C'est dans une relative discrétion qu'Amazon va lancer ce vendredi son tout premier smartphone, le Fire Phone. S'il est vrai que les premières impressions sont les meilleures, alors le mobile a raté son entrée dès son annonce, où il avait été étrillé par les journalistes présents à l'événement (lire : Fire Phone : le pari qu'Amazon pourrait ne pas tenir). L'appareil aurait créé la sensation il y a deux ou trois ans, mais en 2014, il a été accueilli très froidement par les testeurs américains qui ont eu l'occasion de jouer avec durant quelques jours.
Le résultat n'est en effet guère encourageant pour Amazon. Les deux fonctions principales mises en avant par le constructeur sont jugées par la plupart des testeurs comme des gadgets dont il reviendra aux développeurs tiers d'imaginer des usages innovants. La fameuse interface 3D, baptisée Dynamic Perspective, a provoqué chez la femme de Brad Molen le même mal de mer que l'effet Parallax d'iOS 7. Il est possible de le désactiver (ce qui sera un réel soulagement pour la batterie), mais en ce cas l'appareil perd beaucoup de son intérêt.
Si les écrans d'accueil animés ont été appréciés, pour le reste la plupart des usages de Dynamic Perspective n'ont pas montré de très grand intérêt. Farhad Manjoo a ainsi qualifié l'Auto Scroll (qui permet de passer d'une page de livre à une autre d'un mouvement) d'« ennuyeux ». Le fait de pouvoir jeter un œil « autour » des icônes n'apporte rien selon David Pierce; dans l'app Maps, il n'est pas plus rapide de bouger la tête que d'utiliser ses doigts, rapporte t-il encore.
Frustrant, c'est un des qualificatifs donnés au Fire Phone par Walt Mossberg qui estime que les principales fonctions de l'appareil sont « moins pratiques » qu'espéré. Les fonctionnalités basiques d'un smartphone ne sont pas au point, ce qui est un peu embêtant quand en face, on trouve des mobiles doués comme l'iPhone ou les Galaxy.
L'autre fonction exclusive au Fire Phone est Firefly : celle-ci dispose de son propre bouton physique (en tandem avec l'appareil photo) et permet d'identifier à peu près tout ou presque. Ce service nécessite encore un peu de travail, David Pierce indiquant par exemple que tous les objets n'ont pas été bien reconnus. En revanche, ce qu'Amazon a parfaitement accompli, c'est la possibilité d'acheter ces items sur la boutique du distributeur ! Le même Pierce s'est ainsi retrouvé avec une commande inattendue de… papier toilette. Il en avait acheté pour une quarantaine de dollars sans prendre garde.
Il y a pourtant quelques bonnes idées, à l'instar du panneau « Delighters », qui affiche du contenu contextuel suivant l'application ouverte (vue « aujourd'hui » avec l'écran d'accueil, les paroles des chansons dans le lecteur musical, etc.) Le service Mayday, qui permet d'appeler au secours le SAV d'Amazon (avec un vrai humain qui répond aux questions et peut même prendre la main sur le smartphone), est aussi sympathique.
Le Fire Phone ressemble en fait plus à une vitrine qui permet d'acheter plus rapidement et plus efficacement sur Amazon qu'à un smartphone en bonne et due forme. Si le shopping mobile peut être un atout sur un téléphone, c'est loin d'être un argument décisif. Ce d'autant que le Fire Phone est très loin d'offrir le même écosystème qu'iOS ou Android alors qu'il est proposé au même prix que les porte-étendards d'Apple, de Samsung ou d'HTC.
Tous ou presque regrettent également le choix d'Amazon de partir à la conquête du marché avec un partenaire exclusif, AT&T, qui n'a pas la meilleure réputation qui soit, et qui exige un forfait de deux ans (une version sans boulet est cependant proposée à 650$, mais le réseau reste limité à celui de l'opérateur). Tout cela n'augure pas vraiment d'un gros succès pour ce terminal, ce qui aura pour corollaire des développeurs peu intéressés pour tirer profit des capacités du Fire Phone.