnien est allé jusqu'à organiser une sorte de concours télévisé offrant des prix aux personnes qui restaient à la maison : 10 numéros de téléphone étaient tirés au hasard chaque jour, et appelés en direct à la télé pour vérifier que l'utilisateur était bien chez lui ! Pendant un moment, il était impossible de ne pas participer à ce jeu… Il est maintenant heureusement possible de se désinscrire.
BeAware et Shlonik permettent aux autorités de connaitre en temps réel la localisation des utilisateurs, une information qui n'est ni nécessaire, ni proportionnée dans un contexte de santé publique, souligne Amnesty.
Au Qatar, une faille de sécurité dans l'app EHTERAZ a exposé les données personnelles de plus d'un million de personnes (noms, numéro d'identité nationale, statut de santé, localisation). Plutôt gênant, sachant que l'application est obligatoire…
Dans ce domaine, personne ne peut se prévaloir de la perfection. En France, StopCovid collecte trop d'informations, tandis que l'API d'Apple et de Google n'est pas non plus exempte de tout reproche (lire : Des doutes sur la sécurité de SwissCovid).