Les députés de l'Assemblée ont voté en faveur de l'application StopCovid, avec 338 voix pour et 215 voix contre, après un débat où chaque groupe politique a pu affirmer son opposition à l'initiative du gouvernement, ou au contraire dire son approbation. Deux ministres, Nicole Belloubet (garde des Sceaux) et Olivier Véran (ministre de la Santé) et un secrétaire d'État (Cédric O) sont venus défendre ce projet qui doit permettre de contrôler et surtout d'éviter la résurgence de l'épidémie, a rappelé Olivier Véran.

Le ministre de la Santé a rappelé que l'application de traçage des contacts permet à « ceux qui le souhaitent, ceux qui font la démarche active, de pouvoir bénéficier de ce service ». Les représentants du gouvernement ont, comme on pouvait l'imaginer, martelé le fait que StopCovid ressortait d'un usage volontaire : il faut aller télécharger l'application. La déclaration d'un diagnostic positif est elle aussi volontaire. Enfin, il est possible de la désinstaller à tout moment.
#StopCovid : @cedric_o estime que priver, "pour des raisons politiques ou philosophiques", de cette application ceux qui souhaiteraient en bénéficier c'est "accepter les contaminations supplémentaires, les malades supplémentaires, les morts supplémentaires." #DirectAN #COVID19 pic.twitter.com/sRidwSMtPq
— LCP (@LCP) May 27, 2020
Par ailleurs, l'app sera mise en œuvre pour six mois et n'a « aucune vocation à devenir pérenne », a rappelé Nicole Belloubet pour qui StopCovid n'est toutefois pas « l'alpha et l'oméga contre le Covid-19 ». Ce n'est pas non plus un « instrument de surveillance des citoyens, ni une menace pour les libertés », a assuré la ministre de la Justice. Cédric O a de son côté fait vibrer une fibre patriotique dont la pertinence interroge : « StopCovid, c'est un projet qui porte en lui le goût de l'excellence, du panache, de l'entêtement qui caractérise notre pays ».
À grand renfort de citations1, les opposants ont évoqué les peurs — et parfois les fantasmes qui mènent aux théories du complot — que peut générer une telle application de suivi des contacts. Jean-Luc Mélenchon, pour la France Insoumise, a ainsi demandé à toutes les personnes qui ont ses coordonnées dans leurs carnets d'adresses de les effacer ! StopCovid a des défauts, mais l'app ne pioche jamais dans les contacts des smartphones.
"Alors moi, je ne prendrai pas l'application #COVID19. Je bénéficie de ce privilège d'être à la tribune pour dire à tous ceux qui m'ont dans leur annuaire : retirez mon nom immédiatement de leurs téléphones s'ils prennent pour eux l'application !", dit @JLMelenchon.#DirectAN pic.twitter.com/Qqq6zUW8D0
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Mounir Mahjoubi, député LREM, a remis les points sur les « i » : les apps de réseaux sociaux comme TikTok stockent bien plus de données que StopCovid. Y compris le logiciel de la cantine scolaire :
"Le logiciel de cantine de votre commune stocke plus d'informations personnelles que cette application à venir. Il faut avoir un peu de mesure", lance @Mounir à une collègue. Selon lui, un éventuel vol de données ne donnera accès à "presque rien"#DirectAN #COVID19 pic.twitter.com/2BFfKxZNVl
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D'autres ont agité les craintes d'une société de la surveillance. Damien Abad, pour Les Républicains, a demandé de ne pas aller plus loin vers une « société orwellienne qui pourrait se révéler cauchemardesque ». Le PCF a demandé au gouvernement de renoncer purement et simplement au traçage numérique, car l'application « entrouvre la porte à la surveillance de masse dans des proportions inédites », s'est alarmé Jean-Paul Dufrègne.
"Ne faisons pas un pas de plus, même prudent, vers une société orwellienne qui pourrait se révéler cauchemardesque", juge @damienabad. Il doute aussi de "l'efficacité du dispositif" et son groupe votera donc contre #StopCovid#DirectAN #COVID19 pic.twitter.com/B3dsIVf9JI
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Le thème de la souveraineté numérique a été martelé à la tribune de l'Assemblée. Apple et Google ont été rhabillés pour l'hiver. Jean-Luc Mélenchon a ainsi pointé du doigt le reCAPTCHA Google que l'app va utiliser pour s'assurer que l'utilisateur n'est pas un robot2. Philippe Latombe estime que la France est « très en retard » sur le sujet. Pour le député Modem (dont le groupe a voté pour), StopCovid est la première pierre contre « l'hégémonie des GAFAM ».
"Nous sommes très en retard sur la souveraineté numérique", dit @platombe qui voit plutôt à travers #StopCovid la première pierre contre l'hégémonie des Gafam. Le MoDem votera pour l'application.#DirectAN #COVID19 pic.twitter.com/LB6jDEWF4R
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Plusieurs opposants ont émis des doutes sur la réalité du consentement et du volontariat de l'application. Qui dit qu'un employeur ne pourrait pas imposer l'installation et l'utilisation de StopCovid ? À ces craintes, Nicole Belloubet a confirmé qu'aucun tiers ne pouvait obliger ni exercer de droit de regard sur l'usage de l'application, « aucune pression sociale ».
L'interopérabilité avec les applications des pays européens a aussi été interrogée sans trouver de réponses, alors que l'Allemagne, la Suisse, la Lettonie et d'autres États ont choisi la solution d'Apple et de Google incompatible avec le modèle choisi par la France. Cédric Villani, ex-LREM mais qui a voté pour l'app, a regretté que l'Europe n'ait pas su avancer unie dans ce projet.
Dans sa déclaration liminaire, Cédric O s'est félicité que la France partageait avec son voisin britannique une même vision des choses : ces deux pays, qui ont refusé l'API Exposure Notification, sont aussi ceux qui possèdent l'arme nucléaire, a rappelé le secrétaire d'État. Mettre sur le même plan une API et l'arme atomique est tout de même assez singulier…
Le gouvernement débattra de l'application StopCovid demain jeudi au Sénat, avec un vote qui sera consultatif. L'application devrait être disponible le 2 juin.
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Aldous Huxley, George Orwell, André Comte-Sponville, Montesquieu et même Rabelais (« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ») ont été généreusement convoqués à la tribune. ↩
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Cédric O a annoncé durant le débat qu'Orange développe actuellement un reCAPTCHA français, qui devrait être disponible dans deux semaines. En attendant, c'est bien la technologie de Google qui sera utilisée. ↩