Les grandes manœuvres se poursuivent dans le paysage français de la vidéo à la demande sur abonnement (SVOD). Et le nerf de la guerre, ce sont les contenus. Netflix n’est pas parvenu par hasard à recruter plus de 3,5 millions d’abonnés en France, soit la moitié du marché hexagonal : son catalogue de films et de séries TV, que chacun peut apprécier en fonction de ses goûts, attire les spectateurs.
Un catalogue nourri en partie par des productions France Télévisions, ce qui ne fait pas les affaires du service public de la télé. Le groupe prépare en effet son nouveau service de SVOD, Salto, avec l’aide de TF1 et de M6. Mais pourquoi les abonnés iraient verser leur obole à Salto si le contenu du service franco-français est déjà disponible sur Netflix ?
Pour avoir une plus grande mainmise sur les programmes financés par le groupe, France Télévisions devait s’entendre avec les producteurs ; jusqu’à présent, ces derniers avaient toute latitude pour vendre leurs programmes à une plateforme SVOD, France Télés ne pouvant exploiter ces contenus qu’en linéaire (à la télévision classique) pendant 4 ans, et en rattrapage numérique pendant 7 jours.
Un exemple : la série Dix pour cent a été visible sur Netflix très rapidement après sa diffusion sur France 2. Or, c’est typiquement le genre de programmes que France Télévisions veut se garder au chaud pour son propre service de SVOD. Les négociations avec les producteurs ont abouti rapidement : ce vendredi 11 janvier, le groupe annonce en effet un accord.
France Télévisions bénéficie désormais d’une durée de 12 à 24 mois afin d’exploiter en SVOD les fictions financées à plus de 66% par ses soins, ainsi que les documentaires au-delà d’un financement de 55%. Les programmes pourront par ailleurs être exploités en rattrapage durant 6 à 9 mois en fonction des sous donnés par France Télés pour la production de l’œuvre. Les producteurs ont reçu de leur côté plusieurs contreparties et engagements de financement.
France Télévisions vient en quelque sorte de mettre sur pied l’équivalent de la chronologie des médias, mais pour les séries TV et les documentaires. Pour pouvoir regarder un programme déjà diffusé sur une des chaînes du groupe, il faudra en passer par un de ses services de rattrapage, de VOD ou de SVOD gratuits ou payants1. Ou attendre plusieurs mois, voire des années, pour les retrouver sur Netflix et les autres plateformes de SVOD.
Cela procède après tout d’une certaine logique industrielle et stratégique. La bataille des contenus que se livrent toutes ces entreprises représente un enjeu international : ce n’est pas un hasard si Disney et DC/Warner ont lancé leurs propres plateformes de SVOD en ligne, chacune avec des programmes exclusifs que Netflix ne peut pas proposer. Sans oublier, bien sûr, Amazon et un certain Apple…
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Ou utiliser d’autres méthodes illégales, comme c’est malheureusement le cas pour bien des films pris dans la nasse de la chronologie des médias. ↩︎
Source : Le Figaro