Avec ses nouveaux Pixel 6 et Pixel 6 Pro, l’ambition de Google est montée d’un cran. Le géant de la recherche ne s’est pas contenté d’assembler un smartphone avec des composants disponibles sur le marché, il a conçu sa propre puce avec le Tensor, un SoC maison. Après Apple, c’est un élément essentiel de la stratégie de différenciation de ces nouveaux smartphones, même si les performances ne sont pas encore à la hauteur des meilleurs concurrents.
Pixel 6, « le vrai coup d'envoi » de Google sur le marché du smartphone
Pixel 6 : la puce Tensor de Google part avec un train de retard
Que Google n’atteigne pas le niveau d’un Apple, ou même d’un Qualcomm, dès la première génération de sa puce n’a rien de surprenant. Mais AnandTech s’est penché de plus près sur son cas et le site révèle que la puce Tensor n’est pas vraiment un SoC maison entièrement créé par les concepteurs des Pixel 6. Derrière les discours marketing se cache une autre réalité : Google a travaillé avec Samsung et l’entreprise coréenne lui a fourni une grosse base de travail.
Samsung est le fondeur, c’est-à-dire l’entreprise qui a produit les puces Tensor en utilisant une gravure de 5 nm. Jusque-là, rien de bien surprenant, Apple elle-même a utilisé les services de la firme, avant ceux de TSMC. Jusqu'à l'Apple A10 produit exclusivement par le fondeur taïwanais, Samsung servait uniquement à produire les puces, leur design a été entièrement pensé et conçu à Cupertino. Dans le cadre de la puce Tensor, la relation de travail avec Google est toutefois bien plus étroite.
Google a utilisé une puce conçue par Samsung en guise de base pour la sienne : Tensor est un dérivé de l’Exynos 2100, le SoC qui équipe les Galaxy S21. Les noms de code des deux puces sont très proches et AnandTech a repéré plusieurs composants identiques dans les deux. Les Pixel 6 ont ainsi bénéficié de l’expertise de Samsung, à la fois pour le choix des différents cœurs du CPU, pour le GPU, pour les contrôleurs de la mémoire et pour une bonne partie des composants spécialisées.
Ainsi, les composants chargés de l’encodage et du décodage matériel des vidéos sont fournis par Samsung et réutilisés par Google. Même l’ISP, qui est une brique essentielle pour l’appareil photo, repose en grande partie sur ce que l’entreprise coréenne a utilisé pour ses propres smartphones. Le modem 5G est également fourni par Samsung et c’est là encore le même que celui des Galaxy S21, même s’il a été placé à l’extérieur, là où l’Exynos 2100 l’intègre sur la même puce.
Pour autant, il serait exagéré de dire que la puce Tensor est une Exynos 2100 renommée pour les Pixel 6. Même s’il est indéniable que l’expertise de Samsung a été essentielle, cela ne veut pas dire que Google n’a pas eu son mot à dire. À partir du design créé par son partenaire, l’entreprise a modifié plusieurs éléments importants, à commencer par une organisation différente pour le CPU.
La puce Tensor exploite ainsi huit cœurs différents, avec deux performants, quatre économes et deux cœurs intermédiaires. Les cœurs performants et économes sont communs aux deux puces, mais Samsung avait privilégié les cœurs intermédiaires (au nombre de trois) au détriment des plus performants (un seul). Et puis, Google a fait des choix différents sur les générations de cœur, la fréquence ou encore la quantité de mémoire allouée à chaque fois. Par exemple, chaque cœur performant dispose d’un méga-octet de cache L2, le double de ce que l’Exynos 2100 embarque.
Ces modifications se retrouvent à tous les niveaux, jusqu’à l’ISP qui repose bien sur une base de Samsung, mais qui a été modifié par Google. La puce Tensor dispose de composants maison pour les traitements avancés de l’appareil photo, notamment la gestion automatique de la mise au point, de la balance des couleurs et de l’exposition. On trouve aussi une brique spécialisée dans la combinaison de plusieurs images en une seule, une technique que Google, comme Apple d’ailleurs, exploite massivement.
Enfin, le moteur neuronal est entièrement maison. C’est sur ce point que Google a peut-être le plus insisté et il faut dire que l’entreprise a une expertise indéniable dans ce domaine. La puce intègre le TPU, pour Tensor Processing Unit — qui a donné son nom au SoC complet —, sur lequel Google travaille depuis plusieurs années. Plus encore que le CPU, le GPU et tous les autres éléments qui composent la puce, c’est bien ce moteur neuronal qui semble avoir concentré les efforts et l’intérêt des concepteurs du smartphone.
Une fois le constat établi que Google a travaillé main dans la main avec Samsung pour créer le Tensor, que vaut cette puce face à ses concurrents ? Les conclusions des tests nombreux et rigoureux menés par AnandTech tendent à montrer que Google aurait peut-être mieux fait de reposer encore davantage sur l’expertise de son partenaire. Dans la majorité des tests, la puce des Pixels 6 est derrière la Qualcomm 888 qui est le meilleur de ce que l’on peut avoir dans le monde Android, mais elle cède aussi souvent le pas à l’Exynos 21001.
Une des raisons qui expliquent le retard de la Tensor face à la puce de Samsung est à chercher du côté de la mémoire et en particulier de sa latence. Le site note plusieurs choix étranges effectués par Google et qui justifient au bout du compte des scores inférieurs, en tout cas sur les mesures de performances du CPU. AnanTech relève aussi la présence étonnante de cœurs intermédiaires basés sur le design Cortex-A76 qui est dépassé aujourd’hui, ce qui pénalise la puce Tensor notamment en matière d’efficience. Une hypothèse serait que Google n’a pas eu le choix, c’était peut-être la seule option offerte par Samsung.
Déception aussi du coté du GPU. En théorie, le Mali G78 utilisé par Google est un monstre de puissance avec ses vingt cœurs, à comparer aux 14 cœurs « seulement » de l’Exynos 2100, d’autant que leur cadence est supérieure à ceux de Samsung. Mais cette puissance n’est pas exploitable en conditions réelles, car les Pixel 6 ne sont pas suffisamment équipés pour refroidir efficacement la puce. Résultat, le thermal throttling contraint les smartphones à offrir des performances moyennes, sans plus.
Fort heureusement, la puce Tensor reprend des couleurs avec son moteur neuronal. C’est indéniablement la clé de voute de ce SoC et Google a réussi son pari, avec des performances supérieures à la concurrence et une meilleure efficience, note AnandTech.
Est-ce suffisant pour compenser les déceptions liées aux CPU et GPU ? Le site considère que oui, sachant que les performances globales de la Tensor ne sont jamais mauvaises, au pire elles sont moyennes face à la concurrence. En revanche, le discours marketing sur la puce créée par Google est clairement exagéré…
Est-ce que Google a commencé par travailler avec Samsung pour gagner du temps, avant de prendre son indépendance au fil des mises à jour ? On le saura peut-être quand AnandTech mènera son analyse de la future nouvelle puce Google, déjà repérée par 9To5 Google. Pour le moment, on ne sait rien sur la future « Tensor 2 », mais peut-être qu’elle s’éloignera davantage des Exynos de Samsung…
-
Sans même parler des puces conçues par Apple, qui ont toujours leur longueur d’avance. ↩︎