Adios, le bloqueur de pub pour iOS 9 que nous avions testé début août, ne sortira pas. L'application est prête, mais son développeur a finalement estimé qu'il n'avait pas les épaules assez solides pour la porter et déplore « un manque de transparence » dans le milieu.
Plusieurs éléments intervenus au cours de ces dernières semaines ont donc fait changer d'avis Armand Grillet. Il y a pour commencer la menace d'être poursuivi en justice par l'industrie de la pub.
La semaine dernière, l'Interactive Advertising Bureau (IAB), la principale organisation qui regroupe les acteurs de la pub, a fait savoir qu'elle étudiait la possibilité de traîner devant les tribunaux les développeurs de bloqueurs de pub. Une action encore loin d'être retenue, précise l'IAB, mais qui inquiète tout de même Armand Grillet.
« Suis-je prêt à répondre aux annonceurs en cas de problème juridique ? Non, clairement pas, nous explique-t-il. Je ne veux pas avoir plusieurs milliers d'utilisateurs et devoir retirer Adios à cause d'une plainte, les obligeant à réinstaller une app. »
Alors qu'il est toujours étudiant, maintenir l'application sur le long terme demande aussi plus de travail qu'il ne l'imaginait. Il voulait au début entièrement automatiser le processus de mise à jour ; Adios mettait à jour les listes EasyList (qui contiennent les adresses des pubs à bloquer) en intégrant simplement les nouvelles quand elles étaient disponibles, mais le fonctionnement était loin d'être optimal :
Des utilisateurs se plaignaient car transformer la liste au format normal en une liste pour Safari demande un peu de temps CPU (plusieurs dizaines de secondes étaient nécessaires, ndr). [...] La transformation est désormais faite en amont en trois étapes : on parse la liste automatiquement, on transfère les listes sur un site Web quelconque et on met à jour une valeur dans CloudKit qui va envoyer les notifications aux utilisateurs pour que l'application télécharge les listes à jour. La dernière étape ne peut se faire qu'à la main, CloudKit ne permettant pas les mises à jour sans une connexion qui se fait via une interface Web, on ne peut pas avoir un process totalement automatisé.
Et puis il y a aussi « le nombre improbable d'applications offrant la même chose [qu'Adios] » qui a découragé Armand Grillet. Difficile de sortir du lot dans ce cas-là, d'autant plus quand on ne peut pas travailler à plein temps sur l'application. Il ne veut effectivement pas faire de l'argent avec Adios. « Je veux juste être acteur du changement [de la publicité en ligne] ! », nous disait-il, naïf, lors de nos premiers échanges, en août.
Le lancement, hier soir, des premiers bloqueurs a renforcé sa décision de ne pas se mêler aux autres. Il comptait donner un coup de main à Chris Aljoudi, le développeur du populaire uBlock sur ordinateur qui a sorti un bloqueur pour iOS 9. Il voyait dans Purify une app « indestructible », « open-source » et portée « par un développeur connu ».
L'étudiant avait commencé à promouvoir Purify sur son compte Twitter... avant de se raviser en voyant que l'app était payante, ce que lui avait caché Chris Aljoudi et qui va à l'encontre de ses idéaux. De plus, le code source de l'application n'est toujours pas disponible et le créateur de uBlock ne répond plus à ses mails.
Armand Grillet se rend compte maintenant que la plupart des développeurs sont attirés par l'appât du gain. Crystal, l'un des bloqueurs les plus médiatisés, est gratuit pour le lancement. Un cadeau du développeur ? Non, il pourrait s'agir d'un moyen d'attirer le plus d'utilisateurs possible dans la perspective de toucher beaucoup d'argent de la part d'Eyeo.
L'entreprise derrière Adblock Plus a contacté en effet certains développeurs pour qu'ils intègrent sa liste de « publicités acceptables » contre une rémunération mensuelle. D'après nos informations, Eyeo propose au départ 1 000 € par mois. Si le bloqueur dépasse le million d'utilisateurs, Eyeo verse 5 000 € par mois au développeur. Un sacré jackpot. (lire : Adblock Plus veut acheter les bloqueurs de pub pour iOS 9).
« Je retourne à ma vie d'étudiant et mets l'aventure Adios de côté après cette mauvaise expérience, conclut Armand Grillet, qui a libéré le code source d'Adios sur GitHub. Des ad blockers gratuits sont aujourd'hui sur l'App Store même s'ils ne sont pas aussi transparents que le mien. Je n'ai jamais vu un secteur aussi jeune et aussi pourri en même temps. »