Pourquoi Samsung n'a pas su transformer l'essai de sa campagne publicitaire américaine qui avait réussi à agacer jusqu'au patron du marketing d'Apple ? Business Insider détaille cet épisode, dans une analyse sur la manière dont Samsung est revenu dans la course aux smartphones avant de finalement s'essouffler. Pour mémoire, au dernier trimestre, les ventes dans la catégorie des smartphones ont vu Apple dépasser de peu son meilleur ennemi, lequel n'affiche plus une insolente santé financière.
Avant de s'attarder sur la campagne « The Next Big Thing » de 2012 — où des utilisateurs de Galaxy moquaient des fans d'Apple battant le pavé devant les Apple Store pour le dernier iPhone — Business Insider rappelle les objectifs que s'était fixé Samsung après l'envolée de l'iPhone.
En 2009, Samsung décida d'utiliser un tout nouvel écran Super Amoled dans un téléphone haut de gamme conçu par ses soins, plutôt que de fournir cette dalle à un quelconque autre fabricant de téléphones. Constatant que la marque Samsung avait une connotation de téléphones bas de gamme, comparée aux BlackBerry, Apple ou Nokia, le sud-coréen créa la marque Galaxy. Tout comme Toyota lança la marque Lexus pour des berlines plus chics et plus chères.
2011, époque du Galaxy S II et de l'iPhone 4S, Samsung se donna comme objectif de faire des Galaxy la marque numéro 1 aux États-Unis en 5 ans, alors qu'elle pointait à la cinquième place dans les sondages. L'objectif fut atteint en 18 mois seulement, sous la férule du responsable marketing pour l'Amérique du Nord, Todd Pendleton.
Le siège coréen et sa filiale américaine avaient toutefois une manière différente de voir les choses. Les premiers voulaient gravir les échelons l'un après l'autre, en s'attaquant d'abord à HTC puis Motorola, BlackBerry et enfin Apple. La filiale préféra affronter directement Apple. Pour ce faire, elle s'appuya sur cette campagne qui fit rugir Phil Schiller contre son agence de pub. Samsung et les créatifs de 72 And Sunny avaient réussi à renverser les rôles sur le plan de l'image et les ventes suivaient.
Dans le même temps Samsung arriva — laborieusement mais sûrement — à créer une nouvelle catégorie de terminaux avec ses grands Galaxy Note. Mal accueillis au début, au point que des opérateurs américains furent tentés de ne pas vendre la version II, la phablette trouva son public en Asie et finit par influencer partout ailleurs les autres fabricants.
Samsung avait réussi son pari d'installer cette nouvelle marque, de revenir sur Apple et la dépasser dans les ventes. Business Insider raconte que les autres filiales étrangères étaient désireuses d'utiliser aussi ce concept de la campagne "The Next Big Thing". Mais paradoxalement, les performances américaines ne plurent pas à tout le monde chez Samsung, poursuit le site.
D'après ses contacts, les relations entre le siège coréen et la filiale allèrent en se dégradant au fur et à mesure que les Galaxy gagnaient du terrain aux États-Unis. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les équipes US furent décriées. D'après une source, un audit fut ordonné par le siège de Samsung. L'équipe américaine fut soupçonnée d'avoir truqué ses chiffres de vente ou payé certains médias pour s'attirer leurs faveurs. Au bout de trois semaines les auditeurs repartirent bredouilles, mais il persista une atmosphère de suspicion vis-à-vis de ces francs-tireurs.
La suite est connue, le Galaxy S4 fut un autre succès mais Samsung a commencé à perdre la main avec le S5. Apple s'est mise aux grands écrans et la concurrence chinoise s'est révélée particulièrement agressive. Un Xiaomi sait vendre des téléphones de bonne facture qui n'ont pas à rougir devant un Galaxy, en s'appuyant sur le web et les réseaux sociaux (économies en marketing à la clef).
L'analyste Ben Thompson résume le dilemme pour Samsung, il lui manque quelque chose qui lui soit propre pour marquer sa différence :
C'est toujours dangereux je crois lorsqu'on ne sait pas expliquer les raisons d'une victoire. L'une des choses qui ont fait que Samsung a réussi, c'est qu'il s'est repositionné d'une manière que n'ont pas su faire Nokia et les autres. Il a su se redresser en utilisant tout ce qu'il avait en sa possession, mais il n'a pas réussi à maintenir cet effort. Parce qu'il n'y avait rien de spécial dans ses téléphones. Samsung s'est retrouvé pris en tenaille sur le haut de gamme par Apple et sur l'entrée de gamme par Xiaomi en Chine.
Et si en définitive il n'y a rien qui permette de distinguer un téléphone Samsung, poursuit l'analyste « Alors il leur faudra se battre sur les prix ». La conférence de dimanche montrera de quelle manière Samsung entend se relancer. Toutefois, les dernières rumeurs et les choix techniques opérés pour l'un des deux modèles attendus pointent plutôt vers un alignement voire un dépassement des prix d'Apple…