Huawei est au cœur de l’actualité, mais pas forcément pour les bonnes raisons. Le constructeur doit dévoiler un smartphone pliable à l’occasion du MWC, puis le P30 à Paris le 26 mars. Mais le géant chinois doit également faire face à des suspicions de vol de technologies et d’espionnage industriel, en particulier de la part des États-Unis. À tel point que le pays pousse ses alliés à barrer la route de Huawei dans leurs appels d’offres pour les réseaux 5G.
Cette pression porte ses fruits : en dehors des États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont déjà interdit à l’équipementier de fournir les infrastructures 5G. Le Canada, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et d’autres marchés très importants sont en train d’évaluer les risques que fait peser Huawei sur leur sécurité nationale. Meng Wanzhou, la directrice financière du groupe, a été arrêtée au Canada à la demande de la justice américaine, qui veut l’entendre sur 23 chefs d’inculpation concernant, entre autres, une possible violation de l’embargo contre l’Iran.
Ren Zhengfei, le fondateur et patron de l’entreprise (et père de Meng Wanzhou), est sorti du silence dans une interview à la BBC. Ses propos ont le mérite de la clarté : « Les États-Unis ne pourront pas nous écraser », affirme-t-il. « Le monde ne peut pas nous mettre de côté car nous sommes plus avancés ». Les États-Unis ne représentent pas l’ensemble du monde, dit-il aussi. « L’Amérique ne représente qu’une partie du monde ».
De fait, Huawei mise beaucoup sur l’Europe, avec la France comme porte d’entrée : le constructeur y organise régulièrement de grandes présentations. Et les investissements qui ne sont pas réalisés aux États-Unis sont réaffectés au vieux continent. Même si certains pays décident de ne pas faire affaire avec Huawei pour les réseaux 5G : l’entreprise n’arrêtera pas d’investir au Royaume-Uni « à cause de ça » (Londres doit donner la marche à suivre aux opérateurs locaux en mars ou en avril).
Au centre du jeu politique et diplomatique
En ce qui concerne l’arrestation de Meng Wanzhou, il s’agit pour lui d’un « acte politiquement motivé qui n’est pas acceptable ». Les États-Unis « aiment sanctionner les autres, peu importe le problème, ils utilisent ce genre de méthodes agressives. Nous ne sommes pas d’accord ». Désormais, le dossier est entre les mains des justices américaine et canadienne.
Ren Zhengfei s’érige également en faux face aux accusations d’espionnage : les autorités chinoises utiliseraient les équipements de Huawei pour avoir un œil et une oreille partout dans le monde. « Le gouvernement chinois a déjà clairement dit qu’il n’installait pas de portes dérobées. Et nous n’en installons pas non plus ». Le constructeur ne veut pas prendre le risque de « dégoûter un pays et [ses] clients à cause de [ces pratiques] ».
Le patron de Huawei assure que son groupe ne se lancera jamais dans de l’espionnage. Et si c’était le cas, « alors je fermerai l’entreprise ». Ren Zhengfei s’est montré plus évasif lorsque la BBC a évoqué les liens entre Huawei, l’armée chinoise et le gouvernement : selon lui, il ne s’agit que d’allégations, pas de faits. Les connexions politiques ne sont pas ce qui ont permis à Huawei de connaitre le succès, explique-t-il.