Google Maps a fêté la semaine dernière ses 15 ans. 15 années durant lesquelles l'application s'est rendue progressivement indispensable pour plus d'un milliard d'utilisateurs. Dans une interview accordée à Wired, Jen Fitzpatrick aborde les évolutions qu'a connues l'application qu'elle chapeaute, ainsi que son futur.
Quand Google Maps a été lancé en février 2005, d'abord en Amérique du Nord, « la première chose qui a impressionné les gens est que le navigateur web devenait soudainement une application à part entière. Vous pouviez zoomer, déplacer et faire défiler la carte à l'intérieur d'un navigateur », se souvient-elle.
Dès le départ, Maps a soulevé une nouvelle problématique pour Google, celle de collecter des données sur le monde réel pour constituer et enrichir ses cartes. La logique qui s'appliquait au moteur de recherche sur le web ne s'appliquait pas à la nouvelle app : « Vous ne pouvez pas envoyer un robot d'indexation parcourir le monde réel. »
Google a alors mis en place plusieurs systèmes pour cartographier le monde : vues satellites, Google Cars (sniffant tout sur leur passage), données collectées depuis les terminaux Android, contributions des utilisateurs…
« Il n'y a pas de source de données unique ou de solution miracle pour cartographier le monde. Je pense que la magie réside en grande partie dans la façon dont vous rassemblez toutes ses sources différentes », explique Jen Fitzpatrick.
Au fil des ans, Google a de plus en plus sollicité ses utilisateurs pour enrichir ses données, au point d'être assez intrusif. Si on ne prend pas la peine de désactiver les notifications liées aux contributions, on peut recevoir régulièrement des notifications nous invitant à préciser si tel établissement est accessible aux personnes à mobilité réduite, si tel commerce est ouvert de telle heure à telle heure, etc. Une participation que Google entend encore accentuer avec la nouvelle version de Google Maps qui comprend une section « Contribuer » accessible en un tap.
Mais que se passe-t-il quand les utilisateurs partagent volontairement ou involontairement des informations erronées ? Dernièrement, un artiste a sillonné une rue berlinoise en traînant un chariot rempli de 99 smartphones pour faire croire à un bouchon à cet endroit.
« Nous avons des humains qui nous aident à vérifier les informations […] en les comparant avec des images que nous pourrions avoir ou bien en appelant les entreprises en question. […] Et nous avons des algorithmes qui essayent de détecter des actions inappropriées. Nous retirons beaucoup de contenu pour ces raisons », indique la responsable de Google Maps, qui fait aussi partie des premiers employés de Google.
L'entreprise se veut également très prudente sur un autre sujet, celui de la publicité : « Nous nous assurons que lorsque nous ajoutons des pubs dans Maps, nous le faisons d'une manière qui soit utile et non dérangeante. […] Nous sommes conscients qu'il y a des instants où vous conduisez, marchez ou faites d'autres choses qui peuvent vous mettre en danger. » C'est pour cette raison que les pubs ont été ajoutées « lentement », mais elles se font bel et bien plus présentes depuis l'année dernière (lire : Google Maps, la nouvelle machine à cash de Google).
Une autre nouveauté récente, plus agréable pour les utilisateurs, est le mode exploitant la réalité augmentée pour se diriger plus facilement dans les rues. Selon les données de Google, ce mode est particulièrement utilisé en voyage, à la sortie des métros ou des hôtels, pour s'orienter rapidement.
Pour Jen Fitzpatrick, il s'agit toujours des débuts de l'AR, Google réfléchit à d'autres façons d'améliorer significativement les itinéraires à pied.
Interrogée sur ce à quoi ressemblera Google Maps dans 5 ans, la Senior Vice President prédit une application qui couvrira beaucoup plus de modes de transport, une application « qui sera vraiment meilleure pour vous emmener d'un point A à un point B peu importe le mode de transport que vous utilisez et même si vous en combinez plusieurs différents. » Pourquoi pas acquérir Citymapper, qui est à vendre et qui s'y connait en trajets multimodaux ?
Le futur de Google Maps est également tourné vers la découverte de lieux intéressants à proximité. Une facette que Google a largement déployé dans son application ces dernières années avec les sections « Découvrir » et « Pour vous », qui mettent en avant des commerces aux alentours.
Google Maps intègre d'ailleurs depuis peu une messagerie pour discuter directement avec les commerces, mais Jen Fitzpatrick l'assure, l'idée n'est pas de transformer l'app en une nouvelle messagerie à part entière : « L'objectif, c'est que si vous cherchez une information sur une entreprise et que vous avez une question rapide, on rend cela très facile à faire sans que vous ayez à changer d'app. »
De la même manière, Google Maps n'a pas vocation à devenir un nouveau réseau social, même s'il s'est doté de quelques fonctionnalités correspondantes, notamment le suivi des amis. « Ce que nous voulons, c'est essayer de vous aider à faire les choses que vous essayez de faire », indique Jen Fitzpatrick. Vaste mission. Bien que Google se défende de vouloir intégrer une messagerie complète ou un réseau social au sein de Maps, force est de constater que l'application englobe toujours plus de services, au point de remplacer aisément des apps comme TripAdvisor ou Yelp.
À ce sujet, que pense Jen Fitzpatrick de la concurrence, en particulier Apple ? « Je ne crois pas être la mieux placée pour commenter ce qu'ils font, répond-elle poliment. Il n'y a pas eu un seul moment dans l'Histoire où il y eu une seule carte canonique du monde. Donc je pense que ce n'est pas une mauvaise chose d'avoir de multiples représentations du monde. »
Pressée par Wired pour savoir si elle considère qu'Apple s'en sort bien avec Plans, la responsable de Google Maps répond diplomatiquement : « Vous savez, je crois qu'ils sont en train de faire de mises à jour de leurs cartes et de les déployer plus largement. Le temps nous dira ce qu'il en sera. »