Il fallait que l’Arcep en ait dans le pantalon pour aller contre l'avis du gouvernement sur le dossier du refarming 4G LTE. La sanction ? Un grand coup de pied dans les valseuses, puisque selon BFM TV Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin préconiseraient de déposséder le gendarme des télécoms de la plupart de ses prérogatives.
[MàJ 16/03] sur son Twitter, Fleur Pellerin a qualifié les extraits publiés par BFM TV de versions de travail sans caractère officiel. Ce qui ne change rien au fond de l'affaire : le gouvernement réfléchit bien à un démantèlement de l'Arcep.Dans le rapport (confidentiel) sur le rapprochement entre le CSA et l’Arcep, le ministre du Redressement productif et la ministre déléguée de l’Économie numérique estiment que l’autorité indépendante de régulation des communications électroniques a trop de pouvoirs :
Les évolutions des marchés et des technologies nécessitent un renforcement du rôle du gouvernement. [Et] la plupart des acteurs ont exprimé le souhait de renforcer les leviers de l’État et de limiter le rôle de l’Arcep. La question peut donc se poser d’un certain rééquilibrage de compétences avec le gouvernement, que de nombreux acteurs jugent nécessaire.
Dont le pouvoir d’aller contre l’avis du gouvernement, comme sur le sujet du recyclage des fréquences 1 800 MHz pour la 4G LTE.
Montebourg et Pellerin n’y étaient pas favorables, le premier prenant au sérieux les menaces de SFR et Free sur l’emploi, la deuxième craignant un chantage au déploiement de la fibre optique. Le ministère de l’Économie voyait quant à lui d’un mauvais œil une décision qui avantage unilatéralement un concurrent d’une société détenue à 27 % par l’État (Orange-FT). « De nombreux acteurs ont souligné que les décisions prises par le régulateur souffraient d’un manque d’évaluation de leur impact économique », déplorent ainsi les deux ministres.
Depuis sa création en 1997, l’Arcep gère l’attribution des fréquences cellulaires, le gouvernement ne pouvant pas faire grand-chose de plus que fixer le prix ou de s’opposer au projet. Montebourg et Pellerin veulent inverser les rôles : à l’Arcep le droit de « rendre un avis public » sur les projets du gouvernement, qui aurait la « pleine responsabilité » de l’appel des candidatures et de la délivrance des autorisations. La France deviendrait un des rares pays où les fréquences ne sont pas gérées par une autorité indépendante : aux États-Unis par exemple, c’est la FCC qui s’en charge.
C’est aussi l’Arcep qui gère le déploiement de la fibre optique, le gouvernement n’intervenant là encore que pour préciser les conditions financières. Là encore, les deux ministres en charge des télécommunications préconisent un renversement des prérogatives, regrettant que l’Arcep n’ait « pas encore réussi à insuffler seule une réelle dynamique de marché. »
Le gouvernement devrait avoir la possibilité de prendre des mesures réglementaires, l’Arcep n’intervenant qu’en l’absence de telles mesures, ou pour trancher les vides juridiques subsistant après de telles mesures. […] L’ampleur de l’enjeu pourrait justifier de revenir sur le pouvoir réglementaire qui a été délégué à l’Arcep pour la définition des modalités de déploiement et d’accès des réseaux, ou, à tout le moins, de limiter cette compétence à l’absence de mesure réglementaire gouvernementale sur ce sujet. Cela permettrait ainsi au gouvernement de définir des règles précises et incitatives.
Montebourg et Pellerin veulent aussi retirer à l’Arcep son rôle de protection du consommateur arguant cette fois que l’autorité fait trop bien son travail, « mais parfois au détriment de l’efficacité économique. » Une nouvelle fois, l’Arcep ne pourrait plus que donner son avis sur la politique du gouvernement, et encore seulement si le sujet est technique — or les deux ministres assurent qu'« une régulation spécifique [aux télécoms] n’est pas réellement justifiée. » Enfin, le gouvernement placerait « le développement de l’emploi » au premier rang de ses préoccupations : l’Arcep a souvent été critiquée pour son manque de tact politique avec ses décisions au long cours.
Bref, les deux ministres voudraient vider l’Arcep de sa substance et faire des fréquences une arme politique comme les autres. Pas sûr que cela passe à Bruxelles, la Commission européenne imposant l’existence d’un régulateur indépendant aux larges prérogatives.