La sempiternelle question de la fragmentation va-t-elle devenir un nouveau sophisme, une reductio ad fragmentum dont Apple use et abuse ? Si l’on en croit les quelques données publiées par Google et le ressenti des développeurs, c’est peut-être déjà le cas.
Fragmentation : « ce mot veut tout dire, ce mot ne veut rien dire », s’énervait Dan Morrill… en 2010 déjà. Malgré les dénégations de l’ingénieur travaillant sur Android, la fragmentation n’était à l’époque pas « un mythe » : il s’agissait d’un véritable problème de compatibilité des APIs et de format des appareils Android.
Mais depuis, Google a ralenti le rythme de développement d’Android, et il n’y a plus grand monde pour fabriquer des smartphones à clavier physique ou écrans carrés. De fait, ramener Android à la fragmentation est aujourd’hui aussi pertinent que de disqualifier Microsoft parce qu’elle a commis Internet Explorer 6.
Même parmi les développeurs iOS, on admet volontiers que Google a corrigé le tir. De ce point de vue, l’expérience de Russell Ivanovic, dont le podcatcher Pocket Casts est une référence aussi bien sur iPhone que sur Nexus 5, est instructive. Son application iPhone est déclinée en deux formats : un pour les écrans 3,5 pouces, un pour les écrans 4 pouces. Les ressources pour les écrans 3,5 pouces doivent être exportées dans deux définitions (non-Retina/Retina), mais cela ne change rien au travail général.
La situation est aujourd’hui très similaire côté Android : pour couvrir les dix appareils les plus populaires chez ses clients, et la plupart des autres, il lui suffit de prendre en compte trois formats. Le format 16:9 est devenu un standard de l’industrie du smartphone dont peu d’appareils s’écartent, à l’exception notable du Nexus 4 (légèrement plus haut) et du Galaxy Note (légèrement plus large).
Les choses sont différentes sur tablettes, où les interfaces sont conçues moins selon des formats (16:9, 4:3…) que selon des tailles (7 pouces, 10 pouces…). Mais le fait est que la fragmentation est un problème moins pressant qu’il ne l’était — d’autant moins que la compatibilité des APIs n’est aujourd’hui plus liée à la version du système. Apple s’amuse qu’Android 4.1 soit la version la plus utilisée quand Android 4.4 est sorti et Android 5.0 a été présenté ?
Google lui répond en affirmant que 93 % des utilisateurs d’Android utilisent la dernière version des Google Play Services, qui est devenue la brique logicielle la plus importante du système. Sous le contrôle strict de Google, les applications embarquées et les APIs sont mises à jour toutes les six semaines, indépendamment d’Android, des fabricants et des opérateurs. Android y a sans doute perdu en ouverture, mais il y a gagné en cohérence.