Surprise la mieux gardée du keynote de septembre dernier, Super Mario Run est enfin disponible sur iOS.
Jamais Apple n’avait mis autant de moyens pour la sortie d’une application sur iOS. Et pour cause, le héros le plus célèbre du jeu vidéo qui voyage en dehors d’une console Nintendo, c’est exceptionnel.
Plus encore qu’Apple, la firme nippone a mis le paquet pour que son premier jeu pour smartphone (Miitomo est un peu à part) soit un succès. Car avec Super Mario Run, elle joue son va-tout.
Nintendo est à une période charnière : la Wii U qui a été un échec commercial (13 millions d’unités vendues, très loin derrière la concurrence et la Wii) va tirer sa révérence, la Switch n’est pas encore lancée, et la 3DS de presque six ans d’âge (un peu revigorée avec la New 3DS) doit maintenant composer avec des smartphones omniprésents.
L’arrivée de Mario sur iOS, Apple a tout à y gagner, Nintendo a tout à y perdre. Pour le premier, c’est la consécration du caractère incontournable de sa plateforme. Pour le second, c’est certes la chance de toucher un public plus large, mais c’est aussi le risque de déliter sa licence phare et de rendre ses consoles moins attrayantes. Vous voyez ce que Sonic est devenu aujourd’hui ?
Mais de quel Mario parle-t-on justement sur iOS ? Super Mario Run est-il un ersatz ou une adaptation réussie ? Réponse dans notre test.
Il court, il court, le plombier
Si vous ne le saviez pas encore, dans Super Mario Run, Mario court tout seul. Sauf à rebondir contre un mur, impossible de revenir en arrière pour taper une brique passée sous le nez, le moustachu va toujours de l’avant.
Une hérésie ? Au contraire, une bonne idée. Plutôt que de tenter d’intégrer des boutons virtuels rarement pratiques ou une panoplie de gestes à apprendre, Shigeru Miyamoto et ses équipes ont fait le pari de la simplicité ; on saute d’un tapotement sur l’écran, on tourbillonne en l’air avec le même geste, et c’est tout (les manettes MFi ne sont pas prises en charge). Et comme le jeu est en orientation portrait, une seule main suffit pour jouer (une deuxième sera utile si vous jouez sur iPad).
Cette jouabilité n’a rien de nouveau, on est bien d’accord. L’excellent Rayman Jungle Run et ses suites, pour ne citer qu’eux, ont un gameplay similaire. Mais voilà, quand au premier lancement on voit Bowser enlever la princesse Peach et Mario se lancer à sa rescousse — oui, le début de l’histoire du mode « Tour des mondes » est le même que d’habitude, mais on ne vous spoilera pas la fin, le NDA nous l’interdit —, la magie opère.
L’univers de Mario est fidèlement reproduit, pour le plus grand plaisir des fans et des néophytes qui découvriront un monde coloré éminemment sympathique. Tout y est ; les personnages charismatiques, la musique culte, les bruitages rigolos, les ennemis mignons, les environnements variés…
L’ensemble est servi par une réalisation impeccable. C’est stable, fluide, détaillé et parfaitement animé. À moins que vous ne fassiez le choix de réduire la qualité graphique comme le jeu l’autorise pour préserver la batterie de votre iPhone. Vous pouvez réduire la « qualité du rendu », ce qui fera chuter le framerate (nombre d’images par seconde), et/ou la « qualité graphique », ce qui abaissera la définition. Dans les deux cas, la baisse de qualité est sensible.
Il n’y a pas que la réalisation qui est impeccable, le gameplay l’est aussi. Si Super Mario Run ne se joue pas comme les Mario 2D classiques, on retrouve bien les sensations propres à la franchise. Tout en étant accessible, le jeu demande un minimum de précision et d’adresse.
Les habitués des jeux de plateforme trouveront sûrement qu’il y a trop d’aides : Mario sait enjamber tout seul les petits ennemis, une chute ne lui sera pas fatale car il sera ramené en arrière dans une bulle (heureusement, les bulles ne sont pas illimitées), des cases stop permettent de faire une pause pour analyser les mètres à venir… Mais on peut jouer en faisant abstraction de ces coups de main — sauf les cases stop, qui sont parfois indispensables pour éviter un ennemi ou atteindre une plateforme.
Les niveaux s’enchaînent facilement, et comme ils sont courts (moins de 2 minutes) et seulement au nombre de 24, on finit l’aventure en 1 heure environ. L’aventure, mais pas le jeu. Le véritable challenge est de récupérer toutes les pièces roses, puis violettes et enfin noires.
Cela oblige à refaire les niveaux plusieurs fois. Répétitif ? Pas tant que ça, car on débloque au fur et à mesure de nouveaux personnages qui ont chacun leur pouvoir spécial — Peach plane grâce à sa robe, par exemple —, ce qui permet d’aborder un peu différemment les niveaux.
Et c’est sans compter la présence d’un deuxième mode de jeu, « Défis Toad », qui consiste à se mesurer en asynchrone à un autre joueur (on peut inviter ses amis) dans la conquête des pièces d’un niveau. Un mode multi-joueur amusant qui permet de gagner (ou de perdre) des Toad (des petits bonshommes champignons) servant eux-mêmes à développer son royaume.
L’« Éditeur de royaume », c’est le troisième mode de jeu, qui n’est pas de la plateforme mais de la construction. Les Toad permettent de débloquer les objets de la boutique (végétation, maison, décoration…) qui s’achètent avec les pièces ramassées dans les niveaux. Il n’y a aucun achat in-app, la seule méthode pour constituer son pactole est de jouer.
Les trois modes sont donc bien liés entre eux et assurent une longue durée de vie. Les motivations pour passer des heures sur Super Mario Run (récupérer toutes les pièces, mettre une raclée à ses amis dans les Défis Toad, bâtir un joli royaume…) sont multiples et complémentaires. Les 10 € demandés sont justifiés.
Malheureusement, ce lien entre les modes est aussi l’une des raisons pour lesquelles le jeu entier demande une connexion internet permanente, comme l’a expliqué Shigeru Miyamoto :
Nous avons pensé à un moment donné qu’il serait appréciable de pouvoir jouer au Tour des mondes sans connexion internet. Mais rendre ce mode autonome aurait compliqué la communication avec les modes Défis Toad et Éditeur de royaume. Or, comme ces deux modes s’appuient sur la sauvegarde en ligne, nous avons dû l’intégrer au Tour de mondes également.
L’autre raison pour laquelle une connexion internet est constamment requise, c’est pour lutter contre le piratage. Comme souvent avec les mesures anti-piratages, il est dommage de pénaliser les utilisateurs légitimes pour contrer ceux qui, de toute façon, trouveront une parade.
Se retrouver sans connexion internet ne coupe pas immédiatement l’action, mais presque. Si on se trouve dans un niveau du Tour des mondes, on peut aller jusqu’à la fin, mais après avoir décroché le drapeau, le message suivant apparaît et reste tant qu’on est hors ligne : « Trouvez un environnement disposant d’une meilleure connexion et réessayez. Code d’assistance 804–1000. » Terriblement frustrant.
Pour conclure
Mission réussie pour ce Super Mario Run qui est une jolie porte d’entrée dans l’univers Nintendo pour les néophytes et un très bon jeu de plateforme sur le pouce… pour peu qu’on ait une connexion internet. Il est vraiment dommage d’avoir imposé cette condition pour la totalité du jeu, alors qu’il se prête parfaitement à de petites sessions dans les transports. Super Mario Run donne en tout cas envie de découvrir ou redécouvrir les Mario plus avancés des consoles Nintendo. Here we go !