Apple tourne toujours autour du principe des démos, sans parvenir à trouver la solution qui satisfera parfaitement les développeurs. Jusqu'à présent, seules les applications proposant des abonnements peuvent offrir une période de gratuité. C'est le cas par exemple pour iGeneration : en souscrivant un abonnement, vous avez droit à une semaine gratuite (rien ne vous empêche ensuite de vous désabonner…). Mais pour en bénéficier, il faut au préalable s'abonner.
À la faveur de la WWDC, le constructeur a revu ses guidelines en ajoutant un nouveau principe touchant aux achats intégrés (la règle 3.1.1) : les développeurs peuvent maintenant proposer à leurs utilisateurs des périodes de gratuité pour leurs apps, via un achat intégré à 0 €.
Les développeurs ont également pour obligation d'indiquer clairement, avant le début de l’essai, la durée de la démo, le contenu et les services qui ne seront plus accessibles à la fin de l’essai, ainsi que les frais que l’utilisateur devra payer pour tout débloquer.
A priori, tout indique donc qu'il s'agit d'une démo en bonne et due forme, comme ce que réclament les développeurs à cor et à cri depuis l'ouverture de la boutique — un embryon de syndicat s'est même formé juste avant la WWDC sur cette question. Mais comme le relève Daniel Jalkut, développeur de l'outil de publication de blog MarsEdit, dans les faits ce système est loin d'être idéal.
À la base, le principe de ces démos à base d'achat intégré demeure très proche des périodes d'essais gratuites à activer via un abonnement : il faut toujours faire comprendre à l'utilisateur qu'il doit « acheter » quelque chose… même si cela ne lui coûte rien. Le risque de confusion est réel : pourquoi faudrait-il débourser quelque chose — même 0 € — avant même d'utiliser un logiciel téléchargé gratuitement ?
Le deuxième problème découle du premier : les applications "payantes", que l'on peut télécharger gratuitement et qui intègrent une période d'essai sur abonnement sont classées parmi les apps gratuites de l'App Store. Cela fausse les classements sur lesquels s'appuient toujours beaucoup les utilisateurs pour faire leur choix. Quant au palmarès des « apps rentables » qui pouvait correspondre à ce cas de figure entre deux modèles économiques, il n'existe plus.
Apple n'en parle pas dans son guide de bonne conduite, mais Daniel Jalkut suspecte qu'une des conditions requises pour profiter de ce système de démo par achat intégré soit que l'application offre un minimum de fonctions gratuites toujours gratuites.
Pour certaines apps productives comme des visionneuses de document, cet impératif ne devrait pas poser de souci : l'application peut continuer à proposer des fonctions basiques, ne serait-ce qu'ouvrir des fichiers. Mais pour d'autres, il sera difficile d'offrir des fonctions sans dénaturer complètement l'application, ou réduire à pas grand chose la pertinence de passer à la caisse.
Du côté de la tambouille interne, le développeur estime que distinguer ce qui est gratuit de ce qui ne l'est pas est un vrai casse-tête. Dans l'approche premium, où l'utilisateur achète l'application, c'est Apple qui gère l'ensemble de la transaction (et pour cela, le constructeur prélève sa com' de 30%).
« Avec les ersatz de démos, quasiment tous les aspects de cette complexité sont du ressort de l'application, pour laquelle le développeur doit laborieusement concevoir un mécanisme pour décider de ses limitations, bloquer les fonctions pertinentes, gérer la transaction d'un achat dans l'app, faciliter le déblocage des fonctions, etc. », déroule Daniel.
Il arrive aussi parfois que le développeur offre au débotté des périodes de démo, par exemple à la sortie d'une grosse mise à jour : de cette manière, les utilisateurs peuvent tester les nouvelles fonctions avant, éventuellement, de payer leur dîme. Le fonctionnement de l'App Store est tel qu'un développeur ne peut pas faire payer de mise à jour, mais seulement proposer une toute nouvelle app.
Rien n'empêche évidemment le développeur de proposer une démo pour une version 2, mais il lui faut reconquérir les utilisateurs de la version 1 qui n'iront pas forcément télécharger la nouvelle application de manière spontanée. Et puis l'éditeur ne peut toujours pas proposer de tarif « mise à jour » à ceux qui ont acquis la première version.
En fait, ces démos via un achat intégré mises en place par les nouvelles guidelines n'ont rien d'innovant : en septembre 2016, l'éditeur OmniGroup avait imaginé un tel système d'achat in-app à 0 € pour débloquer toutes les fonctions de ses apps pendant deux semaines. Un principe repris par la suite par plusieurs logiciels, dont MarsEdit.
La nouvelle règle du guide des développeurs n'est finalement qu'une manière pour Apple d'officialiser cette possibilité, sans rien apporter de vraiment neuf. On verra maintenant si les développeurs s'emparent plus franchement de cette facilité supplémentaire.