Avec HomePod, Apple a finalement levé le voile sur une enceinte connectée, mais elle est d'abord, et avant tout, au service de la musique. « Apple a reinventé la musique en balade avec l'iPod » a déclaré Phil Schiller « maintenant HomePod va réinventer la manière dont nous profitons de la musique sans fil à la maison ».
HomePod n'est pas fait pour vous éclairer sur le sens de la vie, sur la météo ou pour commander un taxi, même si rien n'empêche de poser ces questions à Siri. Il est là d'abord pour jouer de la musique partout dans la maison et à pleins poumons.
C'est une version modernisée de l'iPod Hi-Fi, cette grosse enceinte qu'Apple avait imaginée en 2006 pour l'iPod et qui ne restera que 18 mois au catalogue. Tim Cook a expliqué à Bloomberg que ce produit était en chantier depuis plusieurs années, on se souvient qu'en 2015, une rumeur affirmait qu'Apple avait interrompu un projet de Beats pour sortir une enceinte Wi-Fi compatible avec plusieurs services musicaux. C'est un peu de cet héritage que l'on retrouve ici.
Le positionnement d'Apple pour ce HomePod est assez malin à ce titre (on dira aussi prudent ou pragmatique). Plutôt que de le présenter comme un assistant domestique capable de répondre à tout et à n'importe quoi et de faire les courses, avec le risque de créer une immense déception — on pratique assez Siri depuis des années pour savoir qu'elle est inégale — Apple a relégué cette fonction au second plan. La musique est sur le devant de la scène, tout l'inverse des produits concurrents.
Avec le recul, lorsqu'on reprend le fil des rumeurs sur cette enceinte (qui ont quasiment toutes tapé juste, mention spéciale pour Ming-Chi Kuo qui en décrivait avec précision la partie technique il y a un mois), cet accent mis sur la qualité sonore transpirait déjà fortement.
Dans sa présentation, Phil Schiller n'a abordé la partie assistant domestique qu'à la toute fin, après la musique, après la capacité à s'adapter aux caractéristiques acoustiques de la pièce et après l'optimisation de Siri aux questions sur la musique.
Schiller déclare que l'on a aujourd'hui des enceintes connectées faiblardes sur la partie intelligence artificielle et des assistants intelligents faiblards sur la partie audio. Sonos pour les premières, Amazon Echo pour les secondes (nulle trace de Google Home) voici les deux cibles d'HomePod. On pourrait ajouter à ces concurrents toutes les enceintes sans fil Bluetooth moyenne gamme, de type UE MEGABOOM ou BOSE. Si ce n'est qu'HomePod s'écarte de leur chemin par son prix élevé (349 $) et ses caractéristiques techniques (pas de Bluetooth, uniquement du Wi-Fi). Apple, fidèle à sa stratégie, place son enceinte dans le haut du (petit) panier des modèles connectés.
Un faux air de Mac Pro
Comme l'annonçaient des rumeurs, HomePod ressemble à un petit Mac Pro (17 cm de haut et 14 cm de diamètre) habillé d'une maille blanche ou gris sidéral. Il a besoin au minimum d'un iPhone 5s avec iOS 11 pour être commandé. Il n'y a pas de sortie ou d'entrée audio sur le châssis, tout se fait sans-fil et en Wi-Fi (802.11ac MIMO). La partie supérieure laisse transparaître le halo coloré de Siri lorsqu'on sollicite l'assistant, c'est sa manière de montrer qu'il est à l'écoute. Les unités de démonstration étaient aussi pourvues sur cette partie supérieure de discrets boutons + et - pour le volume.
La mobilité du produit est toute relative, déjà par ses 2,5 kg et parce qu'il n'y a pas de batterie intégrée, il faut une prise de courant. Autre limite à son transport, le produit est conçu pour adapter sa diffusion sonore à la pièce.
Au premier lancement, les haut-parleurs vont analyser rapidement les lieux et les microphones capturer les sons pour que le processeur A8 (celui des iPhone 6) gère ensuite la distribution sonore : est-ce que le HomePod est au centre de la pièce ? Est-ce qu'il a un mur derrière lui ?, etc.
Sonos procède de cette manière pour optimiser le rendu sonore de ses enceintes avec sa calibration Trueplay. Le fabricant s'appuie sur une app iOS et sur le microphone d'un iPhone ou d'un iPad pour évaluer la manière dont le son se propage et rebondit dans la pièce. À l'inverse, HomePod se débrouille tout seul avec son équipement intégré.
L'enceinte d'Apple contient un caisson de basse en haut, six microphones au milieu et sept tweeters tous disposés à 360° (Apple est pour le moment assez chiche dans les détails techniques précis, on suppose aussi que le bloc d'alimentation est intégré). L'un des rôles du processeur A8 est de distinguer les principaux éléments qui constituent un morceau (les voix d'avant plan, les chœurs, les instruments, le public dans un live…) et de séparer leur diffusion (c'est illustré dans la vidéo du keynote à 1h 25 mn).
Quelques journalistes ont pu voir fonctionner deux HomePod dans une pièce à l'écart du brouhaha. Apple ne diffusait que 6 morceaux et apparemment la qualité audio était convaincante au vu de la taille du produit, ainsi que par sa capacité à séparer les sons. Dans un morceau live, la voix du chanteur et les principaux instruments étaient envoyés vers le centre de la pièce et les cris du public vers le mur derrière l'enceinte. Lorsque deux HomePod étaient en fonctionnement, le son du public venait de l'un et la voix et la musique de l'autre. Avec deux HomePod dans la même pièce (700 $…) les enceintes se détectent automatiquement et peuvent offrir un son stéréo (puisque chacune est mono à la base). Lorsqu'on a les moyens d'en répartir plusieurs dans sa maison, la nouvelle version 2 d'AirPlay saura faire du multiroom et jouer des morceaux différents dans chaque pièce.
Dans sa pièce de démonstration, Apple comparait son HomePod avec un Amazon Echo (180 dollars, bien moins chaussé techniquement) et un Sonos Play:3 (349 euros). Au vu de cette courte écoute, le nouveau venu s'en sortait pas mal du tout à en croire ces journalistes. Il était bien mieux que celui d'Amazon et du niveau du Sonos voire supérieur selon les morceaux. Impossible par contre de juger des qualités de Siri, Apple ne l'autorisait pas. De même que les HomePod montrés en salle de presse étaient inopérants, ils se contentaient d'afficher l'animation de Siri sous le capot supérieur.
HomePod est avant tout au service d'Apple Music. Lorsqu'il joue des morceaux, il va les chercher directement dans le nuage auprès du service, ils ne sont pas streamés depuis votre iPhone ou iPad. Pour associer un iPhone à l'enceinte, il suffit d'approcher le téléphone, à la manière des AirPods. HomePod n'est pas fermé à Spotify et consorts, il suffira de streamer sa musique en AirPlay depuis les apps de chacun.
Siri en service contrôlé
Siri est intégré et optimisé pour quelques scénarios courants, mais lorsqu'une journaliste de Bloomberg demande à Cook si l'on pourra commander ses courses avec HomePod, comme on le fait avec son concurrent d'Amazon, le patron d'Apple ramène la conversation à l'appétence de cette enceinte pour la diffusion de musique. Phil Schiller expliquait hier que l'équipe Siri avait identifié 14 domaines que les gens utiliseraient probablement le plus avec HomePod et pour lesquels l'assistant avait été musclé (sachant qu'il ne peut se reposer sur un écran pour fournir des infos supplémentaires) : la musique, les actualités, la conversion de mesures, l'envoi de messages, les rappels, les podcasts, les alarmes et minuteurs, la traduction, les cours de la bourse, la météo, quelques questions de connaissances générales, les conditions de circulation alentours, les résultats sportifs et les commandes HomeKit. Ce qui fait déjà pas mal mais dans un second temps, Apple compte élargir encore les possibilités de Siri.
Pour la musique en particulier, Siri saura répondre à des questions plus ou moins compliquées, comme de savoir qui joue de tel ou tel instrument dans le morceau joué, sa date de sortie, celle de son enregistrement, etc. Apple explique aussi que grâce à ses différents microphones, l'enceinte saura entendre les demandes faites à Siri même si la musique est forte.
Apple insiste sur la confidentialité des données. Tant que l'on ne prononce pas "Dis Siri", l'enceinte HomePod n'écoute rien de vos propos. Lorsque Siri est appelé, son logo coloré apparaît, l'émetteur de ces ordres est anonymisé et les informations transmises sont chiffrées. Dernier rôle d'un HomePod, servir d'interface avec tous vos équipements HomeKit. On les commandera par son entremise lorsqu'on est chez soi, mais également de l'extérieur depuis son iPhone ou iPad.
Signe probablement qu'Apple veut jouer la carte de la prudence avec le volet Siri de cette enceinte, elle va d'abord la lancer dans les pays anglophones — États-Unis, Australie et Royaume-Uni — où son assistant est le plus performant et plus complet.
Toujours à propos de Siri, des questions restent en suspens, comme de savoir si plusieurs personnes d'un même foyer pourront l'utiliser et obtenir des réponses adaptées. Ce serait logique. Par exemple, la liste des morceaux favoris de l'un, dans son compte Apple Music, ne sera pas la même que pour un autre. Google Home a gagné récemment cette fonction en se basant sur la voix des personnes de la maison (jusqu'à 6 maximum). Siri sait déjà reconnaître le profil d'une voix mais il n'est pas toujours fiable. Si Apple n'en a rien dit pour l'heure c'est peut-être que tout n'est pas encore calé.
La commercialisation du HomePod va démarrer en décembre à 349 $, puis d'autres pays suivront tout au long de l'année prochaine a promis Phil Schiller, sans plus de précisions.