Pour 59 €, qu'est-ce qu'on a aujourd'hui chez les géants de la high-tech ? Chez Apple, on vous propose un bracelet d'Apple Watch d'entrée de gamme. Chez Google, ce sera une petite enceinte Bluetooth dotée d'un assistant intelligent capable de vous entretenir sur la composition de la lave d'un volcan, de diffuser les dernières informations, de livrer le bulletin météo, de changer la température du salon et d'enchaîner sur une playlist musicale.
D'un côté un peu de bagatelle, de l'autre une fenêtre sur le futur. D'aucuns diront que 59 € ce n'est pas cher payé pour vendre son âme au diable Google. Plus prosaïquement, en attendant les Echo d'Amazon (en tests) et le HomePod d'Apple (en retard), la filiale d'Alphabet est la seule à occuper le terrain dans l'Hexagone (lire aussi Amazon testerait ses enceintes intelligentes Echo pour la France) et ce prix plancher est le meilleur moyen de faire entrer son assistant n'importe où (le HomePod sera vendu 349 $).
Design
Le Google Home Mini est le petit frère du Google Home que nous avions testé cet été. Il y a un gros changement sur la forme mais pas trop sur le fond. L'objet a rapetissé pour devenir un gros galet en plastique — on peut lui trouver un air de chapeau de champignon — habillé en surface d'une sorte de textile en couleur gris clair, corail ou charbon (photos de la vue intérieure). Toujours branché au secteur par sa prise micro-USB, il n'a qu'un seul bouton sur sa base, il fait office d'interrupteur pour couper les deux microphones internes et lui boucher les oreilles.
Les interactions tactiles sont possibles mais Google a dû en bloquer après la découverte d'un bug assez gênant. On ne peut plus lancer l'écoute en tapotant sur la surface du Mini. Conséquence pour ceux qui voulaient avoir le micro coupé en permanence et ne l'activer que ponctuellement et manuellement, il n'y a plus de solution. Le micro doit rester ouvert en attendant que Google revoie sa copie, voire son matériel.
Il reste donc les tapotements sur les côtés de cette tête de champignon pour varier le volume sonore. Plus généralement, quatre diodes reflètent l'activité : écoute en cours, niveau sonore, état d'activité du micro. Tout ce que l'on disait dans le précédent test s'applique à nouveau. Lancez « Ok Google » ou « Dis Google » à la cantonade, suivi de votre requête, et l'assistant répond après un bref moment de réflexion.
Qualités sonores et d'écoute
Prévisions météo, diffusion des derniers bulletins d'actualité, lancement d'une playlist sur Spotify (ou Apple Music, Deezer ou Google Music), lecture du résumé d'un article sur Wikipédia à la suite d'une question de culture générale, minuteur de cuisson, jeux de devinettes, réglage à distance de mon thermostat Nest, voilà grosso modo à quoi le Mini m'a servi au quotidien depuis quelques jours.
Dans certains cas, Siri sur mon iPhone aurait pu faire la même chose. Dans d'autres, il n'a pas les clefs, par exemple pour contrôler Spotify ou mon Nest ou me dire qui était Jules César (le Google Home Mini me lit un extrait de Wikipedia, Siri revient bredouille après l'avoir cherché dans mes contacts).
Au vu de sa taille, le Mini n'a aucune prétention sonore. C'est du niveau d'une petite enceinte Bluetooth, non pas bas de gamme mais de celles qui suffiront pour jouer de la musique dans une chambre. Dans une pièce plus grande, comme un salon, je m'en suis servi pour diffuser de la musique mais uniquement à titre de léger fond sonore. Pour tout ce qui est bulletins d'information et tous les échanges vocaux que vous avez avec cet assistant, son unique haut-parleur est tout à fait satisfaisant.
Côté audition, le Mini ne se débrouille pas mal non plus. Il m'est arrivé de le solliciter en étant à une dizaine de mètres, en articulant bien mais sans hausser la voix exagérément et alors qu'une autre enceinte Bluetooth jouait de la musique à volume raisonnable. Nul besoin d'être à côté pour l'enquérir et n'importe quel membre de la famille peut s'en servir, il n'est pas rivé sur votre voix.
On peut enchainer sa question juste après l'avoir interpellé ou bien préférer jouer la prudence et attendre le signal sonore qui prévient que l'assistant est bien à l'écoute avant d'énoncer sa requête.
Dans ces échanges, deux choses au moins gagneraient à s'améliorer. D'abord, la voix qui manque un peu de fluidité et de nuances. On sait qu'on parle à Google Assistant, tout comme on sait qu'on parle à Siri (aux Etats-Unis Siri a fait des progrès pour sonner plus naturel). Ce n'est pas gênant pour des réponses courtes mais ce serait plus agréable lorsqu'on vous lit un passage de Wikipedia.
Ensuite, et c'est de loin le plus barbant, il faut systématiquement démarrer ses requêtes par "Dis Google" ou "Ok Google". Pas moyen de lancer immédiatement une autre question après avoir eu sa réponse à la précédente. Vos proches, moins sensibles aux charmes de cette technologie domestique et à ses inévitables balbutiements, peuvent en avoir vite marre de vous entendre appeler "Google" à tout bout de champs comme s'il s'agissait d'un membre de la famille…
Ceci étant, précéder toute écoute plus attentive de vos paroles de ces deux mots-clefs assure que vos propos ne partiront pas sur les serveurs de Google (sauf bug matériel, comme celui évoqué plus haut). Car vous pouvez retrouver l'historique de toutes vos interactions dans la section Mon activité de votre compte Google.
Mémoire d'éléphant
L'assistant conserve la version audio de vos questions. Pour les autres membres de la famille, c'est une retranscription généralement textuelle. Dans tous les cas, vous avez un compte rendu précis de ce qui a été demandé à l'assistant (et répondu), même en votre absence. Cet archivage audio est optionnel, Google conseille toutefois de l'activer pour améliorer la capacité de reconnaissance de votre voix et de vos prononciations.
Même si l'on peut supprimer à tout moment ces archives, il faut garder à l'esprit que tout est stocké dès les moments où vous avez prononcé "Ok Google". Au moins ces coulisses sont-elles transparentes et facilement accessibles depuis l'app Google Home ou sur le web.
Assistant intelligent
Si l'on devait citer un avantage à ce journal d'activé c'est qu'il permet de comprendre parfois pourquoi l'assistant n'a pas su vous répondre. On peut relire ou réentendre la question telle qu'il l'a comprise.
Premier exemple avec mon thermostat Nest, ajouté comme service tiers (celui de Netatmo est aussi compatible) Avec les trois ordres suivants, l'assistant n'a pas su agir et l'a signifié par diverses réponses embarrassées :
- « Mets la température du thermostat à 19 et demi »
- « Mets la température du salon à 18,5 degrés »
- « Mets la température du salon à 18 et demi »
Dans les trois cas suivants c'est peut-être notre diction qui n'était pas bonne, puisqu'il a mal compris la phrase (le "21 ans") ou coupé l'écoute avant la fin de la phrase et s'est mis en tête d'aller sur Spotify :
- « Mets la température du thermostat de 18,5 degrés »
- « Mets la température du salon à 21 ans »
- « Mets la température » Ici, il a lancé illico sur Spotify le titre "La température" de Victor Vivier (l'occasion pour moi de découvrir ce conteur et amuseur Normand dont la faconde a brutalement rempli mon salon)
À l'inverse des précédentes, ces requêtes ont correctement fonctionné :
- « Mets la température du salon à 21 degrés »
- « Mets la température du thermostat à 18 degrés »
- « Monte la température » (il le fait d'autorité de quelques degrés supplémentaires)
Ce qui est surprenant c'est qu'il n'y a pas une immense différence entre les requêtes incomprises du premier bloc et celles ci-dessus. Dans les deux cas on parle de température, de thermostat et on donne un chiffre qui est compris. Google, le moteur de recherche, arrive souvent à retourner des réponses pertinentes avec des requêtes beaucoup moins bien formées voire erronées dans l'orthographe.
- « Qu'y a-t-il dans mon emploi du temps aujourd'hui » l'a laissé interdit, mais « À quoi ressemble ma journée » fonctionne. Bref… parfois il faut apprendre par cœur la bonne phrase, ce qui va à l'encontre d'une utilisation spontanée.
Google Music (version payante), Apple Music (en bêta), Deezer et Spotify peuvent être associés dans les services, j'ai donc branché l'assistant sur le service suédois (l'enceinte marche aussi avec Spotify Connect). On peut alors demander à entendre un artiste ou un genre musical et l'assistant fera son choix, un peu au hasard.
Cela a été plus compliqué pour obtenir la lecture de ma playlist fourre-tout, celle que j'utilise le plus parmi les 10 que j'ai. Il n'arrivait que très rarement à comprendre le nom de celle-ci ("Ma playlist"). Après plusieurs changements, j'ai fini par lui attribuer mon prénom. Et plus simple encore, à lui attribuer un raccourci.
C'est quelque chose que l'on peut faire pour n'importe quelle requête récurrente ou fastidieuse. Désormais je dis « Ok, Google… "Spotify" » et il active ma playlist principale. En disant « Ok, Google… "19" » il règle cette température sur le thermostat.
Autre exemple dans Spotify, le service génère pour tous ses abonnés une playlist personnalisée baptisée "Découvertes de la semaine". Malheureusement, chaque fois que je la demande — et il comprend parfaitement ma requête — il en lance une autre baptisée "Découverte de la semaine TOP" créée par un utilisateur que je ne connais pas. De guerre lasse j'ai aussi créé un raccourci mais sans que cela n'arrange l'affaire.
Une autre fois j'ai demandé « Joue le dernier album de Bernard Lavilliers » puis « Joue l'album "5 minutes au paradis" sur Spotify ». Google a bien lancé du Bernard Lavilliers mais un morceau pris au pif et jamais de cet album tout juste sorti et référencé sur le service de streaming. Puis, quelques jours plus tard, ça a très bien fonctionné.
Casse-tête également pour lui faire jouer l'album "Jazz Loves Disney 2", il a plusieurs fois lancé "Careless Love" de Sidney Bechet, ou autre chose.
Toujours dans le registre des faux pas, plusieurs médias radiophoniques mettent à disposition des flux façon podcasts. Vous ne pourrez écouter les stations de Radio France, Europe 1, RTL… en entier et en continu au fil de la journée — pourtant cette petite enceinte ferait un bon poste de radio (nb : correction, c'est possible) — mais des portions de leurs journaux et rubriques. On ne peut s'appuyer que sur la liste fournie, nul moyen d'ajouter des sources autres ou de simples podcasts.
On va se constituer une programmation de quelques-unes de ces séquences qui seront lues l'une après l'autre (on peut mettre leur lecture en pause puis la reprendre là où l'avait laissée). Ce n'est probablement pas la faute de Google mais il est arrivé qu'à 10h30 il me donne le bulletin de France Info de la veille à 23h50, ou celui de 20h40 alors qu'on était le lendemain à 7h20.
Dans d'autres cas - plus rares — le Google Home Mini avale votre question mais n'a pas l'air de savoir comment la digérer. Il reste sans voix, même pas la phrase type d'excuse lorsqu'il cale sur le sens de cette question.
Et puis il est impossible d'obtenir des choses banales comme le programme télé de la soirée (préciser le nom de la chaîne pour l'aider ne change rien) ou de créer un bête rappel comme on en fait dix fois par jour avec Siri. Par contre, il sait alimenter une liste de courses ou vous dire ce qui est dans votre agenda, sous réserve de trouver la bonne formulation :
- « Qu'y a-t-il dans ma journée aujourd'hui » fonctionne bien
- « Qu'y a-t-il dans mon emploi du temps aujourd'hui » ne fonctionne pas, ni « Qu'y a-t-il dans mon emploi du temps ? »
Conclusion
La liste de ce qui ne marche pas très bien est longue ainsi que variée mais l'assistant fonctionne souvent à merveille. Il sait répondre, en puisant dans Wikipedia, à « Qu'est-ce qu'il y a dans la lave des volcans ? » ; « Quelle est la composition chimique du plomb ? », « Qu'est-ce que sont les Adirondacks ? ». Par contre il va prétexter l'absence d'écran et l'impossibilité d'afficher une carte après la question « Où se trouvent les Adirondack ? ».
On peut l'interroger sur à peu près tout et n'importe quoi, à l'occasion d'une conversation à table, pour se faire aider à l'occasion d'un devoir ou pour lancer un jeu. Le fait d'avoir cet assistant en dehors d'un téléphone le transforme en objet utilisable par tous, qui se glisse dans le quotidien du foyer. Si l'on accepte au passage que certaines informations soient accessibles à tous, comme votre emploi du temps.
Pour ceux qui ont connu le défunt Quid cet assistant a quelque chose d'une version moderne de ce fameux ouvrage qui avait réponse à (presque) tout par des articles succincts. Des services et sources d'infos sont ajoutés de temps en temps, enrichissant automatiquement les possibilités.
C'est ce "presque" qui est en définitive le principal écueil. On place beaucoup d'espoirs dans son intelligence revendiquée et dans sa capacité à aller chercher avec pertinence dans l'immense trésor d'informations que référence et stocke Google.
Tantôt on est épaté, lorsque mis au défit d'une question d'actualité ou de culture générale, il va vous fournir la bonne réponse du tac au tac (même si la lecture d'une fiche Wikipedia a un côté singe savant). Il peut être également pratique pour éviter d'aller manipuler son téléphone ou sa tablette et son ouïe sera meilleure aussi.
Puis dans d'autres situations apparement anodines, il faudra ciseler sa question d'une manière bien particulière pour obtenir satisfaction, jetant aux orties notre illusion de discuter avec un surdoué numérique.
On est donc ballotés entre émerveillement d'avoir dans son salon un peu ce futur qu'on nous promet ; amusement pour cet objet ludique dans sa manière d'interagir et agacements lorsque la mécanique patine et que vous enchainez les « OK Google » en vain ou finissez par aller régler votre thermostat à la main ou trouver vous-même votre réponse avec votre smartphone… sur Google.