Dans les années 70, lorsque des étudiants s’enfermaient dans un garage, c’était pour concevoir un ordinateur. En tout cas, c’est ce que dit la légende. Quarante ans plus tard, les mêmes garages servent à mettre au point des voitures autonomes.
Le nom de George Hotz (Geohot) doit certainement vous dire quelque chose. Alors qu’il n’avait que 17 ans, il fut le premier à jailbreaker un iPhone. Aujourd’hui, son nouveau dada, c’est la voiture autonome.
Le jeune homme a mis au point un prototype tout seul, en guère plus d'un mois. Il a pris comme modèle de base un Acura ILX 2016 qu’il a bourré d’électronique. C’est d’ailleurs assez marrant, les photos publiées montrent beaucoup d’électronique grand public. On y voit un vulgaire hub USB Amazon Basic ou encore un écran 21“ Dell comme tableau de bord. Le hacker, pas peu fier, fait remarquer que les Tesla n’ont que des écrans 17”.
Cette voiture tourne sous Linux (Ubuntu a priori). Le joystick qui donne l’impression d’être dans une bat-mobile n’est là que pour permettre de réaliser des tests. Enfin, la boite à gants a été recyclée en mini-ordinateur avec tous les équipements nécessaires pour faire fonctionner un tel engin : mini-pc, hub, GPS, capteurs…
Il faut s’imaginer la scène. George Hotz a invité Ashlee Vance, journaliste chez Bloomberg Businessweek, quelques jours avant Thanksgiving. Le journaliste connaissait très bien le palmarès d’exploit réalisé par Geohot, mais l’idée de concevoir une voiture autonome seul et en un mois parait délirante. À comparer avec les centaines d’ingénieurs qui travaillent depuis des années sur des projets similaires chez Google ou chez Tesla, pour ne citer qu’eux…
Une fois le tour du propriétaire terminé, George Hotz a dit à son invité, un brin sceptique, que le meilleur moyen de se rendre compte de tout cela était de faire un tour en voiture. On imagine le petit stress qu’a dû avoir le journaliste lorsqu’il est monté pour la première fois dans la voiture. Geohot a su le mettre à l’aise avec des petites phrases bien senties du genre « Ne touche à aucun bouton sinon on meurt » ou en lui révélant quelques anecdotes. Le système de conduite automatique avait fonctionné correctement pour la première fois le matin même !
Il y a encore beaucoup d’inconnues dans ce projet qui laisse rêveur, mais celui-ci est peut-être aussi révolutionnaire que les micro-ordinateurs des années 70. Son but est de commercialiser un package aux particuliers et/ou aux constructeurs automobiles permettant de rendre n’importe quelle voiture autonome pour environ 1000 $.
Le package embarque notamment six caméras (13$ l’unité, similaire à celle que l’on trouve sur les smartphones). La force de son système, c’est d’avoir mis au point un logiciel d’intelligence artificielle qui apprend comment le conducteur pilote et comment il prend ses décisions. Par exemple, si le conducteur se décale sur la gauche dans la mesure du possible quand il dépasse un cycliste, la voiture reproduira la manoeuvre les fois suivantes. Elle apprend ainsi en très peu de temps toutes les règles de la conduite : maintenir une distance de sécurité avec les voitures de devant et derrière, ne pas franchir une ligne blanche…
Le journaliste qui a eu l’occasion de faire plusieurs « voyages » en l’espace de quelques jours a été particulièrement surpris par les progrès accomplis par la voiture en quelques jours, qui à chaque fois devenait toujours plus intelligente.
Non seulement la solution de George Hotz exploite l’intelligence artificielle comme aucune autre, mais elle est très peu chère. La plupart des voitures proposant des fonctions de pilotage automatique reposent sur les technologies de Mobileye, une société israélienne. La fonction Autopilot de Tesla est en fait un repackage des technologies de Mobileye (lire : Les voitures Tesla conduisent (presque) sans vous).
Pour George Hotz, la technologie de Mobileye est dépassée. Il a promis de publier d’ici quelques mois une vidéo sur YouTube où sa voiture se montrera plus à l’aise dans la conduite autonome que la Tesla S.
Une manière pour lui de montrer que sa technologie est viable et aussi de gagner un vieux pari avec son fondateur Elon Musk. Les deux hommes s’étaient rencontrés il y a quelques mois. Le hacker lui avait assuré qu’il était capable de mettre au point une technologie bien plus performante que Mobileye en relativement peu de temps. Musk s’était montré intéressé, allant même jusqu’à lui proposer un contrat de plusieurs millions de dollars s’il y parvenait. Mais le patron de Tesla n’a eu de cesse de changer d’avis. Ne se sentant pas pris au sérieux, Geohot décida alors de faire cavalier seul.
Assez atypique, l’homme n’est pas obsédé par l’argent. Ce qui l’intéresse, « c’est le pouvoir » dit-il, mais « pas sur les hommes », plutôt « sur la nature et le futur des technologies ». Il conclut en disant « Je veux juste savoir comment tout cela fonctionne ». De quoi largement remplir une vie !
Source : Bloomberg Businessweek