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Dix ans d'App Store : une réussite et des interrogations

Mickaël Bazoge

vendredi 09 mars 2018 à 11:30 • 45

App Store

La révolution du smartphone a été lancée en 2007 avec l'iPhone, mais elle n'a véritablement pris son envol qu'avec l'ouverture de l'App Store, en juillet 2008. Une formule qui a formidablement réussi et qu'Apple décline à l'envi. Trop peut-être ? Dix ans plus tard, on fait le point sur les différentes boutiques du constructeur.

Bien sûr, Apple n'est pas le dépositaire du concept de boutiques d'applications. Lancé en 1993, l'Electronic AppWrapper est considéré comme le premier catalogue de distribution de logiciels et surprise, il a été conçu pour diffuser les applications des développeurs NeXT.

En juillet 2008, l'App Store sur iTunes.

À l'époque, Steve Jobs avait eu droit à la première présentation de cette boutique. Cela ne l'avait pas marqué plus que ça : aux développeurs qui réclamaient la possibilité de créer des applications natives pour l'iPhone, le patron d'Apple promouvait… les webapps. On raconte que Steve Jobs s'est fait tirer l'oreille avant d'accepter l'idée même d'un App Store et la mise à disposition des outils indispensables pour développer des apps.

Dix ans plus tard, l'App Store a été le pivot qui a changé la vie du monde entier, et accessoirement qui a largement contribué à faire d'Apple l'entreprise la plus rentable au monde (lire : Avec l’App Store, l’iPhone a complètement chamboulé notre quotidien). Les chiffres ne mentent pas : au 1er janvier 2018, les utilisateurs ont dépensé 300 millions de dollars — en une seule journée.

En septembre 2017, iTunes 12.7 ne permet plus d'accéder à l'App Store d'iOS. Heureusement, cela reste encore possible avec iTunes 12.6.3

Apple, qui prélève une commission de 30% sur les ventes, les micro-transactions et les abonnements, a reversé aux développeurs un total de 86 milliards de dollars depuis 2008, dont 26,5 milliards de dollars rien que pour l'année dernière. L'App Store a créé une véritable industrie qui emploie directement et indirectement des millions de personnes dans le monde.

Mais la recette qui marche pour l'iPhone (et dans une moindre mesure pour l'iPad) est-elle synonyme de succès pour les autres appareils d'Apple ? Rien n'est moins sûr.

Marzipan : une seule app pour toutes les plateformes

Pour ses futurs systèmes d'exploitation, Apple devrait réfréner ses envies de nouveautés pour miser sur la fiabilité et la stabilité, aussi bien sur iOS que sur macOS. Au menu des festivités qui sera sans doute présenté en juin durant la WWDC, le constructeur conserverait tout de même son projet d'unification des applications iOS et macOS.

Des applications pour iPad et iPhone fonctionnant dans des fenêtres de macOS : c'est la vision de Marzipan du designer Álvaro Pabesio.

Connu sous le nom de code "Marzipan", ce framework commun aux deux plateformes serait une boîte à outils commune dans laquelle les développeurs pourraient piocher à loisir pour concevoir des applications capables de fonctionner aussi bien sur un Mac que sur un iPad, un iPhone, une Apple Watch, l'Apple TV.

Cette initiative, si elle est avérée, aurait bien des atouts, pour les développeurs d'une part (si l'on schématise, il suffit d'un seul développement pour toutes les plateformes d'Apple), et aussi pour les utilisateurs et en particulier ceux qui possèdent un Mac. Certaines applications, pour iPad en particulier, pourraient s'adapter relativement facilement sur macOS : Marzipan est en mesure de renouveler l'offre logicielle sur Mac.

L'App Store sur iPhone et iPad

À tout seigneur, tout honneur. L'App Store pour l'iPhone (et l'iPod touch, qu'on oublie souvent) a ouvert ses portes le 10 juillet 2008, en même temps qu'iPhone OS 2.0 (on ne disait pas iOS à l'époque). Il fallait se contenter de 500 applications ; on en est actuellement à plus de 2,2 millions (l'appellation "App Store" est d'abord née chez SalesForce mais son PDG fit cadeau à Apple des droits d'utilisation, en remerciement pour un conseil donné quelques années plus tôt par Steve Jobs).

Dès l'ouverture de la boutique, c'est une réussite. Le seuil des 10 millions de téléchargements est atteint durant les trois premiers jours suivant le lancement ; les 100 millions début septembre. La recette du succès repose sur plusieurs ingrédients : un catalogue riche et varié, des apps abordables voire gratuites, des outils de développement performants, un fonctionnement simple qui rappelle la facilité d'usage à l'œuvre depuis 2003 pour la distribution de musique sur l'iTunes Store.

En avril 2010, l'App Store connait sa première déclinaison : la boutique s'ouvre à l'iPad, présenté en janvier de la même année par un Steve Jobs toujours plus perfectionniste. À l'ouverture, la boutique dédiée à la nouvelle tablette compte 3 300 applications — il y en a un peu plus d'un million désormais.

En 2010… en 2018.

Un iPad n'est pas un iPhone, et inversement : on ne fait pas les mêmes choses sur un smartphone ou sur une tablette. Pourtant, Apple encourage l'optimisation des apps pour iPhone avec les applications universelles : cela fonctionne généralement bien pour les jeux, mais pour d'autres l'intérêt d'un portage sur iPad peut interroger.

Après quelques tâtonnements, l'App Store pour iPad s'est enrichi d'applications productives et créatives parfaitement adaptés à la plateforme. Certaines ne sont même disponibles que sur l'iPad.

Tout n'est pas parfait évidemment. La qualité — et parfois l'intérêt — de certaines applications est parfois discutable. De nombreux développeurs peuvent se contenter d'habiller une simple WebView (fenêtre web) pour ressembler à une application native, les performances et l'ergonomie en moins.

Les succès de 2008 et ceux d'aujourd'hui (apps et jeux).

L'App Store, c'est l'incarnation la plus aboutie de la volonté d'Apple de contrôler son écosystème. Les développeurs doivent respecter un guide de bonne conduite, les fameuses guidelines, aux contours souvent mouvants. La surveillance des apps est constante, Apple ayant tout pouvoir de supprimer celles qui enfreindraient soudainement les règles, ce qui continue de provoquer la controverse.

Que ce soit pour l'iPhone ou pour l'iPad, il est une chose qui demeure certaine : iOS reste la plateforme de prédilection pour les développeurs et les éditeurs qui veulent lancer des applications de qualité. Le nombre de téléchargement d'apps sur le Play Store de Google est certes 145% plus important que sur l'App Store iOS… mais les revenus dépensés sont deux fois plus élevés sur la boutique d'Apple !

Chiffres pour le quatrième trimestre 2017 compilés par App Annie.

Même si iOS compte pour moins de 20% du marché mondial du smartphone, l'attrait de la plateforme auprès des développeurs ne se dément pas. Il n'y a qu'à voir les exclusivités qui sortent d'abord sur iOS avant Android…

Mac App Store : la petite boutique en friche

Lancé en janvier 2011 dans la foulée de Mac OS X 10.6.6, le Mac App Store n'a guère évolué depuis ses débuts dans Snow Leopard. Cette boutique est le passage obligé pour télécharger des logiciels Apple, et aussi pour mettre à jour le système d'exploitation et les applications téléchargées depuis l'échoppe.

Lors de son ouverture, le Mac App Store comptait 1 000 logiciels.

Comme dans la boutique d'iOS, c'est Apple qui donne le feu vert aux applications qui y sont distribuées, une vitrine de prime abord plutôt intéressante pour les développeurs… qui doivent tout de même répondre à un cahier des charges contraignant. Les logiciels sont ainsi confinés dans un bac à sable qui empêche d'accéder aux couches basses de macOS. Une vraie difficulté qui barre la route de nombreux utilitaires au Mac App Store.

De même, l'impossibilité de proposer des mises à jour payantes ou des versions de démo (à moins d'en passer par un abonnement avec quelques semaines gratuites ou une app gratuite dédiée) représentent des freins dont se plaignent régulièrement les développeurs. Le Mac App Store est souvent perçu comme la cinquième roue du carrosse, en raison du manque d'égard de la part d'Apple (lire : Le Mac App Store a besoin d'un bon coup d'antivirus).

Ce n'est d'ailleurs pas une surprise de découvrir qu'Apple se taille une belle place dans les différents classements du Mac App Store. La présence des grands éditeurs comme Microsoft ou Adobe se limite à une poignée d'applications périphériques. Cela peut s'expliquer par des modèles économiques (le Creative Cloud d'Adobe par exemple) ou techniques spécifiques qui s'adaptent mal au mode de fonctionnement de la boutique.

De temps à autre, des applications importantes sont retirées de la boutique par leurs développeurs qui préfèrent en reprendre la distribution par leurs propres moyens : Piezo, Displays, Sip, Flume

Le Mac App Store aujourd'hui. Peu de changements esthétiques par rapport à 2011… Selon AppShopper, la boutique compte un peu moins de 30 000 logiciels.

Tout n'est cependant pas totalement négatif pour le Mac App Store. Le magasin a plusieurs atouts de taille : il permet aux développeurs de vendre leurs logiciels, sans avoir à mettre en place de structures financières coûteuses ; les utilisateurs bénéficient d'un système de mise à jour automatique bien pratique ; surtout, la boutique est présente dans chaque Mac vendu par Apple. En termes de distribution, c'est donc un avantage considérable, tous les développeurs sont sur le même pied d'égalité, du plus petit à l'éditeur le plus puissant.

Des développeurs font donc leur miel du Mac App Store, comme Agenda qui a inauguré le nouveau système de précommande, Pixelmator (et Pixelmator Pro), Things 3, Twitterific 5… La boutique parvient aussi à attirer des éditeurs bien installés comme Parallels.

Est-ce que le projet Marzipan sera en mesure de redonner de la visibilité au Mac App Store ? Si Apple exige que les apps développées avec cette boîte à outils soient distribuées au sein de ses boutiques, ça n'a rien d'impossible. Il y a bon nombre d'applications pour iPad qui trouveraient assez facilement leur place sur macOS… Marzipan pourrait également donner le goût du Mac à des développeurs qui ne s'intéressaient qu'à iOS.

Pour un débutant, développer pour le Mac peut sembler un peu baroque, la plateforme trimballant forcément derrière elle un passif certes glorieux, mais imposant. Marzipan aurait aussi cet avantage d'incarner une sorte de « guichet unique » du développement pour les différentes plateformes d'Apple. Et puis du sang neuf pour macOS, voilà qui serait aussi bienvenu !

Tout cela ne doit pas exonérer Apple de dépoussiérer le magasin du Mac, qui n'a pas bénéficié du même soin que l'App Store, loin s'en faut.

Quelques unes des applications conçues avec Electron.

Apple pourrait ainsi assouplir certaines conditions comme le sandboxing : ce principe fonctionne sur iOS car c'est ainsi qu'iOS a été conçu, mais ce n'est pas le cas pour macOS dont la nature est plus ouverte. L'autre difficulté susceptible de peser sur l'avenir du Mac App Store, et peut-être même pour les applications natives tout court, c'est la montée en puissance de frameworks comme Electron.

Ils permettent de créer des logiciels multiplateformes en utilisant des technologies web (CSS, JavaScript, HTML). Simple et facile en apparence… mais c'est au détriment des performances d'une part, et des spécificités de chaque système d'exploitation d'autre part (lire : Développement : Electron est-il le nouveau Flash ?). Marzipan devra aussi apporter une réponse à cette problématique pour les plateformes d'Apple.

Apple Watch et Apple TV : des boutiques mal adaptées

La réussite de l'iPhone et de l'iPad repose en grande partie sur la richesse et la qualité des applications proposées dans l'App Store. Au-delà, c'est le concept même d'applications qui participe du cercle vertueux de la plateforme iOS. Mais ce modèle est-il pertinent avec d'autres types d'appareils ?

S'appuyant sur la solidité de ce qui a fait le succès de ses précédents terminaux mobiles, Apple n'a pas cherché l'originalité avec l'Apple Watch, lancée au printemps 2015, puis avec l'Apple TV de 4e génération sortie à la fin de cette même année.

Chacune de ces plateformes, dont iOS est le cœur logiciel, reprennent à leur profit le concept de grille d'applications (présentée sous la forme d'un nuage sur la montre connectée), assortie d'une boutique spécifique. Pourquoi modifier une recette qui a fait ses preuves ?

Apple Watch : mauvais quart d'heure pour les apps

L'écosystème applicatif de l'Apple Watch a connu un démarrage poussif en raison des limitations posées par Apple dès le départ. Les apps pour la montre connectée, développées à l'époque avec le SDK WatchKit, ne pouvaient fonctionner qu'en lien avec leurs grandes sœurs de l'iPhone : pratiquement toutes les informations qui s'affichaient sur le poignet étaient moulinées puis « poussées » par l'application iOS hôte.

Ce premier passage par l'iPhone était déjà susceptible de ralentir le flux des données, mais il faut aussi y ajouter le transfert des informations du smartphone vers la montre. Un véritable goulet d'étranglement… qui a rapidement eu raison de la patience de nombreux utilisateurs.

Lentes et poussives : les premières applications pour Apple Watch ont déçu. La réactivité était pourtant indispensable pour un produit qui par essence, doit donner très vite l'information désirée. Lassés d'attendre que quelque chose se passe sur leur Apple Watch, les porteurs de la montre ont prestement repris l'habitude de dégainer leur smartphone.

Au lancement de l'Apple Watch en avril 2015, l'App Store de l'Apple Watch comptait 3 000 applications. On en compte aujourd'hui près de 30 000, selon WatchAware.

Les choses se sont arrangées avec les SDK suivants ; watchOS 2 a commencé à donner un peu plus de latitude à l'Apple Watch pour gérer ses propres applications. Depuis, le matériel comme le logiciel ont évolué et sur les Series 3, c'est à peine si on a le temps de voir l'animation de chargement des apps !

À partir de ce 1er avril, les applications watchOS devront d'ailleurs être natives, ou elles ne seront pas… ou plus. Car bon nombre d'éditeurs ont quitté le radeau : Google Maps, Amazon, Target, eBay, et tout récemment encore la messagerie Slack. Des départs surprenants, alors que l'Apple Watch est devenu le carton que l'on sait (ou que l'on croit savoir, Apple ne donnant que de vagues estimations triomphantes) : si les utilisateurs sont là en nombre, pourquoi les développeurs bouderaient-ils une plateforme à succès ?

Apple continue d'enrichir la boîte à outils du SDK de watchOS, avec de nouveaux modes de fonctionnement en tâche de fond, d'un SiriKit toujours plus étendu (mais pas encore pour toutes les catégories d'apps), ou encore d'un accès direct aux capteurs des montres. Et puis les Series 3 avec leur connexion cellulaire coupent un peu plus le cordon avec l'iPhone, donnant encore plus d'autonomie aux apps.

Malgré tout, WatchKit pose toujours de sérieux problèmes aux développeurs, à commencer par des bugs qui mettent beaucoup de temps à être corrigés et pour une raison simple : Apple n'utilise pas cet outil pour ses propres applications watchOS. De fait, les ingénieurs et les développeurs d'Apple ne connaissent pas les mêmes difficultés (ni les bugs) que les dévs tiers. Les apps intégrées à l'Apple Watch sont forcément plus performantes puisqu'elles puisent directement à la source.

Mais au-delà des considérations techniques, c'est le principe même d'applications que l'on peut interroger. Cela tient d'abord, tout bêtement, au produit en lui-même : l'écran est petit, même sur le boîtier 42 mm. Il faut donc aller au plus vite et donner l'information désirée sans chichis — si on en veut plus, autant regarder sur l'iPhone.

L'éventail des fonctions pertinentes pour une app destinée à l'Apple Watch est bien plus limitée que sur un smartphone. Il y a bien eu quelques tentatives de jeux vidéo (Break this Safe, Letterpad, Rules!…) mais watchOS n'est pas devenue une plateforme gaming.

En termes de productivité, les possibilités aussi sont limitées, même des apps bien faites comme la calculette PCalc ou le coffre-fort de mots de passe 1Password demeurent bien plus efficaces et utiles sur l'écran de l'iPhone que sur l'Apple Watch.

Que reste-t-il alors de réellement pertinent pour l'écosystème watchOS ? Les apps de suivi de l'activité physique, qui sont nombreuses, riches et variées pour tous les types de sportifs, aguerris comme du dimanche. Les apps d'actualité qui, à l'instar de celles du Monde ou… iGeneration 😁 en offrent plus que les simples alertes.

Malgré tout, l'App Store de la montre reste peu garni et une visite depuis l'application Apple Watch n'est pas particulièrement stimulante : pas de catégories, pas de classements, très peu d'éditorialisation… C'est comme si Apple elle-même ne donnait pas l'impression de miser sur les applications tierces.

Apple n'est peut-être pas partie sur les bonnes bases pour l'Apple Watch. Pebble avait imaginé une intéressante fonction transversale avec Timeline, qui affichait dans une chronologie les événements passés (les résultats de rencontres sportives par exemple) et à venir (la météo, les prochains rendez-vous). Des informations fournies par les applications qui acceptaient ainsi de partager leurs données dans un pot commun, un peu à l'image d'HealthKit.

La Timeline sur une Pebble Time.

La solution pour enrichir l'écosystème logiciel de l'Apple Watch repose sans doute sur l'intégration des apps tierces au sein de watchOS. Les notifications enrichies donnent plus d'options : dans le cas d'une app d'actualité, on peut partager un article, le sauvegarder dans les favoris pour remettre plus facilement la main dessus, ou le marquer comme lu.

Les complications sont également un créneau à creuser ; ces petits morceaux d'apps présents en permanence sur le cadran répondent bien au besoin principal de l'utilisateur d'une montre connectée : consulter une information d'un coup d'œil.

Voilà qui nous amène au sujet qui fâche : si les applications tierces ont tendance à rester planquées au fin fond du sélecteur de l'Apple Watch (que ce soit le nuage ou la liste), en revanche l'utilisateur a toujours devant les yeux un cadran. Et malgré les efforts d'Apple pour renouveler un peu le catalogue et multiplier les personnalisations, cela reste encore trop peu une fois qu'on en a fait le tour.

La galerie de cadrans de l'application Apple Watch. Il ne manque plus grand chose pour la transformer en boutique de cadrans.

Les complications peuvent s'enrichir tant qu'elles le veulent, elles resteront toujours trop réduites et trop limitées. Beaucoup de développeurs aimeraient proposer leurs propres cadrans, ce qui enrichiraient considérablement la proposition logicielle de l'Apple Watch.

Mais Apple n'a jamais donné aucun signe d'une ouverture, exception faite des complications. Et a priori, le constructeur n'a pas l'intention d'en faire plus (lire : Pourquoi Apple garde le contrôle sur les cadrans des Apple Watch).

Concept Matt Birchler.

Une solution médiane pourrait être d'ouvrir le cadran Siri aux apps tierces : il est déjà possible de sélectionner les sources des données qui affichent des « cartes » dans ce cadran. Mais il ne s'agit que des applications d'Apple. Pourquoi ne pas proposer d'afficher des informations provenant de développeurs tiers ?

Messages : aussitôt lancé, aussitôt oublié

La boutique de Messages est la dernière plateforme d'Apple ouverte aux développeurs… et aussi celle qui semble rencontrer le moins de succès. Lancée à l'automne 2016 avec iOS 10, cet App Store propose des auto-collants et de petites applications pour égayer les discussions.

Apple n'a pas lésiné sur la communication autour de ce nouveau Messages, du moins au lancement avec une publicité dédiée aux stickers :

Mais depuis, c'est le calme plat sur ce front. Le contenu le plus intéressant de cette échoppe reste les auto-collants dont on se sert plus fréquemment que les mini-apps ; bien souvent, les stickers ne proviennent pas d'un paquet qu'on aurait sciemment téléchargé depuis la boutique de Messages, mais d'une application iOS qui installe son propre pack dans le tiroir de la messagerie d'Apple. Cela arrive fréquemment dans les jeux, par exemple.

La boutique de Messages fait rarement la une de l'actualité, elle reste assez difficile d'accès et l'usage que l'on peut faire avec les applications qu'elle distribue tient de l'anecdotique (à part les stickers bien sûr, très très importants !).

Apple TV : la télé plutôt que les apps

Si les applications ne sont pas forcément adaptées à l'Apple Watch, avec le recul on peut se demander si ce format venu tout droit de l'iPhone a une pertinence sur l'Apple TV.

L'ouverture de l'App Store de l'Apple TV, en octobre 2015.

À première vue pourtant, proposer une boutique d'applications pour l'Apple TV a du sens. Ne serait-ce que par la taille de l'écran ! Apple a même apporté une réponse à l'absence d'interaction tactile induite par le téléviseur : la télécommande Siri intègre en effet un trackpad.

À l'usage, cette télécommande rejoint la souris ronde des premiers iMac dans le panthéon des plus mauvais produits jamais conçus par Apple. On ne sait jamais dans quel sens l'utiliser, le fonctionnement du bouton TV est confus, et puis malgré ses capteurs elle ne fait pas un très bon contrôleur pour les jeux.

Or, le jeu vidéo, c'est un des usages « naturels » quand on se trouve devant la télé. L'ouverture d'une boutique d'apps, synonyme donc d'un grand choix de jeux vidéo, a soulevé un certain enthousiasme. Mais le soufflé soulevé par l'aspect vidéo-ludique de l'Apple TV, à l'époque totalement assumé par Apple, est vite retombé. Les jeux qu'on peut trouver sur l'App Store de tvOS se contentent trop souvent de n'être que des déclinaisons de leurs équivalents mobiles, mais sur grand écran.

Avec son processeur A8 et ses 2 Go de RAM, l'Apple TV de 4e génération n'était pas forcément en mesure de rivaliser avec les plus puissantes consoles de salon ; mais cela n'avait pas empêché la Wii de cartonner, si l'on prend l'exemple de Nintendo. Malheureusement, Apple a mal joué ses cartes en ne glissant pas dans la boîte une manette ou un contrôleur, des périphériques mieux adaptés au gaming que la télécommande (lire : L'Apple TV ne joue toujours pas).

Les quatre catégories qui se battent en duel dans l'App Store de l'Apple TV.

Quant au reste des applications proposées par l'App Store de l'Apple TV, le choix est limité : catalogues d'images (Ikea, tourisme, aquarium ou feu de cheminée), du fitness à faire devant la télé, des applications pour occuper les enfants… Beaucoup d'anecdotique en quelque sorte, et aussi des déceptions (lire : YouTube, Amazon Prime Video : des apps tvOS médiocres pour une plateforme en péril).

Apple n'aide pas les développeurs à ouvrir leurs horizons en l'absence de prise en charge de WebKit. Au contraire des applications iOS, tvOS ne sait pas afficher de pages web, les WebView. Les éditeurs d'apps d'actualité qui voudraient se lancer sur l'Apple TV doivent donc réinventer la roue pour adapter leurs contenus à tvOS, comme cela a été le cas pour iGeneration (lire : Dans les coulisses d’iGeneration TV). Ce n'est guère engageant alors qu'il y a là un potentiel intéressant pour la diversité de la boutique de l'Apple TV.

Comme avec l'Apple Watch, le péché originel d'Apple a été de plaquer sur l'Apple TV le même modèle que celui qui sert si bien l'iPhone. Une box TV, comme une montre connectée, n'est pas un smartphone ni une tablette. Chaque produit a ses spécificités et ses usages propres. Quand ce n'est pas pour jouer, le téléviseur sert à regarder quelque chose. D'où la profusion d'applications de contenus vidéo, ce qui est assez logique. Mais l'espoir de l'Apple TV, c'est que le constructeur a peut-être trouvé la voie à emprunter : l'application TV.

À bien des égards, cette application — disponible depuis début décembre en France — est ce qui manquait à l'Apple TV pour en faire une box de streaming compétente. L'app TV agrège les contenus proposés par l'iTunes Store et les partenaires d'Apple dans leurs propres applications. Tout n'est pas parfait, il y manque quelques gros poissons (dont Netflix), c'est parfois un peu le bazar et les suggestions peuvent être inadaptées aux goûts de l'utilisateur.

Mais dans l'ensemble, l'app TV est un écran d'accueil bien plus pertinent que la grille d'applications de tvOS. Ce n'est pas un hasard si le bouton TV de la télécommande affiche l'application TV plutôt que l'écran d'accueil de l'Apple TV (un comportement par défaut que l'on peut changer dans les réglages). Aux États-Unis, Apple y a ajouté les chaînes d'infos et de sports, ce qui là aussi a beaucoup de sens.

Apple doit encore ouvrir plus largement les portes de son app TV à d'autres fournisseurs de contenus, et pourquoi pas aux applications comme Plex ou Infuse… Il en va d'ailleurs de même pour la recherche universelle Siri, qui reste cantonnée à une (trop) petite poignée de services.

App Store, un modèle unique à suivre ?

Le succès de l'App Store pour l'iPhone a logiquement poussé Apple à multiplier les boutiques au fur et à mesure du lancement de nouveaux produits. Le constructeur s'est épargné au passage une réflexion plus profonde sur les usages de ces appareils.

La logique commandait effectivement de mettre sur pied un Store pour accompagner l'iPad. Mais était-il réellement pertinent de copier/coller la formule à l'Apple Watch et l'Apple TV ? Il a fallu attendre la Series 2 et watchOS 3.0 pour qu'Apple resserre les usages de sa montre connectée sur les notifications et le suivi de l'activité.

Le focus sur cette poignée de fonctions et l'amélioration constante des applications développées par Apple est ce qui a permis à la Pomme de trôner en tête du marché des « wearables » l'an dernier. Il n'est pas sûr que l'App Store pour watchOS ait réellement participé de ce succès.

Quant à l'Apple TV, ce n'est que très récemment que le constructeur a fini par trouver — à notre avis — le bon chemin, celui des contenus vidéo et de leur agrégation au sein de l'app TV. La box souffre d'autres problèmes pour véritablement s'imposer sur le marché, notamment son prix vraiment élevé face à la concurrence. L'App Store de l'Apple TV manque trop d'attractivité pour faire pencher la balance en faveur de l'appareil.

L'App Store n'est donc pas le sésame magique qui permet à un produit de s'imposer commercialement, c'est une partie d'un tout. Si l'App Store a tant réussi à l'iPhone, et dans une mesure moins spectaculaire à l'iPad, c'est que ces deux appareils ont aussi et surtout bénéficié d'une réflexion en profondeur sur leur utilité et ce qu'ils devaient apporter aux utilisateurs.

Dix ans après l'ouverture des portes du premier App Store, le concept reste néanmoins pertinent, charge à Apple de l'adapter à ses différentes plateformes. Quant aux développeurs, ils sont sans doute à la veille d'un big bang d'ampleur, si d'aventure le projet Marzipan arrivait à maturité. Le mois de juin et la WWDC s'annoncent plus que jamais très excitants !

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