Les ventes de smartphones Android "Premium" ont tapé dans un mur au printemps dernier, observe Charles Arthur. L'ancien responsable de la rubrique technologie du Guardian, détaille cette situation dans un long billet qui oppose les situations d'Apple et de ses concurrents. Au bout du compte, il formule l'hypothèse selon laquelle le milieu du smartphone va continuer à se résumer à une domination de deux entreprises, dont une seulement est capable de naviguer sereinement dans le haut de gamme.
D'abord, il y a ce constat général pour le second trimestre de l'année (avril à juin). Il y a un an, sur cette même période, les plus connus des fabricants Android — Samsung, LG, HTC, Sony, Motorola et Lenovo — avaient vendu presque 130 millions de smartphones, soit 43% d'un marché total de 301 millions d'appareils.
Un an plus tard, le même groupe (où Motorola a été racheté par Lenovo) a vu ses ventes réduites à presque 115 millions d'unités, soit une part de 34% sur un marché qui avait augmenté à 337 millions de terminaux. À chaque fois, c'est évidemment Samsung qui s'en est le mieux sorti, représentant 58% de ventes de ce groupe en 2014 puis 64% en 2015
Autre mauvais signe, d'une année sur l'autre, aucun de ces fabricants — même le géant sud-coréen — n'a réussi à écouler plus de téléphones. Même son de cloche pour les bénéfices opérationnels de ces constructeurs. Certains perdent tout simplement de l'argent avec cette activité, tels Sony ou le cas emblématique d'HTC qui ne cesse de se débattre sur ce secteur.
Chaque nouveau modèle lancé cette année a eu sa part de responsabilité dans cette piètre tenue des ventes, constate Charles Arthur. Le nouvel HTC ne se distinguait pas assez de l'ancien quant aux Galaxy S6, ils n'ont pas séduit autant qu'espéré. LG, a beau mettre le paquet sur la partie photo avec le G4, il ne fait pas non plus tourner les têtes des clients.
Apple, à l'inverse, joue sa propre partition, et a vu sa courbe des ventes continuer de progresser. Sur ce même trimestre depuis 2013 — qui n'est pas le plus soutenu de l'année — les ventes d'iPhone ont été de 31 millions, puis 35 millions et enfin 47,5 millions cette année.
Vendre plus pour gagner moins
Les estimations de ce que gagnent les fabricants sont encore plus cruelles. C'est devenu un classique. Un géant comme Samsung vend nettement plus de smartphones qu'Apple mais il n'en dégage pas la même manne financière. Le prix moyen de vente (Average Selling Price, ASP) d'un iPhone sur cette période tourne autour de 660 $ avec un bénéfice par unité estimé à 184 $. Pour Apple les ventes progressent en continu et son ASP est l'un des plus élevés qu'elle ait connus, notamment grâce à l'arrivée des iPhone 6 et 6 Plus qui vont plus haut dans les prix.
Pour Samsung, les estimations sont respectivement d'un ASP de 286 $ et d'un bénéfice de 33 $. Chez ses camarades, c'est carrément la soupe à la grimace : Sony et HTC auraient perdu 26 $ et 36 $ sur chaque téléphone vendu, quant à LG il aurait, lui, dégagé un bénéfice de quelques cents…
Plusieurs facteurs contribuent à rendre la tâche difficile pour les grands acteurs du haut de gamme Android. Certains marchés ralentissent, la concurrence d'une poignée de constructeurs chinois comme Huawei (on a vu encore hier ses grandes ambitions avec son prochain modèle Force Touch), Xiaomi ou OnePlus est exacerbée. Et puis il y a une offre produits qui manque peut être de relief ou de logique.
Le journaliste s'interroge par exemple sur l'intérêt pour un client de préférer un Galaxy S6 flambant neuf lorsque ses prédécesseurs, les S4 et S5, sont toujours dans la course, avec l'avantage de posséder leur port microSD et une batterie amovible, le tout à des tarifs très accessibles.
Avec des nouveaux venus qui opposent à Samsung et consorts des produits globalement de même tenue pour moins cher, la situation est compliquée dans le haut de gamme. Il est de plus en plus difficile de distinguer leurs produits de ceux des challengers. Apple, de son côté, peut faire valoir tout son écosystème matériel et logiciel. Samsung et Apple tiennent donc ce marché du smartphone mais il n'y a que la Pomme qui semble capable de profiter à plein du segment haut de gamme, le plus rémunérateur.
Deux rapports de Kantar Worldpanel publiés cette semaine sont également porteurs de bonnes nouvelles pour l'écosystème iOS. La première étude porte sur le trimestre de cet été. Sur les 5 grands marchés européens, iOS a repris des parts des marché à Android (sauf l'Espagne où les OS progressent légèrement, de concert). Situation identique en Chine, au Japon et en Australie. Seule fausse note, les USA avec 1,7 de ventes en plus pour Android et -1,3% pour iOS.
La progression d'Android et la décroissance d'iOS ralentissent chacune, observe Kantar. Mais pour ceux qui estiment qu'Apple a peut-être mangé son pain blanc avec le gros succès rencontré par les 6 et 6 Plus, Kantar invite à prendre un peu de recul. Carolina Milanesi souligne dans une deuxième étude que l'arrivée de ces nouveaux iPhone est une formidable opportunité de ventes pour la gamme qui s'efface, grâce aux baisses mécaniques de prix.
L'ancien a la cote chez les iPhone
Sur les deux plus gros marchés au monde que sont les États-unis et la Chine (en milieu urbain), le délai moyen de renouvellement d'un iPhone est respectivement de 25 et 19 mois. En clair, il y a un fort potentiel chez les clients dans les intentions de renouvellement. Car tout le monde ne va pas se précipiter sur la nouvelle gamme vendue plein pot, les iPhone 6 et 6 Plus actuels vont devenir bigrement intéressants financièrement parlant.
Carolina Milanesi rappelle ainsi que 32% des ventes d'iPhone 5s aux États-unis ont été réalisées après l'annonce officielle des iPhone 6. Sur le trimestre qui s'est achevé en juillet dernier, ce 5s était encore le quatrième smartphone le plus vendu dans le pays. Selon les rumeurs, il est en passe devenir le modèle "offert" par les opérateurs, en lieu et place du 5c. Scénario similaire en Chine où l'iPhone 5s a pesé pour 36% des ventes en milieu urbain alors qu'Apple avait levé le voile sur ses remplaçants
Conclusion de Kantar : « Avec 31% des propriétaires d'iPhone américains et 32% dans la Chine citadine qui ont acheté leur appareil il y a plus de deux ans, les opportunités de remplacement par de nouveaux modèles ne sont guère en danger. ». On peut comprendre dès lors l'optimisme de Tim Cook et de certains de ses partenaires sur le moyen-long terme pour l'iPhone.