L’Arcep recevra jeudi les opérateurs au sujet de la demande de Bouygues Telecom de réaffecter la fréquence 1 800 MHz du réseau EDGE au réseau 4G LTE. L’autorité indépendante doit rendre une décision d’ici la fin mars, mais Orange, SFR et Free font tout pour repousser l’échéance le plus loin possible.
Jean-Ludovic Silicani, le président de l'Arcep.
Bouygues Telecom milite depuis de nombreux mois pour obtenir l’autorisation de reconvertir son réseau EDGE en réseau 4G LTE. Dans un premier temps, le gouvernement était favorable à l’idée : sans même parler de son coût, le déploiement de la 4G LTE sur les fréquences 800 et 2 600 MHz se heurte à des difficultés administratives dans le déploiement de nouvelles antennes et technologiques avec le brouillage du réseau TNT.
La fréquence 1 800 MHz est utilisée dans d’autres pays, notamment la Grande-Bretagne, car elle est peu encombrée et possède une bonne capacité de pénétration dans les bâtiments. Elle permettrait de plus de réutiliser rapidement les antennes déjà déployées et donc de rattraper le retard relatif de la France en matière de déploiement de la 4G LTE. Cerise sur le gâteau : elle permettrait de prendre en charge les appareils Apple et permettrait donc d’engager un mouvement de renouvellement.
Cette proposition n’est néanmoins pas du goût d’Orange et SFR, qui ont payé très cher leurs « fréquences en or » et ont pour le moment de l’avance en matière de déploiement : ils possèdent plus de 600 antennes 4G LTE à eux deux, contre un peu plus d’une cinquantaine pour Bouygues. SFR, dont le réseau EDGE est très peu développé, n'a ainsi pas hésité à brandir la menace de 5 000 « destructions d'emplois » si l’Arcep donnait son blanc-seing à Bouygues.
Orange, de son côté, joue la carte de la distorsion de concurrence. Le premier opérateur français possède un réseau EDGE à l’échelle nationale, mais ne pourrait facilement le reconvertir : il sert toujours à de nombreux clients, notamment ceux de Free Mobile. Alors qu’une décision positive pourrait être bénéfique au quatrième opérateur, il a donc rejoint le camp des anti- pour ne pas fâcher son partenaire, brandissant lui aussi le drapeau des licenciements.
Free Mobile se fait même plus royaliste que le roi, demandant que cette reconversion n’ait pas lieu avant 2015, alors qu’Orange et SFR militent pour la mi-2014. Le nouvel entrant est il est vrai pris à la gorge par ses obligations actuelles de déploiement ; tous craignent que le feu vert de l’Arcep n’offre un monopole de facto à Bouygues sur la 4G LTE pendant de longs mois.
La position du gouvernement est aujourd’hui moins favorable que par le passé : les menaces de SFR et de Free sont prises au sérieux par le ministère du Redressement productif, tandis que Fleur Pellerin craint un chantage au déploiement de la fibre optique. Le ministère de l’Économie et le FSI, quant à eux, voient d’un mauvais œil une décision qui pourrait avantager unilatéralement un concurrent d’une société détenue à 27 % par l’État (Orange-FT).
Beaucoup de pressions donc sur l’autorité indépendante qu’est l’Arcep, dont on n’attend pas qu’elle progresse sensiblement sur le dossier à l’issue de cette réunion.